Karl Schwesig, l’artiste « timbré » des camps de Saint-Cyprien et de Gurs

Considéré par les nazis comme l’une des figures marquantes de « l’art dégénéré », Karl Schwesig est arrêté dès 1933, jugé, condamné, emprisonné et torturé en Allemagne. Libéré en 1935, réfugié en Belgique puis en France, son statut de réfugié politique ne lui évite pas l’internement dans les camps de Noé, de Saint-Cyprien et de Gurs. Il y dessine à la plume des timbres…

Portrait de Karl Schwesig, peintre allemand "dégénéré".

Karl Schwesig naît à Gelsenkirchen le 19 juin 1898, d’un père mineur. Tout jeune, il connaît des problèmes de santé. Souffrant de rachitisme, sa croissance s’arrête alors qu’il atteint les 1 m. 39.

De 1918 à 1921, il étudie à l’académie de Düsseldorf. Dès 1921, l’artiste intègre le groupe Junges Rheinland (Jeune Rhénanie) de Düsseldorf, fondé en 1919 par les peintres Gert Wollheim et Otto Pankok. Il est cofondateur de la « sécession rhénane » , puis membre du groupe ARBKD Düsseldorf*.

Arrêté en Allemagne par le régime nazi, condamné pour « haute trahison », il connaît l’emprisonnement et la torture. En 1935, il parvient à fuir l’Allemagne et se réfugie à Anvers où il obtient un statut de réfugié politique.

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Artistamps de Karl Schwesig du camp de Saint-Cyprien.

Pensant trouver en France un asile, il connaît à nouveau l’emprisonnement dans les camps de Noé, Saint-Cyprien et Gurs…

Karl Schwesig témoigne de sa détention en reproduisant des scènes de la vie du camp, scènes dans lesquelles le quotidien sordide est « croqué » avec un réalisme teinté d’humour et d’autodérision.

La série de dessins, à l’encre de chine de couleur, que représentent ces rarissimes planches de pseudo-timbres-poste, a été exhumée d’un poussiéreux grenier et préservée par Gilles Allart, philatéliste et collectionneur bergeracois, qui nous a très aimablement permis de les numériser.

Ces reproductions, accompagnées d’un texte de présentation de l’historien Michel Rateau, ont été publiées par Claude Laharie, historien spécialiste du Camp de Gurs, dans un ouvrage paru en 2007 chez Atlantica : « GURS – L’art derrière les barbelés : 1939-1944 », préfacé par Serge Klarsfeld.

Karl Schwesig avait réalisé une seconde série de ces timbres, alors qu’il se trouvait encore au camp de Camp de Gurs (octobre 1940 – février 1941). L’original est, aujourd’hui, conservé au Leo Baeck Institute de New-York.

Planche de pseudo-timbres dessinés par l'artiste allemand Karl Schwesig à Gurs en 1941.

© Dessins à la plume, Karl Schwesig, 1941.
Format de chaque « timbre » : 28 x 34 mm. Coll. Gilles Allart.

"Liberté - Égalité - Fraternité". Timbres dessinés en 1941 au camp de Gurs par Karl Schwesig.

Scènes de vie au camp de Gurs, hiver 1940-41, dessins de Karl Schwesig.

Michel Rateau « observe, ici, les caricatures appliquées au racisme facial antisémite, soulignant la dureté des conditions de vie, les méthodes d’incarcération, mais aussi la nature humaine, presque un éloge à l’esprit de créativité, à l’autodéfense et à la débrouillardise devant l’adversité, sans oublier quelques pointes d’humour […] et d’espoir tourné vers les très attendues « Liberté, égalité, Fraternité » ».

Claude Laharie : Gurs – L'art derrière les barbelés : 1939-1944.

Le 19 juin 1955, Karl Schwesig s’éteignait à Düsseldorf, à l’âge de 57 ans.

* En 1928, le parti communiste allemand fonde l’Association des artistes et écrivains de l’Allemagne révolutionnaire (ARBKD). Les membres de l’association sont convaincus de la nécessité de prendre part, au moyen de [leur] art, à la lutte des classes. Ils organisent des manifestations, des expositions, créent des affiches. Dans leurs peintures, ils montrent les travailleurs, les grèves, les manifestations…

Source : Site arts plastiques de l’Académie de Caen

GURS l’art derrière les barbelés : 1939-1944, Claude Laharie, 168 p., 138 illustrations, éditions Atlantica, janvier 2008.

2 Commentaires de l'article “Karl Schwesig, l’artiste « timbré » des camps de Saint-Cyprien et de Gurs”

  1. Faille dit :

    Le peintre Felix Nussbaum dont les oeuvres sont exposées à Paris a également été interné au camp de Saint Cyprien et a peint un tableau bouleversant sur ce camp. Il est mort en déportation.

  2. Jacky Tronel dit :

    Très juste ! Votre message me permet de rappeler que Felix Nussbaum est actuellement exposé au Musée d’art et d’histoire du Judaïsme, 71 rue du Temple, Paris 3e, du 22 septembre 2010 au 23 janvier 2011. Pour en savoir plus, avec commentaires vidéo de la commissaire de l’exposition, Nathalie Hazan-Brunet : suivre le lien…

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