Dimanche 23 octobre 2011 : inauguration de l’Allée des internés du Camp de Gurs

L'allée des internée du camp de Gurs, Mémorial inauguré le 23 octobre 2011.

Le 23 octobre 2011, à 11 h., l’Amicale du Camp de Gurs a inauguré l’Allée des Internés qui parachève le Mémorial national que le sculpteur israélien Dani Karavan a conçu, en 1994, comme un parcours de réflexion sur l’internement dans les camps de Vichy. S’inspirant de la rue des Droits de l’Homme (Straße der Menschenrechte) à Nuremberg, œuvre du même Karavan, 27 colonnes de granit portent les noms des différents groupes d’internés qui ont séjourné dans le camp béarnais.

Érigées sous la direction de l’architecte Emile Vallès, vice-président de l’Amicale du Camp de Gurs, ces stèles se dressent, au départ de l’entrée principale, de part et d’autre de l’ancienne allée centrale du camp. Elles rendent hommage à toutes les populations (ou presque…) ayant souffert à Gurs au cours de la Seconde Guerre mondiale.

Une « Allée des Internés » aux 27 colonnes du souvenir

Vingt-sept colonnes symbolisent tous ceux, républicains espagnols, brigadistes internationaux, juifs d’Europe, « indésirables français », qui ont été détenus au camp de Gurs du printemps 1939 au printemps 1944 – en tout plus de 60 000 personnes.

Entrée principale du Camp de Gurs ouvrant sur l'Allée des Internés et ses 27 colonnes érigées en mémoire des différentes familles de prisonniers qui y ont séjourné

D’une capacité de 20 000 places, le camp de Gurs est opérationnel dès le 5 avril 1939. Il a vocation à regrouper les républicains espagnols qui, fuyant l’avancée des troupes de Franco, ont franchi les Pyrénées pour trouver refuge en France. Sous Vichy, le camp devient un centre d’internement destiné à enfermer toutes les catégories d’hommes et de femmes jugées « indésirables » par le régime. Puis, dès 1942, Gurs sert de base à la déportation des Juifs vers l’Allemagne nazie.

L'une des 27 colonnes de l'Allée des Internés du camp de Gurs. Mémorial 2011. Photo Jacky Tronel

Relevé intégral des textes gravés sur les 27 colonnes :

1 – « CAMP DE GURS 1939-1944 / HOMMAGE AUX 60.559 INTERNÉS ». Don « Amicale du Camp de Gurs / Architecte Émile VALLES, 2010 »

2 – « CAMP DE GURS 1942-1943 Régime de Vichy / 3.907 DÉPORTÉS JUIFS EXTERMINÉS A AUSCHWITZ Hommes Femmes Enfants »

3 – « CAMP DE GURS AVRIL 1939 IIIe République Française / 6.555 SOLDATS BASQUES DE LA RÉPUBLIQUE ESPAGNOLE »

4 – « CAMP DE GURS 1940 Régime de Vichy / JUIFS DE BADE EXPULSÉS PAR LES AUTORITÉS ALLEMANDES »

5 – « CAMP DE GURS 1940 Régime de Vichy / JUIFS DU PALATINAT EXPULSÉS PAR LES AUTORITÉS ALLEMANDES »

6 – « CAMP DE GURS AVRIL 1939 IIIe République Française / 5.397 AVIATEURS ET PERSONNEL DE L’AVIATION DE LA RÉPUBLIQUE ESPAGNOLE »

7 – « CAMP DE GURS AVRIL 1939 IIIe République Française / 950 VOLONTAIRES POLONAIS DE LA BRIGADE INTERNATIONALE DOMBROWSKI / 902 VOLONTAIRES ITALIENS DE LA BRIGADE INTERNATIONALE GARIBALDI »

8 – « CAMP DE GURS AVRIL 1939 IIIe République Française / 3.721 VOLONTAIRES DES BRIGADES INTERNATIONALES D’ALLEMAGNE AUTRICHE TCHECOSLOVAQUIE YOUGOSLAVIE »

