« Ambroise Porte attend au Portalet les responsables de 1940 »
Par Jacky Tronel | samedi 2 mai 2015 | Catégorie : Dernières parutions, DES PRISONS… | Pas de commentaireDans son édition du 9 novembre 1941, le grand hebdomadaire d’actualités lyonnais Sept Jours, dirigé par Jean Prouvost, publiait un reportage photographique : « Le Portalet, enceinte fortifiée »…
Quelques jours plus tôt, le 16 octobre 1941, dans une allocution radiodiffusée, le maréchal Pétain condamnait 5 hommes à la détention dans une enceinte fortifiée. Quel crime avaient-ils commis ? Avoir engagé la France dans une guerre « perdue d’avance » et, ipso facto, être responsables de la défaite qui en a découlé. Aucune précision n’était apportée quant à la durée de leur peine… Les cinq hommes frappés par la justice de Pétain arrivaient au fort du Portalet entre le 12 (Blum, Daladier, Gamelin) et le 15 novembre 1941 (Mandel et Reynaud).
Reportage intégral du journal 7 Jours :
À 15 kilomètres de la frontière espagnole et de la gare internationale de Canfranc, la vallée d’Aspe s’étrangle entre deux falaises abruptes hautes de 400 mètres. Dans le rocher a été accroché et creusé, de 1800 à 1868, le fort de Portalet où la sentence du Maréchal relègue trois responsables de la défaite de la France : Daladier, Gamelin, Blum [auxquels viendront se rajouter Georges Mandel et Paul Reynaud].
Ce fort est un entassement impressionnant de casemates, de façades rapportées, de bâtiments, de tunnels, etc… Cinquante ouvriers travaillent, depuis septembre, à transformer sa partie la plus ancienne, les troisième et quatrième sous-sols du quartier de détention. Huit cellules y ont été aménagées dans d’anciennes chambres d’officier délabrées. L’une fut, en 1823 et 24, celle du sous-lieutenant Alfred de Vigny. Il y aurait écrit son célèbre poème Le Cor.
Les cellules du quatrième sous-sol – celles qu’occupent les trois premiers détenus – mesurent 4 m.50 sur 3 m.50. Elles sont peintes en brun jusqu’à un mètre de hauteur, en bis jusqu’au départ du plafond voûté. Les portes, à double épaisseur, sont fermées par une simple serrure, deux verrous et une barre transversale ; un judas vitré permet aux gardiens de surveiller l’intérieur de la pièce.
Le mobilier est ainsi composé : un lit, une table à deux tiroirs, dont l’un ferme à clef, un fauteuil canné, une armoire à deux battants en bois blanc, un lavabo à eau courante froide. À la tête du lit une sonnette de secours dont l’appel s’inscrit au poste de garde. Auprès des cellules, une salle de douches.
Des repas sont servis dans les cellules, le menu étant l’ordinaire de leurs gardes. Les détenus n’ont pas de carte d’alimentation. Toute communication est interdite entre eux. Ils sortent une heure par jour pour une promenade solitaire sur la terrasse, à hauteur du deuxième sous-sol, à 150 mètres au-dessus du torrent. Ils seront admis à recevoir, certains jours, la visite de leur famille. Déjà Mme Gamelin a retenu deux chambres à l’Hôtel des Voyageurs, à Urdoz. Ils recevront également leurs avocats, pour la présentation de leur défense devant la Cour de Riom.
Le pont de l’Enfer relie le Portalet au monde
Le fort de Portalet est situé sur la petite commune d’Urdoz, à 1.200 mètres du village, dont les habitants chassent l’ours, l’isard, les coqs de bruyère, les palombes. Les premières neiges sont déjà tombées et le froid est très vif jusqu’en mai. Avant la guerre, le fort était loué 1.000 francs par an à la colonie de vacances des « cadets » de l’église de Notre-Dame de Bordeaux. Il fut remilitarisé dès le début des hostilités.
Pour aller plus loin…
Sur le site Criminocorpus :
« La République « embastillée » et « déportée » au fort du Portalet. Errances d’une justice politique ordinaire en temps d’exception (1940-1942) », Christophe Lastécouères : lien
Sur ce blog :
« Les responsables de la défaite écroués au Fort du Portalet » sur ordre de Pétain, le 16 octobre 1941 : lien
Visite du fort du Portalet et 7e rencontre historique : lien
7e Rencontres Historiques du Fort du Portalet : lien
Et aujourd’hui…
Vu sur le site de la Région Aquitaine, en page Actions / Formation-Jeunesse / Formation professionnelle : lien
« Des détenus restaurent le fort du Portalet :
6 personnes détenues de la maison d’arrêt de Pau restaurent actuellement le fort de Portalet.
Un chantier inédit en France qui mettra en valeur ce monument historique et permettra aux détenus d’obtenir le titre professionnel de maçon.
Ce programme expérimental vise à créer les conditions d’une réinsertion pérenne, dans un contexte professionnel, de travail en équipe.
Pendant les 6 mois passés en vallée d’Aspe (jusqu’au 29 septembre 2015), les détenus seront tenus d’être présents sur le chantier du lundi midi au vendredi 17h, sur la base de 35 heures de travail.
Pour Alain Rousset, président du Conseil régional, « les détenus ont un niveau de formation inférieur à la moyenne, il faut profiter de cette période de réparation-sanction qu’est l’incarcération pour améliorer cela et leur offrir un minimum de qualification, même si cela entraîne un coût ».
Ces travaux bénéficient d’un financement de 300 000 euros : 40% DRAC, 30% du Conseil général des Pyrénées-Atlantiques et 25% du Conseil régional d’Aquitaine et le solde en autofinancement par la Communauté de communes de la Vallée d’Aspe.
Le fort du Portalet, un ensemble architectural classé
Construit en 1846 sur ordre de Louis Philippe pour garder la frontière des Pyrénées, le fort du Portalet est un fort de montagne, situé dans le département des Pyrénées-Atlantiques, sur les communes d’Etsaut et de Borce.
Construit sur une falaise dominant le gave d’Aspe, il fait face au chemin de la Mâture et était chargé de protéger la route du col du Somport. Il doit sa célébrité aux personnalités
politiques qui y furent internées sous le régime de Vichy (Blum, Daladier, Reynaud, Mandel, Gamelin…) puis, après-guerre le maréchal Pétain.
Classé monument historique en 2005, il est en cours de restauration et ouvert à la visite sur réservation auprès de l’Office de Tourisme.
Le Fort du Portalet comporte plusieurs bâtiments et des ouvrages annexes. Cet ensemble architectural fait l’objet depuis plusieurs années d’une restauration qui touche essentiellement le monument historique, impliquant l’intervention d’entreprises spécialisées.
L’objectif de ce travail est de sauvegarder et de mettre en valeur ce monument historique afin de le rendre accessible au public. »
Lire également dans Sud-Ouest du 1er mai 2015 : lien
et dans La République des Pyrénées du 30 avril 2015 : lien