« Enfermements. Le cloître et la prison (VIe-XVIIIe siècle) » : colloque et publication

 

Ancienne abbaye de Clairvaux, éditions Gaud

Réclusion, claustration, emprisonnement, incarcération, détention, internement, isolement… Les mots synonymes d’enfermement sont aussi nombreux que les réalités auxquelles renvoie la notion. Ils illustrent les pistes, nombreuses, ouvertes aux spécialistes des sciences humaines et sociales en général, et aux historiens en particulier.

Le mardi 7 février 2012 à 18 h. 30, au Collège des Bernardins (20 rue de Poissy – 75005 Paris), l’association Renaissance de l’abbaye de Clairvaux et les Publications de la Sorbonne présenteront Enfermements. Le cloître et la prison (VIe-XVIIIe siècle), ouvrage dirigé par Isabelle Heullant-Donat, Julie Claustre et Élisabeth Lusset. La présentation prendra la forme d’un débat entre Dominique Iogna-Prat (directeur de recherche au CNRS et directeur d’études à l’EHESS) et Denis Salas (magistrat, secrétaire général de l’association française pour l’histoire de la Justice), débat animé par Emmanuel Laurentin de La Fabrique de l’Histoire (France Culture).

À propos du colloque qui a donné lieu à la publication…

L’ouvrage présenté fait suite au colloque « Enfermements. Le cloître et la prison (VIe-XVIIIe siècle) », organisé à Troyes, à l’abbaye de Clairvaux et à Bar-sur-Aube, du 22 au 24 octobre 2009.

L’idée d’organiser un colloque sur ce thème est née de l’intérêt pour les Ordres religieux apparus en Occident aux XIIe (Ordres religieux militaires) et XIIIe siècles (Ordres Mendiants), qui proposent à leurs membres une vie partagée entre le siècle et la clôture, mettent en place un contrôle accru de celle-ci (système des visites, instance centralisée du chapitre général) et révèlent ainsi un changement d’attitude, tant dans l’appréhension du monde que dans la manière de considérer la perfection spirituelle et l’idéal de vie chrétienne.

Ces évolutions devaient être mises en perspective avec la valeur (préventive, punitive, préservative, coercitive…) de l’enfermement dans les sociétés occidentales, telles qu’elles apparaissent avant l’époque du « grand renfermement ». Clausura religieuse et enfermement répressif sont en effet deux versants d’une même pratique de contention des corps entre des murs. Des travaux récents chez les antiquisants, les médiévistes et les modernistes montrent que ce champ d’investigation est très fécond et revêt une authentique dimension internationale.

Certes, on disposait de deux synthèses d’histoire générale des prisons et de collectifs sur la réclusion féminine. Mais il apparaissait nécessaire d’établir des liens d’une part entre des recherches très dispersées en historiographies nationales et en spécialités (droit romain, droit canon, histoire religieuse, histoire sociale, histoire culturelle, etc.), mais aussi et surtout entre des recherches qui dissociaient les lieux d’étude (le monastère ou le béguinage, la prison, l’hôpital…). En effet, les questions des conditions de vie en milieu clos, de la valeur de l’enfermement et des résultats qu’on en escompte sont probablement liées au sein d’une société donnée. Les travaux désormais anciens de Michel Foucault (1975) suscitèrent en leur temps une forte polémique, irritant grandement nombre d’historiens ; mais en suggérant l’existence de pratiques communes dans des lieux et des institutions divers, ils ouvrirent des perspectives qui ont été diversement explorées selon les périodes et les écoles historiques.

L’objectif était donc triple : Tout d’abord, tirer les enseignements de trois décennies d’études sur l’« archéologie de la privation de liberté » ; ensuite, établir des ponts entre Antiquité, Moyen Âge et Époque moderne afin de réévaluer la notion de « modernité » à travers ce prisme ; enfin, retrouver la profondeur historique d’un champ de pratiques qui connaît un renouvellement radical dans toutes les pénologies du monde occidental.

Par une réflexion sur les enfermements, punitifs ou non, forcés ou volontaires, séculiers ou monastiques, il s’agissait d’étudier, en tant que telle et dans son historicité, la clôture, les attentes que l’on place en elle, les valeurs qu’elle recèle, les objectifs qu’on lui assigne, les formes qu’elle prend. Ce croisement entre les histoires de l’enfermement répressif et celles de l’enfermement sanctificateur, qui s’ignorent trop souvent, peut-il aboutir à des vues cavalières sur une histoire commune de la clôture ? La récurrence des politiques de rétablissement de la clôture dans l’histoire des communautés religieuses aurait-elle une résonance séculière, par exemple à la fin du XIIIe siècle et au XVIIe siècle ? Trois volets thématiques ont été proposés à l’étude pour des contributions en forme de bilans synthétiques, qui ont ensuite donné lieu à la publication que l’on sait.

Enfin, dans une perspective de sociologie historique de l’enfermement, on a cherché à définir quelles populations (statuts socio-économiques, genres) sont particulièrement exposées aux diverses formes d’enfermement…

Lire la suite sur Nomodôs, blog d’actualités de Clio@Thémis, e-revue d’histoire du droit.