9 – « CAMP DE GURS AVRIL 1939 IIIe République Française / 384 VOLONTAIRES DES BRIGADES INTERNATIONALES DE CUBA ET AMÉRIQUE LATINE »

10 – « CAMP DE GURS AVRIL 1939 IIIe République Française / SOLDATS ARAGONAIS DE LA RÉPUBLIQUE ESPAGNOLE »

11 – « CAMP DE GURS MAI 1940 IIIe République Française / 9.771 FEMMES « INDÉSIRABLES » – RAFLÉES AU VEL’D’HIV’ – RÉFUGIÉES – ANTINAZIES D’ALLEMAGNE ET AUTRICHE – RÉSISTANTES ALLEMANDES »

12 – « CAMP DE GURS MAI 1940 IIIe République Française / 800 MILITANTS POLITIQUES D’EUSKADI »

13 – « CAMP DE GURS AVRIL 1939 IIIe République Française / SOLDATS ANDALOUS DE LA II° RÉPUBLIQUE ESPAGNOLE »

14 – « CAMP DE GURS AVRIL 1939 IIIe République Française / SOLDATS ILES CANARIES DE LA II° RÉPUBLIQUE ESPAGNOLE »

15 – « CAMP DE GURS 1939 – 1944 / HOMMAGE AUX EXILÉS CATALANS SOLDATS ET CIVILS »

 

Allée des Internés du Camp de Gurs, 2011. Photo Jacky Tronel

16 – « CAMP DE GURS AVRIL 1939 IIIe République Française / SOLDATS DE VALENCIA DE LA II° RÉPUBLIQUE ESPAGNOLE »

17 – « CAMP DE GURS AVRIL 1939 IIIe République Française / SOLDATS DE LA II° RÉPUBLIQUE ESPAGNOLE DES ASTURIES CANTABRIE CASTILLE-LÉON CASTILLE-LA-MANCHE ESTRÉMADURE GALICE ILES BALÉARES LA RIOJA MADRID MURCIE NAVARRE »

18 – « CAMP DE GURS MAI 1940 IIIe République Française / 1329 « INDÉSIRABLES » FRANÇAIS COMMUNISTES SYNDICALISTES PACIFISTES »

19 – « CAMP DE GURS MAI et 1940 IIIe République Française / « INDÉSIRABLES » MOSELLANES FEMMES ENFANTS »

20 – « CAMP DE GURS OCTOBRE Régime de Vichy / JUIFS DE LA SARRE EXPULSÉS PAR LES AUTORITÉS ALLEMANDES »

21 – « CAMP DE GURS 1940 – 1943 Régime de Vichy / JUIFS D’EUROPE CENTRALE »

22 – « CAMP DE GURS 1940 et 1944 Régime de Vichy / 126 GITANS FRANÇAIS ROUMAINS BULGARES »

23 – « CAMP DE GURS OCTOBRE 1944 Gouvernement Provisoire de la République Française / 1475 GUÉRILLÉROS ESPAGNOLS AU RETOUR DE L’OPÉRATION DU VAL D’ARAN »

27e stèle de l'Allée des Internés du Camp de Gurs : "A l'interné oublié - A l'internée oubliée"

24 – « CAMP DE GURS 1939 – 1944 / HOMMAGE AUX RÉPUBLICAINS ESPAGNOLS INTERNÉS ICI HOMMES FEMMES ENFANTS »

25 – « CAMP DE GURS 1940 – 1943 Régime de Vichy / JUIFS DE POLOGNE »

26 – « CAMP DE GURS 1940 – 1943 Régime de Vichy / JUIFS D’AUTRICHE »

27 – « CAMP DE GURS OCTOBRE 1939 – 1944 / III° République Française Régime de Vichy / Gouvernement Provisoire de la République Française / A L’INTERNÉ OUBLIÉ / A L’INTERNÉE OUBLIÉE »

Confusion… à l’origine d’un regrettable oubli !

