« Saint-Martin-de-Ré : l’embarquement des récidivistes en partance pour l’île des Pins »
Par Jacky Tronel | dimanche 23 août 2015 | Catégorie : Dernières parutions, DES HOMMES… | 1 CommentaireLa loi du 27 mai 1885, qui institua la relégation, une des lois les plus scélérates de la Troisième République, décida l’envoi en Guyane et en Nouvelle-Calédonie des récidivistes, des coupables de petits délits « qui, dans quelque ordre que ce soit et dans un intervalle de dix ans, avaient encouru quatre condamnations à l’emprisonnement… ».
C’était, pour la métropole, se débarrasser des gens sans aveu, sans logis, des petits voleurs, des « paumés » sans domicile fixe, des vagabonds, des malfaiteurs qui avaient, injustice supplémentaire, déjà purgé leur peine dans les prisons de France.
Le Journal illustré du 28 novembre 1886 relatait le départ de Saint-Martin de Ré d’un convoi de « récidivistes » pour l’île des Pins, l’un des trois lieux de relégation de la Nouvelle-Calédonie. Lire ci-dessous… suivi du texte de la loi du 27 mai 1885 instaurant la relégation des récidivistes.
Le départ des récidivistes à Saint-Martin-de-Ré
L’embarquement du premier convoi des récidivistes s’est effectué à l’île d’Aix sans incident. La rade qui s’étend entre l’île, l’embouchure de la Charente et l’île d’Oléron, est une des plus sûres de France. Là, en 1796, furent déportés les prêtres qui avaient refusé de prêter le serment à la Constitution civile du clergé. Là aussi, en 1809, les Anglais essayèrent d’incendier la flotte de l’amiral Lallemand ; aucun vaisseau ne fut atteint par les brûlots ; mais dans le trouble occasionné par cette tentative, plusieurs se perdirent sur les rochers. Ce fut en rade de l’île d’Aix que Napoléon 1er s’embarqua sur le Bellérophon, le 15 juillet 1815. Au-dessus de la porte de la maison habitée par l’empereur pendant les huit jours qui précédèrent son embarquement, on a placé une plaque de marbre noir avec une inscription.
Voici quelle a été simplement la cause du départ des récidivistes :
L’aménagement du steamer n’était pas terminé. Le paquebot n’a pas subi la moindre avarie en venant de Saint-Nazaire à l’île d’Aix ; il n’a pas eu besoin de remonter la Charente jusqu’à Rochefort pour être réparé, contrairement à ce qu’on a dit. Depuis l’arrivée du transport en rade de l’île d’Aix, menuisiers, serruriers, forgerons ont travaillé nuit et jour, dans la hâte fiévreuse de l’effort suprême. Il fallait en finir ; chaque journée de retard eut représenté une perte de huit cents francs.
L’embarquement a eu lieu le 17 novembre [1886], à six heures du matin, dans la cour du dépôt de Saint-Martin ; les cent soldats du 123e de ligne, chargés de garder la porte et le court chemin conduisant du dépôt au petit port de la citadelle, prenaient possession de leurs postes respectifs. Pendant ce temps, les récidivistes, lestés par une soupe et une ration de vin, sont massés dans le réfectoire.
À sept heures, les portes s’ouvrent, et un premier convoi de cent hommes se rend dans la cour. Ils ont tous revêtu le costume gris et portent un sac de toile blanche contenant, outre leur pacotille, un pain et un morceau de fromage de gruyère, que le directeur vient de leur faire distribuer. La plupart fument la cigarette ; tous sont ravis de partir. En passant devant M. Solari, ils ôtent leur chapeau et disent : « Merci, Monsieur le Directeur, pour tous vos soins ». Le directeur répond : « Allons, bon courage ! »
Cependant, une vedette remorquant deux chaloupes vient d’arriver dans le petit port ; le premier convoi de cent hommes sort du dépôt, se dirige en face, vers les glacis ; puis descendant deux escaliers de pierre à pente raide, arrive sur le quai d’embarquement. On fait descendre les récidivistes à l’aide d’échelles de fer mobiles, cinquante hommes dans chaque chaloupe, gardés par les surveillants militaires, qui ont le fusil à l’épaule et le revolver en bandoulière. Près des chaloupes stationne un canot à bord duquel se trouve M. Bonnefin, commandant du Travailleur, qui surveille l’embarquement. Trois voyages sont nécessaires pour transporter les trois cent cinquante récidivistes, cent cinquante sur le Lama ; cent sur le Fouras ; cent sur la Boutonne, arrivée hier soir à Saint-Martin. Ces trois navires sont mouillés en mer en arrière du Travailleur et à une faible distance du petit port. M. Lerolle, greffier du dépôt, a pris place sur le Fouras ; il est chargé de remettre les dossiers au capitaine du Ville-de-Saint-Nazaire.