Enfermements. Le cloître et la prison (VIe-XVIIIe siècle), dirigé par Isabelle Heullant-Donat, Julie Claustre et Élisabeth Lusset, paru aux Publications de la Sorbonne en 2011

Enfermements. Le cloître et la prison (VIe-XVIIIe siècle), Isabelle Heullant-Donat, Julie Claustre et Élisabeth Lusset (dir.), Paris, Publications de la Sorbonne, 2011. 376 pages, 16 x 24 cm. 35 euros. ISBN :  978-2-85944-673-4

Présentation du livre par les Publications de la Sorbonne

Dès le Moyen Âge, le claustrum et le carcer, le cloître et la prison, ont été associés. Exaltant l’ascèse monastique, Bernard de Clairvaux, pour ne citer que lui, comparait déjà le monastère à une prison ouverte, où seule la crainte de Dieu retenait les moines. Aujourd’hui, les liens entre cloître et prison sont encore perceptibles dans le site exceptionnel de Clairvaux, ancienne abbaye cistercienne fondée au XIIe siècle et transformée en centre pénitentiaire au XIXe siècle. Dans les années 1960-1970, penseurs des institutions répressives et historiens du monachisme ont âprement polémiqué sur l’analogie entre cloître et prison. Afin de dépasser les apories de ces controverses et de renouer les fils du dialogue interrompu entre historiens du cloître et historiens de la prison, cet ouvrage propose une histoire commune des deux enfermements. Il explore les conceptions et les valeurs associées à l’enfermement, les particularités de la vie en milieu clos, la sociologie des groupes exposés à l’enfermement, dans l’ensemble de l’Europe, de l’Espagne à la Saxe et de l’Angleterre à l’Italie, entre le VIe siècle et le XVIIIe siècle. Faisant appel aux meilleurs spécialistes internationaux de ces questions, il privilégie les vues synthétiques plutôt que les études de cas. Il dessine enfin les renouvellements historiographiques intervenus depuis quatre décennies dans les domaines de l’histoire du droit, de l’histoire sociale et de l’histoire religieuse.

Table des matières :

Jean-François Leroux – Avant-propos
Isabelle Heullant-Donat, Julie Claustre, Élisabeth Lusse – Introduction

Conceptions et valeurs de l’enfermement

Julia Hillner – L’enfermement monastique au VIe siècle
Megan Cassidy-Welch – Incarcération du corps et libération de l’esprit : un motif hagiographique
Elsa Marmursztej – Issues obligatoires. Clôture et incarcération dans la pensée scolastique des XIIIe-XIVe siècles
Julie Claustre – Les prisonniers « desconfortés ». Les littératures de la prison au bas Moyen Âge
Elizabeth Makowski – L’enfermement des moniales au Moyen Âge. Débats autour de l’application de la décrétale Periculoso
Daniel-Odon Hurel – La prison et la charité. Les enjeux contradictoires de l’enfermement pour faute grave dans l’ordre de Saint-Benoît à l’époque moderne

Vivre en milieu clos

Gregoria Cavero Domíngue – L’hôtellerie et sa projection sur la clôture monastique. La tradition médiévale hispanique
Élisabeth Lusset – Entre les murs. L’enfermement punitif des religieux criminels au sein du cloître (XIIe-XVe siècles)
Romain Telliez – Geôles, fosses, cachots… Lieux carcéraux et conditions matérielles de l’emprisonnement en France à la fin du Moyen Âge
Louis de Carbonnières – Prison ouverte, prison fermée. Les règles procédurales de la détention préventive sous les premiers Valois devant la chambre criminelle du parlement de Paris
Camille Dégez – Les conditions de vie en prison à l’époque moderne. L’exemple de la Conciergerie
Falk Bretschneider – Enfermements : circulation et croisement des pratiques dans l’espace germanique à l’époque moderne

Objectifs et usages sociaux des enfermements

Sylvie Joye – Les monastères féminins du haut Moyen Âge : rempart ou prison ?
Anna Benvenuti – Cellanae et reclusae dans l’Italie médiévale. Modèles sociaux et comportements religieux
Marie-Élisabeth Henneau – Les débats relatifs à la clôture des moniales aux XVIIe et XVIIIe siècles. Discours croisés entre deux mondes
Marie-Claude Dinet-Lecomte – Les faux-semblants et les avatars de l’enfermement à l’époque moderne
Véronique Beaulande-Barrau – « Au pain de douleur et à l’eau de tristesse ». Prison pénale, prison pénitentielle dans les sentences d’officialité à la fin du Moyen Âge
James B. Given – Dans l’ombre de la prison. La prison de l’Inquisition dans la société languedocienne
Guy Geltner – La prison urbaine. Pratiques civiques, discours religieux et enjeu social

Claude Gauvard – Conclusions.

Informations pratiques :

Isabelle Heullant-Donat, Julie Claustre et Élisabeth Lusset (dir.),
Enfermements. Le cloître et la prison (VIe-XVIIIe siècle), Paris, Publications de la Sorbonne, 2011.
376 pages, 16 x 24 cm. 35 euros. ISBN : 978-2-85944-673-4

L’avant-propos et l’introduction sont accessibles ici : lien.

Laissez un Commentaire