Visite du fort du Portalet et 7e rencontre historique
Par Jacky Tronel | dimanche 14 octobre 2012 | Catégorie : Dernières parutions, DES PRISONS… | 2 commentairesSamedi matin, l’Écomusée de la Vallée d’Aspe et sa présidente, Marthe Clot, accueillaient un petit groupe d’historiens participant aux 7e rencontres du Fort du Portalet qui ont lieu chaque année à Urdos. De 10 heures à midi trente était prévue la visite privée du Fort, suivie d’un repas à l’Hôtel des Voyageurs, puis d’une conférence présidée par Christophe Lastécouères avec la participation de Denis Peschanski, Philippe Souleau et Claude Laharie.
Le Fort du Portalet en bref
Le fort du Portalet est situé dans le département des Pyrénées-Atlantiques, sur la commune d’Urdos. Construit à 765 mètres d’altitude sur une falaise dominant le gave d’Aspe, il était chargé de protéger la route du col du Somport. Il est occupé de 1871 à 1925 par le 18e régiment d’infanterie de Pau. Sous le régime de Vichy, de 1941 à 1943, il sert de prison d’État pour des personnalités de la IIIe République, jugées par Vichy responsables de la défaite de la France : Édouard Daladier (« l’homme des Accords de Munich », ministre des Affaires étrangères jusqu’au 5 juin 1940), Paul Reynaud (président du Conseil), Léon Blum (ancien chef du gouvernement français), Georges Mandel (ministre de l’Intérieur) et Maurice Gamelin (généralissime des Forces armées françaises). Après l’occupation de la zone libre et la déportation en Allemagne des prisonniers, le fort va abriter une garnison allemande. Le 24 août 1944, il est repris par la Résistance. Philippe Pétain y est détenu 3 mois du lendemain de son procès, le 15 août 1945, jusqu’à son transfert à la forteresse de l’île d’Yeu, le 16 novembre 1945.
Visite du Fort
Nicole Blaye, guide de l’Écomusée de la Vallée d’Aspe
Tout au long de la visite, nous avons eu la chance d’être accompagnés par deux guides de l’Écomusée de la Vallée d’Aspe, Nicole Blaye et Janick Iturralde, passionnées et passionnantes…
On accède au fort par un pont enjambant le Gave, puis par un chemin en lacets. Dans sa partie basse, se trouvent une caserne et un pavillon des officiers, sur deux niveaux.
Au-dessus est construit un fortin composé de 3 bastions armés de batteries pour canons, le fort en comprenait une dizaine. Ces bastions protègent le chemin du plateau du Rouglan et le chemin de la Mâture.
Des galeries creusées dans la roche, crénelées ou à meurtrières couvrent la route descendant d’Urdos et du col du Somport.
De gauche à droite : tenant le panneau, Olivier Caporossi (maître de conférence en histoire moderne à l’Université de Pau) et Nicole Bayle (guide à l’Écomusée de la Vallée de l’Aspe), Philippe Souleau (professeur d’histoire-géographie, doctorant à l’Université de Paris Panthéon-Sorbonne),
Jean-François Vergez (directeur de l’Office National des Anciens Combattants et Victimes de Guerre) ; puis, en partant de la droite : François Foulon (responsable du service éducatif des Archives départementales des Pyrénées-Atlantiques), Christophe Lastécouères (maître de conférences en histoire contemporaine à l’Université Bordeaux III), Claude Laharie (agrégé, docteur en histoire), Denis Peschanski (directeur de recherche au CNRS), Hélène Lastécouères (professeure en khâgne au lycée Camille Jullian de Bordeaux).
Suite de la visite… les cellules des emprisonnés du Fort du Portalet
Janick Iturralde, guide de l’Écomusée de la Vallée d’Aspe, évoque les prisonniers du Portalet. À gauche : Denis Peschanski puis Claude Laharie.
Le 22 juillet 1842 commence la construction du fort, sur instruction du roi Louis-Philippe. il remplace alors l’ancien poste situé au bord de la route impériale, 100 m au nord. À l’époque, il semble nécessaire de construire des fortifications afin de permettre le contrôle de l’Espagne et surtout de maîtriser la route du col du Somport en cas de guerre espagnole. Les travaux durent jusqu’en 1870.
Construit à 765 m d’altitude, sur une falaise dominant le gave, il prend le nom de l’ancien péage médiéval de la vallée d’Aspe, le Portalet qui était situé 100 m plus bas.
Le fort était conçu pour abriter 400 hommes, capables de résister à un siège d’une semaine au moins. Il est occupé de 1871 à 1925 par le 18e régiment d’infanterie de Pau. À cette date, il est abandonné par l’armée et loué à une colonie de vacances jusqu’en 1939.