L’embarquement, commencé à sept heures du matin, était complètement terminé à une heure et demie de l’après-midi. À deux heures, le contre-amiral Caubet, major général de la flotte à Rochefort, a passé l’inspection d’ensemble. Après avoir réuni en commission les officiers qui l’accompagnaient, l’amiral a décidé que le Ville-de-Saint-Nazaire était en état de prendre la mer et qu’il fallait presser l’aménagement de l’hôpital et de la pharmacie.
La mer étant fort grosse, le départ a été différé de quelques heures. Le Ville-de-Saint-Nazaire a quitté la rade de l’île d’Aix dans la nuit. Le steamer relâchera au cap de Bonne-Espérance en se rendant à Nouméa. Il a reçu quatre-vingt jours de vivres et 995 tonneaux de charbons devant assurer une traversée à la vapeur de cinquante jours. On estime que le transport de chaque relégué coûtera à l’État de quatre à cinq cents francs.
Voici, d’après une note communiquée par M. X. Boubée, administrateur délégué de la Compagnie nantaise de navigation à vapeur, la description et l’installation de la Ville-de-Saint-Nazaire : La Ville-de-Saint-Nazaire a été construite en 1884. Sa jauge brute est d’environ 1.600 tonnes ; sa machine développe 900 chevaux ; sa vitesse, par le beau temps, est supérieure à dix nœuds.Les récidivistes sont installés dans l’entrepont, qui est divisé par la machine en deux parties, l’une avant, l’autre arrière. Les deux entreponts ont un volume de 1.100 mètres cubes. Un compartiment, formé par une cloison en fer, est établi dans l’entrepont-avant pour loger les femmes condamnées. Le reste de l’espace des entreponts, consacré aux récidivistes, dans les compartiments avant et arrière, est divisé en plusieurs parties au moyen de grilles en fer dont les barreaux ont vingt-sept millimètres de diamètre et quinze centimètre d’écartement. Chaque compartiment est muni d’une porte et de deux guichets en fer à barreaux ayant les mêmes dimensions que ci-dessus. Ces installations, faites sous la surveillance de l’administration, rendent impossible toute tentative de révolte et d’évasion.
Au milieu de chaque entrepont se trouve un poste, également entouré de grilles, où se placeront les gardiens. La situation de ce poste permet de surveiller toutes les parties des bagnes de chaque compartiment de l’entrepont. Les femmes sont couchées sur des planches munies de matelas, traversin et couverture. Les hommes couchent dans des hamacs sur un seul rang. Un vaste hôpital laissant six mètres cubes d’air par malade, a été construit sur le pont, dans un roof installé spécialement à cet effet.
Les médecins et officiers, ainsi que les religieuses qui accompagnent le convoi, seront logés dans des cabines de première classe, situées au centre du navire. Les officiers sont MM. Obalski, Le Huédé, Hérisson, capitaines au long cours, les médecins, MM. les docteurs Gervais, Roux et Guezenec.
Tout à l’arrière du steamer, ont a construit un grand roof dans lequel sont logés les gendarmes et les gardiens, ainsi que leurs familles. Une tente couvre le navire d’un bout à l’autre. Les cuisines et les fours à pains pour les récidivistes sont sur le pont et à l’avant. La cuisine des passagers et de l’équipage est située à l’arrière. Des water-closets en tôle de fer sont établis sur le pont, en communication avec chaque bagne par un escalier intérieur. Il existe deux réservoirs d’eau douce, contenant ensemble quatre-vingt mille litres ; de plus, le navire est muni de deux distillateurs, qui produiront environ sept mille litres d’eau douce, soit bien au delà de la consommation journalière. Le service des pompes de toute nature, incendie, lavage, etc., est assuré par la machine. Des jets puissants d’eau peuvent être envoyés instantanément dans les bagnes, ce qui calmerait promptement toute velléité de révolte.
