Le repli de la prison militaire de Paris à Mauzac. Un exode pénitentiaire méconnu
Par Jacky Tronel | lundi 19 avril 2010 | Catégorie : ACTUALITÉS, Dernières parutions | Pas de commentaireL’un des aspects méconnus de la débâcle concerne l’exode pénitentiaire.
Le 1er juin 1940, le général Gamelin informe de « l’éventualité d’une action des éléments communistes de la région parisienne en vue de délivrer leurs partisans incarcérés, en cas d’avance allemande sur la capitale ».
En 2004, le récit de ce repli a fait l’objet d’une publication dans la revue Histoire pénitentiaire, dirigée par l’historien Christian Carlier.
Aujourd’hui, l’intégral de ce texte, révisé et actualisé, vient d’être mis en ligne par Marc Renneville, directeur de publication du site criminocorpus, portail sur l’histoire de la Justice, des crimes et des peines.
Il est disponible en cliquant sur ce lien…
© René Blanchet, détenu à la prison militaire de Paris (annexe de la Santé), a dessiné les étapes de son exode
au départ de la prison de la Santé, le 10 juin 1940, jusqu’à son arrivée au camp de Gurs,
le 21 juin de la même année. Collection FNDIRP.
La crainte d’une insurrection déclenchée à la faveur d’une attaque allemande sur Paris, conjuguée à la peur d’un coup de force imminent des communistes en direction des prisons qui détiennent massivement nombre de leurs camarades, préoccupent l’autorité militaire.
À la psychose du « putsch communiste » et de la « cinquième colonne » s’ajoute la peur des espions et des parachutistes, autant de « bonnes » raisons de vider la prison militaire de Paris de ses encombrants pensionnaires.
La décision d’évacuer la Prison militaire de Paris est prise par Georges Mandel, ministre de l’Intérieur. Le 10 juin, il charge Meyer, directeur de la Police judiciaire de la Préfecture de Police de Paris, de téléphoner l’ordre de repli « sur Orléans ». Vers 13 h. 30, le capitaine Kersaudy est prévenu qu’il lui faut se tenir prêt. Des camions doivent se présenter au Cherche-Midi, vers 15 heures. Incrédule, Kersaudy s’adresse au Bureau de la Justice militaire et demande une, confirmation écrite. Il l’obtient…
La note de service n° 18.147/JM lui enjoint de remettre les détenus aux convoyeurs. Sur un effectif de 306 détenus à la date du 10 juin, 297 quittent l’établissement, tandis que 9 restent. Deux d’entre eux sont libérables. Les sept autres sont requis pour assurer les travaux de nettoyage avant l’évacuation totale de l’établissement. Ils rejoindront le groupe à Orléans dans la nuit du 13 au 14 juin, en compagnie de deux autres détenus écroués le 11 juin et de leurs gardiens. Le groupe des 297 détenus est ainsi constitué : 48 condamnés, 198 prévenus et passagers, 4 officiers prévenus et 47 inculpés d’espionnage. Six sous-officiers du personnel de la Justice militaire accompagnent l’escorte placée sous le commandement d’un lieutenant de la Garde républicaine. Quant aux prisonniers de l’annexe de la Santé, le registre des mouvements journaliers indique qu’ils sont 1559 « sortis dans le jour », dont 8 condamnés à mort. Au total, l’exode pénitentiaire de la Prison militaire de Paris concernerait 1 865 détenus. Sur ce nombre, 1 020 seulement parviennent jusqu’au Camp de Gurs, terme de leur périple.