Histoire de miradors à la prison de Mauzac (Dordogne)

L'un des miradors de la prison militaire de Paris repliée à Mauzac. C'est un GMR qui assure la garde.

Le 29 septembre dernier, la Chancellerie annonçait la suppression partielle des miradors dans les prisons françaises au profit de caméras, « afin de faire des économies de personnel de surveillance »… Avant qu’ils ne disparaissent complètement du paysage carcéral, jetons un regard sur les miradors de la prison de Mauzac…

Mirador à Mauzac, coll. Sylvain Le Bail.

La prison de Mauzac a été construite dans l’urgence, en raison du repli des tribunaux militaires de Paris à Périgueux et de la prison militaire de Paris au camp de Gurs d’abord, à Mauzac, Bergerac et Nontron ensuite.

La « prison militaire de Paris repliée à Mauzac » fonctionne à partir du 6 novembre 1940.

Les premiers miradors, sortes de cabanes perchées, de « palombières » diraient les chasseurs du Sud-Ouest, paraissent relativement fragiles.L’un des voisins du camp de Mauzac me racontait que lors d’une tempête, une bourrasque de vent avait eu raison d’un des miradors de la prison qui s’était écroulé, précipitant son gardien au sol, heureusement pour lui, sans autre conséquence que des blessures légères…

Plan pour le projet de construction d'un mirador à la prison militaire de Mauzac.

Projet de mirador pour le « Camp de Mauzac », source SHD-DAT, Vincennes, 13 J 1574.

Le 10 février 1942, le Capitaine Chevalier, chef de l’annexe des Bâtiments militaires à Bergerac, s’adressait au commandant de la prison militaire de Mauzac en ces termes : J’ai l’honneur de vous adresser en communication un croquis de construction de mirador, ne nécessitant pas l’emploi de boulons, qu’il est actuellement impossible de trouver en quantité suffisante dans le commerce.. Les poteaux sont des troncs d’arbres de 0,16 à 0,25 de diamètre. Une enture intermédiaire pourra être effectuée si les longueurs des troncs sont insuffisantes…

Prison militaire de Mauzac avec l'un des miradors et en fond le donjon du château de Larue

Le terme « mirador » tire son origine de l’espagnol « mirar » (regarder) et désigne un lieu surélevé, poste d’observation. Dès la fin des années quarante, les miradors en bois sont remplacés par des guérites en béton nommées « blockhaus ».

Leur fonction est double : empêcher les évasions et prévenir les attaques venant de l’extérieur.

Dessin Michel Danner, collection Bernard Lefèvre.

L'un des miradors d'angle de la prison de Mauzac. Le centre pénitentiaire de Mauzac dans les années cinquante. Collection Michel d'Abbadie d'Arrast.

À gauche, mirador « en dur », Archives départementales de la Dordogne, 1141 W 239. À droite, la prison de Mauzac (camp Nord) vers 1950, à Sauvebœuf, carrefour de l’église, collection d’Abbadie d’Arrast.

Dessin humoristique au sujet d'un mirador à la prison de Mauzac.

Les illustrations réalisées par les prisonniers eux-mêmes, à l’exemple du dessin humoristique reproduit ci-dessous, font souvent référence au mirador, lieu d’où l’on observe et « mate » (de l’argot regarder ou observer) le détenu. Ce qui a donné le terme argotique de « matons » qui désigne les surveillants.

On ne peut parler des miradors sans évoquer l’excellent ouvrage de Laurette Alexis-Monet : « Les miradors de Vichy » (Les Éditions de Paris, 1994, réédité en 2001), préfacé par Pierre Vidal-Naquet.

À la demande de la Cimade (organisme protestant d’aide aux personnes déplacées), Laurette, jeune étudiante de 19 ans, fille d’un officier devenu missionnaire protestant en Indochine, accepte, à partir du mois d’août 1942, de venir en aide aux internés des camps de Récébédou (Haute-Garonne) et de Nexon (Haute-Vienne).

Son récit constitue un témoignage de première main révélant, dans toute leur horreur, ce que furent les camps pour « indésirables » sous Vichy…

Dessin aquarellé, juillet 1945, collection Jacky Tronel.

3 Commentaires de l'article “Histoire de miradors à la prison de Mauzac (Dordogne)”

  1. Laval dit :

    Bonjour,
    J’aurais une question à vous poser. Avez-vous des noms de prisonniers de 1945 qui ont dessiné de telles caricatures ? J’en possède une du même genre et j’aimerais l’identifier.
    Merci

  2. Jacky Tronel dit :

    Bonsoir,
    Les noms des détenus qui ont été écroués à la prison militaire de Mauzac (jusqu’au 2 mai 1945), puis ensuite versés au centre pénitentiaire de Mauzac figurent sur des registres d’écrou maintenant librement consultables. Pour la partie sous contrôle de la Justice militaire, les registres sont conservés en sous-série 13 J au Service historique de la Défense, département de l’Armée de Terre, à Vincennes. Les registres postérieurs au 2 mai 1945 sont conservés aux Archives départementales de la Dordogne, à Périgueux. Il s’agit, de mémoire, des cotes 1826 W 145 et suivantes… à vérifier sur les inventaires.
    Je ne connais pas l’auteur de la caricature légendée « Qu’est-ce qu’il a à gueuler… je récuppère ». Seule une date et des initiales figurent sur le dessin aquarellé : « 8-7-45 / R.R. »
    Auriez-vous l’amabilité de me faire parvenir une copie (fichier numérique par e-mail) de la caricature du même genre en votre possession ? Est-elle signée des mêmes initiales ? Cela m’intéresse. Ce dessin présente sans doute un intérêt justifiant le fait de pousser plus loin les investigations…
    À vous lire, JT – tronel.jacky@wanadoo.fr

  3. Je découvre à 71 ans l’existence du camp de MAUZAC en feuilletant des documents concernant mon oncle déporté politique à Buckenwald, du 31 juillet 1944 au 12 mai 1945. J’avais toujours cru qu’il avait passé 3 années là-bas. Mais non ! Il était interné au camp de MAUZAC, du 12 août 1942 au 30 juillet 1944… Une révélation ! Votre site est une mine d’or. Merci.

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