Pétain antisémite ? On s’en doutait… Pétain anticommuniste ? On le savait aussi !

Philippe Pétain, maréchal de France, Chef de l'État français.Lundi 4 octobre 2010, l’avocat Serge Klarsfeld présentait à la Presse « un document original » relatif à l’élaboration du statut des Juifs (adopté le 3 octobre 1940), dont les annotations seraient du maréchal Pétain, établissant « qu’il a mis sans équivoque la main à la pâte ». À supposer que le document soit authentique, ce qui est vraisemblable, il démontrerait que Philippe Pétain était encore plus raciste et antisémite qu’on ne l’imaginait.
Probablement l’était-il… et cet antisémitisme n’avait d’égal que son anticommunisme, ainsi qu’en témoigne la lettre de félicitations qu’il adressait au général Héring, nouvellement promu au rang de gouverneur militaire de Paris.

L’anticommunisme viscéral d’Héring est bien connu… Le gouverneur militaire avait déclaré la guerre à tous les communistes parisiens et avait fait procéder à l’arrestation de nombre d’entre eux. Ceux-ci allaient grossir la population des politiques écroués à la prison militaire de Paris (au Cherche-Midi et à l’annexe de la Santé).

Lettre de félicitations de Philippe Pétain au Général Héring, nouveau gouverneur militaire de Paris

Le Général Héring est nommé gouverneur militaire de Paris
le 10 septembre 1939,
en remplacement
du Général Billotte.

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Texte de la lettre
que Philippe Pétain,
ambassadeur de France
en Espagne lui adresse
le 22 décembre 1939 :

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Mon cher Héring,

Enfin ! Paris a un gouverneur digne d’elle.
La guerre, ou plutôt l’état de guerre va devenir très pénible pour l’arrière.  Celui des deux partenaires qui conservera le meilleur moral gagnera la guerre.
Vous avez su montrer dans plusieurs circonstances une attitude ferme.

Continuez et débarrasser [sic] Paris des Communistes. Vous avez déjà fait du bon travail ; les gens avisés sont contents de vous voir au poste où vous avez été placé.

Pour moi, je fais un métier auquel je n’étais pas préparé mais auquel je m’adapte du mieux possible. Je m’attache surtout à éviter les gaffes et les occasions ici ne manquent pas.

Signature de Philippe Pétain à sa lettre du 22 décembre 1939, adressée au Général Héring.[…] Croyez, mon cher Héring, à mes sentiments bien affectueux.
Signé: Philippe Pétain
Adresse : Gare d’Hendaye (Basses Pyrénées)

Source : L’histoire de la seconde Guerre Mondiale transmise par le Général HERING

Philippe Pétain est nommé ambassadeur de France en Espagne le 2 mars 1939. Il présente ses lettres de créance au général Franco, chef de l’État espagnol, le 20 mars 1939. Il est nommé vice-président du Conseil dans le gouvernement de Paul Reynaud le 17 mai 1940.

6 Commentaires de l'article “Pétain antisémite ? On s’en doutait… Pétain anticommuniste ? On le savait aussi !”

  1. DENIS dit :

    seraient… à supposer… probablement… voilà comment depuis la révolution l’histoire se fait.
    Il y a des preuves inébranlables concernant la droiture du Maréchal, historiques et non à la sauce Klarsfeld!
    Tous les grands hommes de l’époque, après avoir mis la France à terre se sont lâchement enfuis, refilant le bébé à ce pauvre vieux de 82 ans, c’est à vomir!
    Le reste appartient à l’histoire… la vraie et de façon objective.