Texte de la loi du 27 mai 1885 instaurant la relégation des récidivistes
Le Sénat et la Chambre des députés ont adopté,
Le Président de la République promulgue la loi dont la teneur suit :
Article premier : La relégation consistera dans l’internement perpétuel sur le territoire des colonies ou possessions françaises des condamnés que la présente loi a pour objet d’éloigner de France. Seront déterminés, par décret rendus en forme de règlement d’administration publique, les lieux dans lesquels pourra s’effectuer la relégation, les mesures d’ordre et de surveillance auxquelles les relégués pourront être soumis par nécessité de sécurité publique; et les conditions dans lesquelles il sera pourvu à leur subsistance, avec obligation du travail à défaut de moyens d’existence dûment constatés.
Art. 2 : La relégation ne sera prononcée que par les cours et tribunaux ordinaires comme conséquence des condamnations encourues devant eux, à l’exclusion de toutes juridictions spéciales et exceptionnelles. Ces cours et tribunaux pourront toutefois tenir compte des condamnations prononcées par les tribunaux militaires en dehors de l’état de siège ou de guerre, pour les crimes ou délits de droit communs spécifiés dans la présente loi.
Art. 3 : Les condamnations pour crimes ou délits politiques ou pour crimes ou délits qui leur sont connexes, ne seront, en aucun cas, comptées pour la relégation.
Art. 4 : Seront relégués les récidivistes qui, dans quelque ordre que ce soit et dans un intervalle de dix ans, non compris la durée de toute peine subie, auront encouru les condamnations énumérées à l’un des paragraphes suivants :
1ère – Deux condamnations aux travaux forcés ou à la réclusion, sans qu’il soit dérogé aux dispositions des § 1 et 2 de l’article 6 de la Loi du 30 mai 1854 ;
2e – Une des condamnations énumérées au paragraphe précédent et deux condamnations soit à l’emprisonnement pour faits qualifiés crimes, soit à plus de trois mois d’emprisonnement pour : vol, abus de confiance, outrage public à la pudeur, excitation habituelle de mineurs à la débauche, vagabondage ou mendicité par application des articles 277 et 279 du Code pénal ;
3e – Quatre condamnations, soit à l’emprisonnement pour faits qualifiés crimes, soit à plus de trois mois d’emprisonnement pour les délits spécifiés au § 2 ci-dessus ;
4e – Sept condamnations dont deux au moins prévues par les deux paragraphes précédents, et les autres, soit pour vagabondage, soit pour infraction à l’interdiction de résidence signifiée par l’application de l’article 19 de la présente loi, à la condition que deux de ces autres condamnations soient à plus de trois mois d’emprisonnement. Sont considérés comme gens sans aveu et seront punis des peines édictées contre le vagabondage tous les individus qui, soit qu’ils aient ou non un domicile certain, ne tirent habituellement leur subsistance que du fait de pratiquer ou faciliter sur la voie publique l’exercice de jeux illicites, ou la prostitution d’autrui sur la voie publique.
Art. 5 : Les condamnations qui auront fait l’objet de grâce, commutation ou réduction de peine seront néanmoins comptées en vue de la relégation. Ne le seront pas celles qui auront été effacées par la réhabilitation.
Art. 6 : La relégation n’est pas applicable aux individus qui seront âgés de plus de soixante ans ou de moins de vingt ans à l’expiration de leur peine.
Toutefois, les condamnations encourues par le mineur de moins de vingt et un ans compteront en vue de la relégation, s’il est, après avoir atteint cet âge, de nouveau condamné dans les conditions prévues par la présente loi.
Art. 7 : Les condamnés qui auront encouru la relégation resteront soumis à toutes les obligations qui pourraient leur incomber en vertu des lois sur le recrutement de l’armée.
Un règlement d’administration publique déterminera dans quelles conditions ils accompliront ces obligations.
Art. 8 : Celui qui aura encouru par application de l’article 4 de la présente loi, s’il n’avait pas dépassé soixante ans, sera, après l’expiration de sa peine, soumis à perpétuité à l’interdiction de séjour édictée par l’article 19 ci-après.
S’il est mineur de vingt et un ans, il sera, après l’expiration de sa peine, retenu dans une maison de correction jusqu’à sa majorité.
