Genèse des prisons militaires de la place de Paris

Les plus anciennes des prisons militaires de Paris sont les prisons de l’Abbaye et de Montaigu. Tandis que l’Abbaye est remplacée par la maison militaire d’arrêt et de correction de la rue du Cherche-Midi, Montaigu est transformé en pénitencier militaire avant d’être remplacé, en 1836, par le pénitencier de Saint-Germain en Laye.

Ancienne prison militaire de l'Abbaye de Saint-Germain des Prés.

© Ancienne prison militaire de l’Abbaye, vers 1850.

Le 9 avril 1819, la Société royale pour l’amélioration des prisons est créée par Louis XVIII, sur proposition du comte Decazes, ministre de l’Intérieur. Le 14 juin 1819, Louis Gabriel Suchet, maréchal duc d’Albufera, est nommé à la tête de la commission de surveillance en charge des prisons militaires de Paris. Le 19 juillet, dans un courrier adressé au maréchal de Gouvion Saint-Cyr, ministre de la Guerre, le maréchal Suchet suggère que soient vendus « les bâtiments de Montaigu […] ainsi que la prison insalubre de l’Abbaye et l’hôtel rue du Cherche-Midi, où siègent les conseils de guerre » et propose la construction d’une « prison à Paris, qui servirait de modèle à toutes celles du Royaume […] de manière à contenir 400 détenus classés méthodiquement, et à recevoir le tribunal et les bureaux des conseils de guerre, les greffes & co. », d’après le plan que Charles Cottu, juriste et membre de la Société royale pour l’amélioration des prisons, a reçu de Londres…

Le 5 novembre 1819, Houel, chef du bureau de la Justice militaire, évalue le coût de la construction à plus de quatre millions de francs. Il fait remarquer qu’une prison militaire pour 250 hommes suffirait, qu’il serait bien de la prévoir en un lieu « éloigné des quartiers trop peuplés et où il [serait] facile d’amener les eaux nécessaires à la propreté et à la salubrité », qu’il faudrait s’assurer que l’établissement puisse fournir « les moyens de séparer les hommes en punition, ceux en prévention, et ceux condamnés à l’emprisonnement ou à la détention ; qu’il renferme un local suffisant pour le tribunal, les greffes, et le logement des concierges, geôliers et surveillants ; et qu’enfin toutes les précautions qu’exigent la salubrité et la sûreté [soient] conciliées ». Le 24 décembre 1819, une commission, présidée par le baron Haxo, est constituée. Le projet en question ne verra jamais le jour… L’instabilité politique, le « turnover » des ministres de la Guerre – du début de la monarchie de Juillet à la fin de la IIe République, pas moins de vingt-cinq ministres sont nommés à ce poste – et l’absence de crédits, expliquent les raisons de cet échec.

Par ordonnance royale du 3 décembre 1832, la prison de Montaigu, située place du Panthéon, est érigée en pénitencier militaire. Des prisonniers y sont écroués jusqu’en avril 1836. En 1841, une maison de justice militaire est installée dans une aile de l’hôtel des conseils de guerre, au 37 rue du Cherche-Midi. Cette prison, ouverte le 1er novembre 1841, est destinée aux militaires arrêtés pour absences illégales et aux condamnés à des peines inférieures à six mois de prison. En 1850, l’effectif est de 156 prisonniers. Le procès-verbal de la visite effectuée les 2 et 3 juin 1864 par Louis-Joseph-Gabriel de Chénier, chef du bureau de la Justice militaire au ministère de la Guerre, souligne les faiblesses de l’établissement : « La maison de justice laisse beaucoup à désirer sous le rapport du casernement. C’est une maison dont on a tiré le meilleur parti possible, mais où les détenus manquent de place et d’air. Le préau est étroit et humide. À défaut d’ateliers, les détenus travaillent dans les chambres de détention. Les disciplinaires ne peuvent être tenus renfermés séparément comme le prévoit le règlement. »

De 1847 à 1851, une maison militaire d’arrêt et de correction est construite juste en face, au 38 rue du Cherche-Midi. Elle est édifiée sur l’emplacement d’un ancien couvent ayant appartenu à la communauté des Filles du Bon Pasteur. Après la Révolution, les bâtiments sont réquisitionnés par l’autorité militaire et servent tour à tour de magasin aux effets de campement de la garnison de Paris, d’atelier de réparation de l’habillement des troupes et de dépôt pour la manutention des vivres de l’armée. Leur démolition permet la construction d’une prison cellulaire d’une capacité de 200 places qui ouvre le 30 décembre 1851. Des militaires condamnés à des peines supérieures à un an y sont internés.

En 1907, après la suppression de l’hôtel des conseils de guerre consécutive au percement du boulevard Raspail, les tribunaux traversent la rue et s’installent au numéro 38, dans l’un des quartiers de la prison militaire. On y accède par une entrée située à l’angle de la rue du Cherche-Midi et du boulevard Raspail. Cette prison s’inscrit dans le cadre du programme de construction pénitentiaire privilégiant le « tout cellulaire ». Le système de la détention est celui d’Auburn (prison de l’État de New York, 1825). Les condamnés sont en commun dans les ateliers et travaillent en silence pendant le jour. Ils sont enfermés chacun dans une cellule pendant la nuit.

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