Le dépôt de mendicité de Villers-Cotterêts et le décret du 5 juillet 1808

Personnel du dépôt de mendicité de Villers-Cotterêts. Source : Archives de la Préfecture de Police de Paris

Napoléon s’est intéressé en personne à la mise en place des dépôts de mendicité. Le 1er septembre 1807, il écrivait à son ministre de l’Intérieur Crétet : « Les choses devraient être établies de manière qu’on pût dire : tout mendiant sera arrêté. Mais l’arrêter pour le mettre en prison serait barbare ou absurde. Il ne faut l’arrêter que pour lui apprendre à gagner sa vie par son travail. Il faut donc une ou plusieurs maisons ou ateliers de charité. »
De 1808 à 1889, le château de François Ier à Villers-Cotterêts, dans l’Aisne, abritait l’un des deux dépôts de mendicité du département de la Seine. Le second étant la maison de répression de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis).

Trois textes fondent les espérances du législateur du début du XIXe

1° – Le décret du 5 juillet 1808 « sur l’extirpation de la mendicité » : – Article 1er : « La mendicité sera interdite dans tout le territoire de l’Empire. – Art. 2. Les mendiants de chaque département seront arrêtés et conduits dans le dépôt de mendicité dudit département aussitôt que ledit dépôt aura été établi… » Les articles suivants règlent les formalités et posent les principes d’organisation et d’administration des dépôts.
2° – L’article 274 du Code pénal : « Toute personne qui aura été trouvée mendiant dans un lieu pour lequel il existera un établissement public organisé afin d’obvier à la mendicité, sera punie de trois à six mois d’emprisonnement et sera, après l’expiration de sa peine, conduite au dépôt de mendicité. »
3° – L’article 275 précise : « Dans les lieux où il n’existe point encore de tels établissements, les mendiants d’habitude valides seront punis d’un mois à trois mois d’emprisonnement. S’ils sont arrêtés hors du canton de leur résidence, ils seront punis d’un emprisonnement de six mois à deux ans… »

Ces trois textes sont liés par une idée commune : « la mendicité doit être réprimée et supprimée ; les dépôts départementaux sont le moyen nécessaire et suffisant pour atteindre ce résultat. »

Château François 1er de Villers-Cotterêts, transformé en dépôt de mendicité en 1808.

Château François 1er de Villers-Cotterêts, transformé en dépôt de mendicité pour le département de la Seine.

À propos du décret du 5 juillet 1808 :

Le décret du 5 juillet 1808, complété par le règlement du 5 octobre de la même année, prévoit que chaque département doit entretenir un « dépôt de mendicité », distinct des maisons de détention, qui sont « centrales » vis-à-vis de plusieurs départements. Mais le décret de 1808 est loin de réaliser le tri attendu : chaque dépôt doit accueillir bien sûr les bons pauvres valides qui trouveront « la subsistance et l’ouvrage » au sein d’un « établissement paternel où la bienfaisance tempérera la contrainte par la douceur », mais bientôt, en vertu du Code pénal de 1810, il va devoir enfermer aussi les vagabonds invalides (les valides étant punis de six mois d’emprisonnement) et les condamnés pour vagabondage avec circonstances aggravantes après qu’ils auront fini de purger une peine de deux à cinq ans d’emprisonnement. L’organisation (ou plutôt, la réorganisation) des dépôts de mendicité suit de peu celle des maisons centrales décrétée le 16 juin 1808.

Source : Christian Carlier, « Les prisons du Nord au XIXe siècle », Criminocorpus.

L'un des dortoirs du dépôt de mendicité de Villers-Cotterêts.

L’un des dortoirs du dépôt de mendicité de Villers-Cotterêts.

Au sujet du dépôt de mendicité de Villers-Cotterêts :

La vocation disciplinaire du dépôt de mendicité de Villers-Cotterêts s’estompe au cours du XIXe siècle : à partir des années 1825, le travail en atelier permet au reclus de cumuler un pécule qui peut être dépensé à l’occasion d’une sortie hebdomadaire, le château s’équipe d’une bibliothèque conséquente (ce qui s’est généralisé plus tardivement dans le milieu purement carcéral). Enfin, avec la baisse de la proportion de pensionnaires valides réduite à un cinquième des effectifs en 1871, la vocation de réintégration voulue par le dépôt de mendicité perd de plus en plus de son sens. Dans ses dernières décennies, le dépôt de Villers-Cotterêts héberge des mendiants infirmes : des vieillards et des « incurables ». Le taux de mortalité élevé (10 800 décès pour 23 000 entrées de 1808 à 1877), la hausse de l’âge moyen d’admission et le fait que le coût du cercueil est automatiquement prélevé sur le pécule accumulé par le reclus, contribuent à préfigurer la maison de retraite qui succède au dépôt en 1889. Elle a pour vocation l’hébergement des « vieillards-indigents » de Paris.

Seule maison de retraite gérée par la préfecture de Police, l’établissement de Villers-Cotterêts prend place dans le cadre de la réorganisation des institutions d’assistance parisiennes sous la Troisième République. Source.

Enfilade de lavabos au dépôt de mendicité de Villers-Cotterêts.

Enfilade de lavabos au dépôt de mendicité de Villers-Cotterêts.


Personnel du dépôt de mendicité de Villers-Cotterêts.

Personnel du dépôt de mendicité de Villers-Cotterêts. Date et photographe inconnus. Source Préfecture de Police de Paris, iconographie Y carton V.

Pour aller plus loin…

Rapport au Conseil supérieur de l’Assistance publique sur les dépôts de mendicité, par Charles Dupuy, avril 1889. Lien

Compte-rendu de la conférence d’Alain Arnaud par Jacques Bernet : Le château royal de Villers-Cotterêts, histoire, situation et avenir. Lien

Lire l’article publié sur le blog Beaugency Histoire : 1808 – Dépôt de mendicité

À lire, la plaquette très bien documentée : De la maison François 1er aux Ehpad de demain. Lien

Les photos proviennent du fonds iconographique Y des Archives de la Préfecture de Police de Paris, carton V.

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