Art. 9 : Les condamnations encourues antérieurement à la promulgation de la présente loi seront comptées en vue de la relégation conformément aux précédentes dispositions. Néanmoins, tout individu qui aura encouru, avant cette époque, des condamnations pouvant entraîner dès maintenant la relégation, n’y sera soumis qu’en cas de condamnation nouvelle dans les conditions ci-dessus prescrites.
Art. 10 : Le jugement ou l’arrêt prononcera la relégation en même temps que la peine principale; il visera expressément les condamnations antérieures par suite desquelles elle sera applicable.
Art. 11 : Lorsqu’une poursuite devant un tribunal correctionnel sera de nature à entraîner l’application de la relégation, il ne pourra jamais être procédé dans les formes édictées par la Loi du 20 mai 1863 sur les flagrants délits. Un défenseur sera nommé d’office au prévenu, à peine de nullité.
Art. 12 : La relégation ne sera appliquée qu’à l’expiration de la dernière peine à subir par le condamné. Toutefois, faculté est laissée au Gouvernement de devancer cette époque pour opérer le transfèrement du relégué. Il pourra également lui faire subir tout ou partie de la dernière peine dans un pénitencier. Ces pénitenciers pourront servir de dépôt pour les libérés qui seront maintenus jusqu’au plus prochain départ pour le lieu de la relégation.
Art. 13 : Le relégué pourra momentanément sortir du territoire de relégation en vertu d’une autorisation spéciale de l’autorité supérieure locale.
Le Ministre seul pourra donner cette autorisation pour plus de six mois ou la retirer. Il pourra seul autoriser, à titre exceptionnel et pour six mois au plus, le relégué à rentrer en France.
Art. 14 : Le relégué qui, à partir de l’expiration de sa peine, se sera rendu coupable d’évasion ou de tentative d’évasion, celui qui, sans autorisation, sera rentré en France ou aura quitté le territoire de relégation, celui qui aura outrepassé le temps fixé par l’autorisation, sera traduit devant le tribunal correctionnel du lieu de son arrestation ou devant celui du lieu de la relégation, et après connaissance de son identité, sera puni d’un emprisonnement de deux ans au plus. En cas de récidive, cette peine pourra être portée à cinq ans. Elle sera subie sur le territoire des lieux de relégation.
Art. 15 : En cas de grâce, le condamné à la relégation ne pourra en être dispensé que par une disposition spéciale des lettres de grâce. Cette dispense par voie de grâce pourra d’ailleurs intervenir après l’expiration de la peine principale.
Art. 16 : Le relégué pourra, à partir de la sixième année de sa libération, introduire devant le tribunal de sa localité une demande tendant à se faire relever de la relégation, en justifiant de sa bonne conduite, des services rendus à la colonisation et des moyens d’existence. Les formes et conditions de cette demande seront déterminées par le règlement d’administration publique prévu par l’article 18 ci-après.
Art. 17 : Le Gouvernement pourra accorder aux relégués l’exercice, sur les territoires de relégation, de tout ou partie des droits civils dont ils auraient été privés par l’effet des condamnations encourues.
Art. 18 : Des règlements d’administration publique détermineront : Les conditions dans lesquelles accompliront les obligations militaires auxquelles ils pourraient être soumis par les lois sur le recrutement de l’armée; L’organisation des pénitenciers mentionnés à l’article 12; Les conditions dans lesquelles le condamné pourrait être dispensé provisoirement ou définitivement de la relégation pour cause d’infirmité ou de maladie, les mesures d’aide et d’assistance en faveur des relégués ou de leur famille, les conditions auxquelles des concessions de terrains provisoires ou définitives pourront leur être accordées, les avances à faire, s’il y a lieu, pour premier établissement, le mode de remboursement de ces avances, l’étendue des droits concédés et les facultés qui pourraient être données à la famille des relégués pour les rejoindre; Les conditions des engagements de travail à exiger des relégués; Le régime et la discipline des établissements ou chantiers ou ceux qui n’auraient ni les moyens d’existence ni engagement, seront astreints au travail; Et, en général, toutes les mesures nécessaires à assurer l’exécution de la présente loi. Le premier règlement destiné à organiser l’application de la présente loi sera promulgué dans un délai de six mois au plus à dater de sa promulgation.
