« Les responsables de la défaite écroués au Fort du Portalet » sur ordre de Pétain, le 16 octobre 1941

Carte situant le Fort du Portalet, prison d'État

Investi des pleins pouvoirs par la loi constitutionnelle du 10 juillet 1940, Pétain s’octroie, dès le lendemain, le titre de Chef de l’État français.

L’acte constitutionnel n° 5 du 30 juillet 1940, article 2, prévoit la création d’une Cour suprême de justice. Le 8 août 1940, il est décidé que cette cour siégera à Riom (Puy-de-Dôme).

L’acte constitutionnel n° 7 du 27 janvier 1941 stipule, dans son article 3, que « dans le cas où l’un [des hauts fonctionnaires de l’État] viendrait à trahir les devoirs de sa charge, le chef de l’État, après enquête dont il arrêtera la procédure, peut prononcer toute réparation civile, toutes amendes et appliquer les peines suivantes à titre temporaire ou définitif : privation des droits politiques, mise en résidence surveillée en France ou aux colonies, internement administratif, détention dans une enceinte fortifiée. »

Le couple Pétain-Laval en juillet 1940

Le maréchal Pétain et le vice-président du conseil, Pierre Laval, en grande discussion

Alors que l’instruction piétine, Philippe Pétain s’impatiente et, « motu proprio », ordonne la détention au fort du Portalet, enceinte fortifiée convertie en prison d’État, de Léon Blum, Édouard Daladier et du général Maurice Gamelin. Georges Mandel et Paul Reynaud les y rejoindront.

Laval est le principal acteur de la manœuvre qui va aboutir au vote des pleins pouvoirs à Philippe Pétain le 10 juillet 1940 par le biais de la loi constitutionnelle du 10 juillet 1940. Deux jours plus tard, le 12 juillet 1940, Laval est appelé par Pétain et nommé vice-président du Conseil. Le maréchal Pétain demeure à la fois chef de l’État et du gouvernement.

Le maréchal Pétain et Pierre Laval, en grande discussion. Vichy, juillet 1940. Source

Lu dans L’Illustration du 25 octobre 1941 :

Dans son message du 12 août dernier au peuple français, le maréchal Pétain avait dit : « J’ai décidé d’user des pouvoirs que me donne l’acte constitutionnel n° 7 pour juger les responsables de notre désastre. Un conseil de justice politique est créé à cet effet. Il me soumettra ses propositions avant le 15 octobre. »

Le Fort du Portalet, prison d'État.

Le Maréchal a tenu parole. Dans un nouveau message en date du 16 octobre, il a fait connaître en ces termes sa sentence : « Le conseil de justice politique m’a remis ses conclusions à la date précise que j’avais fixée dans mon discours du 12 août. Ces conclusions sont claires, complètes, fortement motivées. Composé d’anciens combattants d’élite et de grands serviteurs du bien public, le conseil de justice a estimé, à l’unanimité, que la détention dans une enceinte fortifiée, la peine la plus forte prévue par l’acte constitutionnel n° 7, devait être appliquée à MM. Édouard Daladier et Léon Blum, ainsi qu’au général Gamelin. J’ordonne en conséquence la détention de ces trois personnes au fort du Portalet.

En ce qui concerne M. Guy la Chambre et le contrôleur général Jacomet, dont les responsabilités apparaissent moins graves, l’avis du conseil a été différent. MM. Guy la Chambre et Jacomet resteront internés à Bourrassol [sur la commune de Ménétrol, dans le Puy-de-Dôme].

Mais le conseil de justice politique m’a demandé de préserver le pouvoir judiciaire des empiétements du pouvoir politique. Ce respect de la séparation des pouvoirs fait partie de notre droit coutumier. C’est donc très volontiers que j’ai répondu à cet appel qui correspond à mes sentiments intimes. En conséquence, la cour de Riom reste saisie. Je vais même plus loin. J’estime que non seulement la cour de Riom ne pouvait être dessaisie, mais que l’intérêt national exige qu’elle puisse juger dans les délais les plus brefs. La gravité des faits reprochés aux principaux responsables de notre désastre apparaît telle, en effet, qu’elle ne saurait être masquée ou aveuglée par de simples sanctions politiques. »

Le fort du Portalet, où seront désormais détenus MM. Léon Blum, Édouard Daladier et le général Gamelin, porte aussi le nom d’Urdos. Il est situé dans les Pyrénées, à 794 mètres d’altitude, sur un roc surplombant de quelque 150 mètres le gave d’Oléron ; il se trouve à une douzaine de kilomètres du col du Somport, qui marque la frontière entre la France et l’Espagne. L’unique route, qui relie Pau à Jaca par la vallée d’Aspe, a été en maints endroits taillée dans le roc. Le fort communique avec cette route par le pont d’Enfer, sur le gave, et un escalier de cinq cent six marches.

« L’arroseur arrosé »

Jugé à la Libération par la Haute Cour de justice, pour intelligence avec l’ennemi et haute trahison, le maréchal Pétain est, par arrêt du 15 août 1945, frappé d’indignité nationale, condamné à la confiscation de ses biens et à la peine de mort. La cour recommande la non-application de cette dernière en raison de son grand âge. Sa peine est commuée en emprisonnement à perpétuité par le général de Gaulle, chef du Gouvernement provisoire de la République.

Philippe Pétain est interné au fort du Portalet du 15 août au 16 novembre 1945, puis transféré au Fort de la Citadelle, sur l’île d’Yeu (Vendée).

Sa santé décline à partir du début de l’année 1951. Eu égard à cette situation et en vue d’adoucir une fin prévisible, le Conseil supérieur de la Magistrature présidé par Vincent Auriol, président de la République, autorise le 8 juin 1951 l’« élargissement » du prisonnier et son assignation à résidence « dans un établissement hospitalier ou tout autre lieu pouvant avoir ce caractère ». Le transfert dans une maison privée de Port-Joinville a lieu le 29 juin 1951, où il meurt le 23 juillet 1951, à l’âge de 95 ans. Pétain est inhumé le surlendemain dans le cimetière marin de l’île d’Yeu.

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Pour accéder à l’article de L’Illustration, suivre ce lien…
Lire sur ce blog : Focus sur les Rencontres Historiques du Fort du Portalet

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