  2. Jacky Tronel dit :

    En réponse, et pour clarifier les choses…
    Le régime de Vichy opère sa « Révolution Nationale » et remplace la devise républicaine issue de la Révolution française « Liberté, Égalité, Fraternité » par « Travail, Famille, Patrie ». Dès la loi constitutionnelle du 10 juillet 1940 accompagnant la création de l’État français, le nouveau régime annonce la couleur : il sera autoritaire.
    Les responsables supposés de la défaite étant clairement désignés, ils seront stigmatisés : les communistes, les Juifs et les francs-maçons… tous « traîtres à la Patrie ».
    Le régime de Vichy va conduire une politique d’exclusion des Juifs, on peut alors parler d’antisémistisme d’État, et de lutte implacable contre les communistes, qui se renforcera à partir du 22 août 1941 avec la création des sections spéciales chargés de juger les communistes et les anarchistes, on peut alors parler d’anticommunisme d’État.
    Il est vrai que sur ce dernier point, la Troisième République finissante avait bien commencé le travail !
    Si de 1940 à l’automne 1943 les Français soutiennent majoritairement Philippe Pétain, c’est parce qu’à leurs yeux le Maréchal reste le « vainqueur de Verdun » qui a « fait à la France le don de sa personne ».
    S’agissant du document révélé à la Presse par Klarsfeld père & fils, sachez que si son authenticité ne semble pas contestable, « plusieurs historiens spécialistes de la période, Cotillon, Joly, mais aussi Marc-Olivier Baruch (« Servir l’Etat français, l’administration en France de 1940 à 1944 », Fayard), rappellent que le Maréchal était nul en droit. Or ses annotations, reportées telles quelles dans le texte paru au Bulletin officiel, traduisent un vocabulaire juridique très pointu. A-t-il bénéficié d’une aide, ont-elles été rédigées avec le soutien, par exemple, d’André Lavagne, juriste membre de son cabinet ? L’hypothèse mérite d’être soulevée. » (source : journal Le Point, 7/10/2010). On ne peut être plus objectif !
    Marc Olivier Baruch (qui a été mon directeur de recherche à l’EHESS) écrivait dans « Servir l’État français » (p. 21) que le maréchal Pétain, ministre de la Guerre dans le segond gouvernement Gaston Doumergue (1934), avait souhaité se voir attribuer le poste de ministre de l’Éducation nationale, pour « [s]’y occuper des instituteurs communistes ».
    La lettre de félicitations de Pétain à Héring, au sujet des communistes parisiens, n’a donc pas lieu de surprendre.
    Juste un rappel, pour conclure : juger n’entre pas dans les attributions de l’historien. Son rôle consiste simplement à s’efforcer de connaître, de comprendre et de transmettre…
    Quant à l’usage du conditionnel dans mon article, il est volontaire et relève davantage d’un souci d’exactitude que d’une approximation légère, voire coupable. La mise en ligne du document d’archive sur lequel s’appuie mon article, avec indication de la source, en témoigne.

  3. streicher dit :

    Monsieur le donneur de leçons d’histoire, vous auriez mis qui à la place de Pétain en juillet 1940 ? Un gauleiter comme Franck en Pologne, Wagner en Elsass-Baden ou Bürckel en Saarland-Lothringen ? Ou peut-être un homme de gauche comme Doriot ou Déat ? Le choix est ouvert. Merci de me répondre.

  4. Jacky Tronel dit :

    Bonjour M. Jean-Claude Streicher… et merci pour l’intérêt que vous avez porté à cet article. Juste un rappel : Histoire et idéologie n’ont jamais fait bon ménage… sauf à tomber dans un conformisme coupable, à faire dans le « politiquement correct », à s’autocensurer pour ne pas passer pour « anticommuniste », pour ne pas donner l’impression de « salir la Résistance », de « faire le jeu de la droite »… et de « je-ne-sais-quoi-d’autre-encore »…
    En créant ce blog consacré à l’Histoire, mon objectif était simple : mettre en ligne des documents d’archives – fruit de recherches personnelles et de celles d’autres historiens –
    et proposer des pistes de réflexions nouvelles.
    Pour en revenir à Philippe Pétain, dire de lui, preuve à l’appui, qu’il n’était pas seulement antisémite mais aussi anticommuniste, cela relève de l’information, du travail de mémoire. On ne refait ni ne juge l’Histoire ! Les faits sont têtus…

  5. Léo dit :

    Pétain n’était pas un antisémite convaincu, il était juste entouré de personnalités qui l’étaient (Laval, Darnant…).

  6. Jacky Tronel dit :

    Je ne peux pas vous laisser dire cela sans réagir… et vous renvoie à l’article « Le zèle antisémite du maréchal Pétain » publié le 3/10/2010 sur le site du figaro.fr : lien. Marc-Olivier Baruch (qui fut mon directeur de recherche à l’EHESS) et Marc Ferro réagissent à propos du fameux document dévoilé par Serge Klarsfeld au sujet statut des Juifs… Marc Ferro déclarant ceci : « Le Maréchal avait un antisémitisme à la Maurras, profond et virulent, très courant dans le milieu politique d’avant guerre et dans la presse de droite et d’extrême droite, alors très majoritaires. »
    Il suffit pour s’en convaincre encore de regarder les Actualités mondiales du 12 septembre 1941 : Reportage sur l’inauguration de l’exposition « Le Juif et la France » au Palais Berlitz de Paris : lien.

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