Art. 19 : Est abrogé la loi du 9 juillet 1852, concernant l’interdiction par voie administrative, du séjour du département de la Seine et des communes formant l’agglomération lyonnaise. La peine de surveillance de la haute de la haute police est supprimée. Elle est remplacée par la défense faite au condamné de paraître dans les lieux dont l’interdiction lui sera signifiée par le Gouvernement avant sa libération. Toutes les autres obligations et formalités imposées par l’article 15 du Code pénal sont supprimées à partir de la promulgation de la présente loi, sans qu’il soit toutefois dérogé aux dispositions de l’article 635 du Code d’instruction criminelle. Restent, en conséquence, applicables pour cette interdiction les dispositions antérieures qui réglaient l’application ou la durée, ainsi que la remise ou la suppression de la surveillance de la haute police et les peines encourues par les contrevenants, conformément à l’article 45 du Code pénal. Dans les trois mois qui suivront la promulgation de la présente loi, le Gouvernement signifiera aux condamnés actuellement soumis à la surveillance de la haute police les lieux dans lesquels il leur sera interdit de paraître pendant le temps qui restait à courir cette peine.
Art. 20 : La présente loi est applicable à l’Algérie et aux colonies.
En Algérie, par dérogation à l’article 2, les conseils de guerre prononceront la relégation contre les indigènes des territoires de commandement qui auront encouru, pour crimes ou délits de droit commun, les condamnations prévues par l’article 4 ci-dessus.
Art. 21 : La présente loi sera applicable à partir de la promulgation du règlement d’administration publique mentionné au paragraphe de l’article 18.
Art. 22 : Un rapport sur l’exécution de la présente loi sera présenté chaque année, par le Ministre compétent, à M. le Président de la République.
Art. 23 : Toutes les dispositions antérieures sont abrogées en ce qu’elles ont de contraire à la présente loi. La présente, délibérée et adoptée par le Sénat et par la Chambre des députés, sera exécutée comme loi de l’Etat.
Fait à Paris, le 27 mai 1885.
Par le Président de la République : Jules Grévy. Le Ministre de l’intérieur, Allain-Targé.
Source : Criminocorpus.
Déportés, transportés et relégués…
À partir du début des années 1850, les termes de déportation et de déportés recouvrent exclusivement une notion de peine politique et de condamnés politiques. Par exemple, la déportation est la peine appliquée aux Communards comme Louise Michel, Rochefort ou encore plus tard à Dreyfus.
La transportation n’est pas une peine du Code pénal, c’est un mode d’exécution de la peine des travaux forcés. À partir de 1854, tous les condamnés aux travaux forcés, à l’exception des femmes et des hommes de plus de 60 ans, doivent être « transportés » dans une colonie pénitentiaire autre que l’Algérie. Les termes de transportation et de transportés sont alors exclusivement réservés aux condamnés de droit commun, criminels jugés en cours d’assises ou en conseils de guerre qui subissent une peine de travaux forcés.
Les termes de relégation et de « relégués », plus rarement usités, s’appliquent à partir de 1885 aux délinquants ou criminels récidivistes. La relégation est donc une peine prononcée par des tribunaux. C’est une peine accessoire qui s’ajoute quand la récidive de condamnations est constatée selon un barème complexe qui varie en fonction de la gravité des peines prononcées. En matière criminelle, il suffit d’une seule récidive pour la peine des travaux forcés ou de la réclusion par exemple. Mais quand il s’agit de peines infligées en correctionnelle pour des délits de vagabondage par exemple, il faut jusqu’à sept récidives avant que la relégation soit prononcée. Les relégués ont été envoyés en Guyane et en Nouvelle-Calédonie de 1887 à 1897 puis en Guyane seule à partir de 1897. Pour les femmes, la relégation sera supprimée en France à partir de 1907.
Source : Louis-José Barbançon, « Chronologie relative à la déportation, transportation et relégation française », Criminocorpus.
Pour en savoir plus sur la loi du 27 mai 1885 instaurant la relégation des récidivistes, lire l’analyse qu’en a faite Jean-Lucien Sanchez : « La relégation (loi du 27 mai 1885) » sur Criminocorpus.
Crédit photos :
Gravure de L’Illustration : collection de l’auteur.
Photos : reproduction de cartes postales, source internet.
[…] Pour en savoir plus lire le billet publié par Jacky Tronel | dimanche 23 août 2015 | sur le site Prisons-cherche-midi […]