Les 7e rencontres historiques du Portalet
Cette année, la thématique concerne « Les mémoires de l’enfermement en Aquitaine, 1939-1946 – Approches territoriales des mémoires de l’enfermement en Aquitaine pendant et autour de la Seconde Guerre mondiale ». Lien
De gauche à droite : Claude Laharie (agrégé, docteur en histoire), Philippe Souleau (professeur d’histoire-géographie, doctorant à l’Université de Paris Panthéon-Sorbonne) et Denis Peschanski (directeur de recherche au CNRS).
Denis Peschanski, président du Musée-Mémorial du camp de Rivesaltes a expliqué comment la mémoire a pris en charge la question des camps d’internement… les ruptures l’emportant sur les continuités. Au cours de sa communication, il a dégagé 4 périodes qui définissent 4 logiques : 1 – Entre 1938 et 1940 s’installe une logique d’exception ; 2 – Entre 1940 et 1942 se met en place une logique d’exclusion ; 3 – Entre 1942 et 1944, les Allemands prennent la main et apparaît une logique de déportation. Vichy va accepter d’imbriquer la logique de déportation à sa logique d’exclusion ; 4 – Après la Libération, on revient à la logique d’exception caractérisée par l’enfermement et l’internement administratif.
Les questions mémorielles sont aujourd’hui sensibles car le contexte a évolué. Nous sommes passés d’une situation de camps sans mémoire à une situation nouvelle de mémoire sans camps. Ce qui fait dire à l’historien : » On a la mémoire… mais on n’a plus les camps ! « …
Un autre phénomène a été évoqué : le fait que les commémorations sont devenues des commémorations négatives. On ne commémore plus aujourd’hui un héros, une victoire… on commémore une déportation, une responsabilité collective… Il n’y a pas convergence mémorielle mais concurrence mémorielle avec, au centre, la figure de la victime. La société doit éviter les pièges de l’instrumentalisation des mémoires blessées mises en concurrence (mémoire du génocide nazi, arménien, mémoire de la colonisation, mémoire du conflit israélo-palestinien…). Pour qu’elle soit constructive, structurante, la mémoire doit cesser d’être une mémoire communautariste, une mémoire de l’émotion…
À gauche, Philippe Souleau et Denis Peschanski et, à droite,
Claude Laharie et Christophe Lastécouères.
Photos © Jacky Tronel
Je peux vous révéler l’identité de l’aumônier du fort du Portalet quand Daladier, Mandel, Blum, Reynaud et Gamelin y étaient. Huntziger l’avait fait venir auprès de lui à la IIe armée de Sedan. Il fut grièvement blessé au bassin pendant les combats de mai-juin 40, faillit mourir et rester impotent. Il dut subir plusieurs opérations pour se remettre. Vichy lui confia ce poste au Portalet après sa guérison.
Encore un héros dont les socialots-communistes ne parleront jamais, sinon pour le pourfendre comme traître et collabo…
CANDAU Sauveur (1897-1958) né le 29 mai 1897 à St-Jean-Pied-de-Port (P.A.), entra au Séminaire des Missions Étrangères en 1915, ordonné prêtre le 22 décembre 1923, partit pour Tokyo le 22 septembre 1924. Après l’étude du japonais à Shizuoka, il fut nommé en 1925 professeur au Grand Séminaire, puis,en 1929, il en devint le supérieur. De 1936 à 1939 il dirigea la rédaction de “L’Actio missionaria” pour les prêtres Japonais et des “cahiers d’information” pour les missionnaires.
Le Père Candau fut mobilisé en 1939 et nommé officier interprète à Hanoi, mais il demanda à rejoindre le front français. Il fut grièvement blessé en mai 1940 par un obus qui lui brisa la hanche gauche et l’atteignit à la tête ; ayant perdu connaissance sur le champ de bataille, il se réveilla dans une ambulance à l’arrière du front, reçut l’extrême-onction puis fut transporté à Tarbes où il arriva presque mourant. Fort bien soigné, il se rétablit en partie mais resta atteint de leucocythémie grave et la cicatrisation du col du fémur s’étant mal faite rendait l’articulation très douloureuse. Le Docteur Martin de Genève, chez, qui il passa de longs mois, refit l’opération et lui permit de marcher.
Partiellement remis, il va habiter pendant 6 mois au fort d’Urdos pour tenir compagnie aux prisonniers politiques français tels que le Général Gamelin, MM. Daladier, Reynaud, Mandel et Blum. Finalement, il se retire au Japon le 8 septembre 1948.
[Source : site des Missions Étrangères de Paris]