Le « Camp nègre » de Mauzac

Le centre pénitentiaire de Mauzac avec, situé entre la Dordogne et le mur de clôture du Camp Sud, le

Jusque dans les années soixante-dix, pour désigner le centre pénitentiaire de Mauzac, en Dordogne, on parlait tout simplement du « Camp ». On disait « travailler au Camp », et l’on précisait : « Camp Nord » ou « Camp Sud ». Il existait aussi un « Camp Maury », et même un « Camp nègre », aujourd’hui disparu, dont il ne reste pratiquement plus de traces dans la mémoire collective.
Le projet de construction d’une annexe de la poudrerie de Bergerac est le point de départ de toute l’histoire des « camps de Mauzac ». S’il n’y avait pas eu l’amorce de cette construction, le Centre de détention de Mauzac n’existerait pas…

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Sur les quatre-vingt-dix-sept hectares de la plaine de Mauzac dont les terrains ont été réquisitionnés dès 1939, il reste encore aujourd’hui quelques-unes des friches de cette poudrerie, bien visibles sur la photo ci-dessous, en arrière-plan. C’est là qu’en 1986, au lieu-dit La Sablière, a été ouvert le nouveau Centre de détention de Mauzac, dessiné par les architectes Noëlle Janet et Christian Demonchy.

Centre pénitentiaire de Mauzac, camp sud, à vol d'oiseau… photo prise du tertre du château de Badefols surplombant la rivière Dordogne

Bref retour sur les « camps de Mauzac »

Dans un courrier du 23 octobre 1940, le secrétariat d’État à la Guerre signale l’existence d’un camp construit par le ministère de l’Armement pour loger le personnel de la poudrerie de Mauzac, se composant de deux groupes de bâtiments appelés respectivement « Camp Nord » et « Camp Sud », d’une capacité totale de 1 800 places.

Du 6 novembre 1940 au 2 mai 1945, le Camp Nord (situé à Sauvebœuf, sur la commune de Lalinde) est le siège de la « Prison militaire de Paris repliée à Mauzac ». Cette prison militaire est parfois nommée « Camp de Sauvebœuf ». Une fois versé au ministère de la Justice, le Camp Nord est utilisé successivement comme dépôt des relégués en provenance des bagnes coloniaux, à partir d’avril 1949 ; centre de regroupement des détenus politiques algériens du MNA, de juin 1961 à mars 1962 ; lieu de rassemblement des objecteurs de conscience, « insoumis » et « non-violents » (très majoritairement de confession témoin de Jéhovah), d’octobre 1962 à février 1971.

Le Camp Sud, situé entre le canal latéral de Lalinde et la Dordogne, sert d’annexe au Camp Nord ainsi qu’à la prison militaire de Bergerac, mais également de Centre de séjour surveillé pour « indésirables », de centre de démobilisation pour le 26e régiment d’infanterie, de lieu de stationnement du Groupement 13 d’indigènes coloniaux de mars à fin juin 1944, de prison pour femmes d’octobre 1947 à février 1951, de centre pénitentiaire pour prisonniers de droit commun à partir de 1952. Toujours en fonction aujourd’hui, il est nommé « Ancien Centre » et fait partie du « Centre de détention de Mauzac ».

L’appellation « Camp Maury » vient du nom du propriétaire exproprié, M. Guillaume Maury. Sur le site stationnent les 18e et 19e CTE (Compagnies de travailleurs étrangers), puis le 652e GTE (Groupement de travailleurs étrangers) composé principalement de républicains espagnols. Ce GTE sert aussi de centre de triage. Là sont regroupés les Juifs qui sont arrêtés alors qu’ils tentent de franchir clandestinement la ligne de démarcation, avant leur déportation vers l’Allemagne… Le personnel de garde extérieure des camps (GMR pelotons n° 9, 181, 193 et 219 puis CRS n° 123 et 131) loge également sur place. Sur ce terrain a été construite une cité pavillonnaire, propriété de l’OPD HLM « Dordogne Habitat », baptisée « La Pointe du Canal », située juste en face de la ferme-école du Centre de détention de Mauzac.

Camp sud, vue aérienne du 23 novembre 1978, collection de l'ENAP

Le Camp Sud du centre pénitentiaire de Mauzac en novembre 1978. On aperçoit à droite
le baraquement qui était désigné sous le nom de « Camp nègre ». © ENAP

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