Parmi la population internée au cours de l’année 1940, il faut aussi mentionner, même s’ils ne sont pas cités, les détenus issus des prisons repliées vers le Sud de la France en raison de l’offensive allemande. C’est ainsi que du 21 juin au 6 novembre 1940, la « prison militaire de Paris repliée au camp de Gurs » occupe les îlots B et D. Lors de son installation, le 21 juin, l’effectif est de 1 020 détenus. Du 30 juin au 25 juillet, la « prison militaire de Bordeaux repliée au camp de Gurs » compte 129 détenus. Elle est placée sous le commandement du capitaine Kersaudy. Au cours des mois d’août et de septembre 1940, les états numériques signalent également la présence de « détenus Prison Belge ». Le 24 août, ils sont au nombre de 214…

Camp de Gurs, colonne dédiée aux indésirables français, communistes, syndicalistes et pacifistes

Dans un rapport du 10 août 1940 sur l’Organisation du camp de Gurs à la date du 31 juillet 1940, on observe que les détenus de la prison militaire de Paris sont qualifiés de « préventionnaires ». Ils ne sont pas à confondre avec les « indésirables » qui, eux, ont le statut d’internés administratifs. Ces derniers sont assignés à résidence dans des camps créés sur ordre des préfets. Le préfet des Basses-Pyrénées en installe un à Gurs. Le rapport précité indique : « Centre de séjour surveillé. Ilot D. Anciennement à Dax. Indésirables français et étrangers – Application du décret du 18 Novembre 1939. Aucune trace relative à leur motif d’internement. Effectif : 73 ».

Sur la colonne gravée en hommage aux 1329 ‘INDÉSIRABLES’ FRANÇAIS COM-MUNISTES SYNDICALISTES PACIFISTES se trouvent amalgamées deux catégories d’internés : 1. – Ceux issus des prisons militaires, prévenus pour la plupart (d’où le nom de « préventionnaires » donné par l’administration du camp), de loin les plus nombreux… 2. – Les internés administratifs, présents dans l’un des baraquements de l’îlot D transformé en « centre de séjour surveillé ».

En résumé, les « indésirables français » concernés par le décret du 18 novembre 1939 ont été très peu nombreux à Gurs, 124 tout au plus (à l’effectif du 4 décembre 1940). Ils ont toujours été sous contrôle des préfets, tandis que les « préventionnaires », plus d’un millier, détenus des prisons militaires, ont toujours été placés sous administration du ministère de la Guerre, même après le 1er novembre 1940 quand le camp passe sous contrôle du ministère de l’Intérieur.

Une colonne en hommage au plus d’un millier de détenus des prisons militaires (« préventionnaires » et non « indésirables français ») aurait eu sa place dans cette Allée des internés. Cet oubli est d’autant plus regrettable que l’un d’eux, Léon Bérody, détenu communiste écroué à la prison militaire de Paris (cadre à la Confédération générale du travail unitaire, inculpé d’infraction au décret-loi du 26 septembre 1939) fut le premier président de l’Amicale du Camp de Gurs (1980-1999) !

Pour en savoir plus sur la création du camp de Gurs, lire sur ce blog Gurs : « camp de concentration pour miliciens espagnols » et sur le repli des prisons militaires : La prison militaire de Paris repliée au Camp de Gurs (juin 1940 – janvier 1941)

Sources : Archives départementales des Pyrénées Atlantiques, Pau (cotes 77 W 14, 21-23, 1031 W 172, 177, 181) et Service Historique de la Défense, département de l’armée de terre (sous-série 13 J).

Photos : © Jacky Tronel, 12 août 2011.

En préparation : « Des Français au camp de Gurs en 1940 : les ‘préventionnaires’ et les ‘indésirables’ », dans la revue d’Histoire Arkheia n° 24-25, à paraître début 2012.

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