Tentative d’évasion à la maison de justice militaire de la rue du Cherche-Midi
Par Jacky Tronel | mercredi 29 décembre 2010 | Catégorie : Dernières parutions, DES PRISONS… | Pas de commentaireEn octobre 1841, une maison de justice militaire ouvre à Paris,
au 37 rue du Cherche-Midi, dans l’hôtel des Conseils de Guerre.
Elle est destinée à recevoir les prévenus appelés à comparaître devant les conseils de guerre. La fermeture des Ateliers nationaux, le 21 juin 1848, provoque une insurrection populaire aussitôt réprimée dans le sang, faisant plus de 5 000 morts. Des centaines d’insurgés sont constitués prisonniers. Quelques-uns d’entre eux sont écroués à la maison de justice militaire de Paris, théâtre d’une tentative d’évasion en avril 1849.
Voiture cellulaire du Service militaire, stationnée dans la cour d’honneur de l’hôtel des Conseils de guerre,
37, rue du Cherche-Midi, vers 1898.
Le 27 avril 1849, le Général Neumayer commandant la Première division militaire de Paris, adresse au Général Rulhières, ministre de la Guerre, le courrier suivant :
« J’ai l’honneur de vous rendre compte que l’intelligente activité du Sieur Bourgeois, concierge de la maison de justice et du nommé Blan, surveillant guichetier de la dite prison, vient de déjouer une tentative d’évasion de la part du nommé Vincent, déserteur du 2e régiment d’artillerie, traduit devant le 2e conseil de guerre de la division pour participation à l’insurrection de Juin, et qui avait réussi, l’année dernière, à s’échapper de la prison militaire du Fort de Vanves.
Le Sieur Bourgeois, averti par une parole en l’air que quelque chose se passait parmi les insurgés détenus, avait fait, à l’improviste, une perquisition minutieuse dans toutes les parties de la prison. Il découvrit ainsi que le barreau de fer de l’une des croisées était déjà scié à la profondeur de 6 à 7 millimètres, mais le trait de scie avait été rempli de charbon mélangé avec du suif, en sorte qu’il a fallu beaucoup d’attention pour s’en apercevoir. La fenêtre à laquelle tenait ce barreau est située au rez-de-chaussée au fond d’un corridor donnant sur un chemin de ronde. Pour découvrir l’auteur de ce travail, le concierge de la maison de justice plaça une échelle contre l’abat-jour qui masque l’entrée de la fenêtre et y fit monter le Sieur Blan qui s’y tint en observation dans le plus grand silence. Après une heure et demie d’attente dans une position aussi gênante, cet homme entendit un léger bruit à l’intérieur et s’étant élevé avec précaution jusqu’en haut de l’échelle, il aperçut distinctement le nommé Vincent occupé à couper le barreau au moyen d’une petite scie qu’il s’était fabriquée lui-même avec un morceau de bois de la grosseur d’un centimètre et un ressort de montre dentelé. Le concierge ayant été prévenu sur le champ, il se transporta avec toutes les précautions possibles dans le corridor et prit sur le fait le nommé Vincent qui fut mis aussitôt en cellule. La scie dont se servait cet homme m’a été envoyée. »
Une audience du Conseil de Guerre en 1848, d’après une gravure du journal L’Illustration.
« Le même jour, le nommé Ognier, gendarme mobile employé comme surveillant guichetier à la maison de justice militaire, a aussi fait preuve d’intelligence et de fidélité en interceptant des lettres très importantes que le faussier Dussaulx, du 6e régiment d’artillerie, détenu à la maison de justice, voulait faire passer à deux militaires du même corps et au comité central socialiste, pour faire appuyer sa candidature à la prochaine assemblée législative. Ce sous-officier avait cru mettre le Sieur Ognier dans son intérêt en l’apitoyant sur son sort et en lui donnant une pièce de 5 francs, mais cet employé s’est empressé de remettre cet argent et les lettres au concierge de la maison de justice qui me les a transmis.
Je viens de faire parvenir une lettre à Monsieur le Général en chef. Je pense, Monsieur le Ministre, qu’il serait juste de récompenser le zèle et la fidélité dont les nommés Ognier et Blan ont fait preuve dans cette circonstance, car le service dont ils sont chargés les expose à des punitions sévères dans beaucoup de circonstances et il leur impose une responsabilité très onéreuse. Je crois donc devoir vous demander pour chacun d’eux une gratification qui serait certainement un encouragement à bien faire, pour eux et pour les autres.
Agréez, Monsieur le Ministre, l’hommage de mon respect. Le Général commandant le 1ère division militaire. Neumayer ».
Les deux hommes se verront finalement accorder par le ministre une gratification de 25 francs chacun, pour le zèle dont ils ont fait preuve en la circonstance…