L’inscription de Dreyfus sur les registres d’écrou de la prison militaire du Cherche-Midi

Alfred Dreyfus, photo Roger Viollet.

L’inventaire et le récolement récents de la sous-série 13 J réalisés par le Service Historique de la Défense, Département de l’Armée de Terre — sous la direction du conservateur Emmanuel Pénicaut — a permis d’exhumer les registres d’écrou de la Maison militaire d’arrêt et de correction de la Place de Paris.
Le n° d’écrou 1075 est attribué au capitaine Alfred Dreyfus.
En cette fin de XIXe siècle, c’est incontestablement la figure la plus illustre de la prison militaire de Paris. Dreyfus est écroué au Cherche-Midi le 15 octobre 1894, condamné à la dégradation militaire puis à la déportation le 22 décembre par le Premier conseil de guerre siégeant juste en face de la prison, au 37 rue du Cherche-Midi. Il est réhabilité le 12 juillet 1906.

Couverture du registre d'écrou de la prison du Cherche-Midi dans lequel apparaît Alfred Dreyfus.

Alfred Dreyfus en uniforme de lieutenant d’artillerie, source Bibliothèque de l’Assemblée nationale.
Ci-contre : registre des prévenus de la maison militaire d’arrêt et de correction, rue du Cherche-Midi, couvrant la période allant du 7 août 1882 au 12 février 1907.
SHD-DAT, 13 J 1095.

Chaque prison militaire possède plusieurs registres d’écrou dont un registre des prévenus (militaires en prévention, punis disciplinaires en attente de comparution devant un conseil de guerre ou faisant l’objet d’un ordre d’incarcération provisoire) sur lequel sont inscrits les nom et prénoms du détenu, le grade, la désignation du corps auquel il appartient, les motifs de la détention, la date d’entrée et de sortie de prison, la signature du gendarme qui a écroué le détenu et celle de celui qui a levé l’écrou, ainsi que les motifs des sorties et les destinations données au militaire pendant la durée de son emprisonnement.

Dreyfus Alfred, capitaine au 14e régiment d’artillerie, stagiaire à l’État-major de l’Armée (1er Bureau), est conduit à la prison militaire le 15 octobre 1894.

Voici les motifs de la détention, tels qu’ils apparaissent sur le registre d’écrou : « Prévenu du Crime de haute-trahison. Condamné le 22 Xbre [décembre] 1894, par le 1er Conseil de guerre du Gouvernement Mre de Paris, à la déportation dans une enceinte fortifiée et à la dégradation militaire pour haute trahison. S’est pourvu en révision le 23 Décembre 1894. Jugement confirmé par le Conseil de Révision de Paris, dans sa séance du 31 Décembre 1894. »

Alfred Dreyfus figure sur le registre d'écrou de la prison militaire de la rue du Cherche-Midi.

La dernière colonne du registre, réservée aux observations, précise que « par ordonnance de M. le Rapporteur près le 1er Conseil de guerre en date du 3 novembre 1894 le Capitaine Dreyfus a été mis au secret jusqu’à nouvel ordre. » Trois autres ordonnances ont renouvelé la mise au secret. « Par ordre de M. le Commissaire du gouvernement près ledit Conseil le secret a été levé (note du 5 décembre 1894). »

Les dernières mentions concernent la date et le motif de sa sortie de la prison militaire :
« 5 Janvier 1895. Conduit à la Parade pour être ensuite remis à l’autorité civile. »
Le 5 janvier a lieu, dans la grande cour de l’École militaire, la dégradation du capitaine Dreyfus. Il est ensuite conduit à la maison d’arrêt de la Santé où il demeure jusqu’à son transfert vers l’île de Ré, le 17 janvier 1895.

Registre d'écrou de la maison militaire d'arrêt et de correction de la place de Paris. Capitaine Dreyfus.

Pour en savoir plus sur la période de l’emprisonnement au Cherche-Midi : Lettres d’un innocent, du Capitaine Alfred Dreyfus, 1898.

L'Affaire Dreyfus, Vincent Duclert, Larousse, avril 2009.

Vincent Duclert, est l’un des meilleurs spécialistes de l’affaire Dreyfus. Son dernier ouvrage, paru en avril 2009 chez Larousse, collection Essais et documents, est abondamment documenté et enrichi par de très nombreuses citations et documents iconographiques, souvent inédits.
« L’affaire Dreyfus ne cessa et ne cesse toujours d’incarner la défense de l’intégrité humaine et du droit des citoyens face à la raison d’État, à la violence politique et aux doctrines de haine », écrit l’auteur dans son introduction.

Voir également : Réhabilitation d’Alfred Dreyfus par la Chambre des députés

1906, Dreyfus réhabilité

2 Commentaires de l'article “L’inscription de Dreyfus sur les registres d’écrou de la prison militaire du Cherche-Midi”

  1. masini dit :

    Existe-t-il une liste des personnes passées par la prison rue du cherche midi ?

  2. Jacky Tronel dit :

    Il existe un certain nombre de registres d’écrou conservés au Service historique de la Défense, département de l’armée de Terre, à Vincennes, dans la sous-série 13 J (Justice militaire). Il faut bien distinguer les deux prisons de la rue du Cherche-Midi : d’une part, la Maison de justice du n° 37, située dans l’Hôtel des Conseils de Guerre. Pour cette prison, il existe des registres pour la période allant de 1841 à 1907 (cotes 13 J 1027 à 13 J 1079). D’autre part, la Maison d’arrêt et de correction militaire située au n° 38 du Cherche-Midi, dont les registres couvrent la période allant de 1848 à 1947 (cotes 13 J 1080 à 1140). La prison militaire de Paris a également eu recours à des annexes : au Fort de Bicêtre de 1917 à 1920 (cotes 1141 à 1153) et à la Santé de 1915 à 1920 et de 1939 à 1945 (cotes 1154 à 1165). Les Archives de la ville de Paris conservent aussi quelques registres d’écrou qui concernent la prison du Cherche-Midi… Le grand trou noir concerne la période de l’occupation allemande, au cours de laquelle la prison du Cherche-Midi était sous commandement allemand. Nous ne possédons pas de registres pour cette période. Ils ont vraisemblablement été détruits ou emportés par les Allemands au moment de leur départ. Bonnes recherches !…

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