Autopsie du corps d’un détenu de la prison du Fort du Hâ, le 19 avril 1824

Prison du Fort du Hâ, à Bordeaux, vers 1920. Photo Panajou.

« J’ai l’honneur de vous informer que le Sieur Dazet Pierre, officier de santé, et qui avait été condamné à huit ans de travaux forcés, est décédé ce matin dans les prisons du Fort du Hà.
Ayant fait appeler le chirurgien qui le traitait depuis quelques jours pour une fluxion de poitrine, il a convenu avec moi que l’ouverture du cadavre en serait faite demain matin ; J’aurai l’honneur de vous faire part de mon rapport. Agréer Monsieur le Maire… »
Signé Mazeau, commissaire de Police chargé des prisons.

La prison du Fort du Hâ, à Bordeaux. Au premier plan, la Tour Ronde dite Tour de la Poudrière, de la Poivrière ou Tour des Minimes. En arrière-plan, la cathédrale Saint-André. Photo Panajou, publiée dans l’ouvrage de Maurice Ferrus, Un château historique : le Fort du Hâ, Feret & Fils éditeurs, Bordeaux, 1922.

Bordeaux, le 19 avril 1824 :

« Monsieur le Maire,
Comme j’ai eu l’honneur de vous le dire par ma lettre d’hier, l’ouverture du cadavre de feu Dazet a été faite ce matin en ma présence, par Messieurs Boutin et Arnauzan, médecin et chirurgien des prisons du Fort du Hà.
Ces docteurs, après avoir très scrupuleusement examiné, se sont convaincus et m’ont convaincu moi même, que le défunt était mort, par suite d’une fluxion de poitrine très grave, seule et unique cause de son décès. C’est ce que constate le rapport de ces Messieurs, signé d’eux, que je vous montrerai M. le Maire, si vous le trouvez convenable.
Agréez, Monsieur le Maire, l’assurance de mon respect. Le Commissaire de Police chargé des prisons, Mazeau. »

Lettre du Commissaire Mazeau chargé des prisons au sujet du décès de Pierre Dazet au Fort du Hâ, le 18 avril 1824.

Source : Archives municipales de Bordeaux, cote 4800, série i, Maison départementale (Fort du Hâ), Affaires générales (1806-1874).

Décès en milieu pénitentiaire et autopsies médico-légales…

L’article 84 du Code civil, en vigueur depuis le 21 mars 1803, stipule : « En cas de décès dans les prisons ou maisons de réclusion ou de détention, il en sera donné avis sur-le-champ, par les concierges ou gardiens, à l’officier de l’état civil, qui s’y transportera comme il est dit en l’article 80 , et rédigera l’acte de décès ».

L’article 74 du Code de procédure pénal, modifié par la loi n°2009-526 du 12 mai 2009, article 127, précise : « En cas de découverte d’un cadavre, qu’il s’agisse ou non d’une mort violente, mais si la cause en est inconnue ou suspecte, l’officier de police judiciaire qui en est avisé informe immédiatement le procureur de la République, se transporte sans délai sur les lieux et procède aux premières constatations. Le procureur de la République se rend sur place s’il le juge nécessaire et se fait assister de personnes capables d’apprécier la nature des circonstances du décès. Il peut, toutefois, déléguer aux mêmes fins, un officier de police judiciaire de son choix. Sauf si elles sont inscrites sur une des listes prévues à l’article 157, les personnes ainsi appelées prêtent, par écrit, serment d’apporter leur concours à la justice en leur honneur et en leur conscience. Sur instructions du procureur de la République, une enquête aux fins de recherche des causes de la mort est ouverte. Dans ce cadre et à ces fins, il peut être procédé aux actes prévus par les articles 56 à 62, dans les conditions prévues par ces dispositions. À l’issue d’un délai de huit jours à compter des instructions de ce magistrat, ces investigations peuvent se poursuivre dans les formes de l’enquête préliminaire. Le procureur de la République peut aussi requérir information pour recherche des causes de la mort. Les dispositions des quatre premiers alinéas sont également applicables en cas de découverte d’une personne grièvement blessée lorsque la cause de ses blessures est inconnue ou suspecte. »

En pratique, les décès survenus en détention font – ou plus exactement devraient faire – l’objet d’un rapport d’autopsie à la demande des parquets (articles 74 et D.282 du Code de procédure pénale). Une autopsie médico-légale est normalement pratiquée dans tous les cas de mort violente ou suspecte : homicide, mort subite inattendue, suspicion de mauvais traitements, suicide, faute médicale, maladie professionnelle, décès en détention, corps non identifié, restes squelettiques…

Pour aller plus loin, cf le site de l’AFLIDD (Association des Familles en Lutte contre l’Insécurité et les Décès en Détention) : lien

Le site du Fort du Hâ aujourd’hui :

L'École Nationale de la Magistrature à gauche, la Tour Ronde du Fort du Hâ au centre, le palais de justice à droite. Photo Jacky Tronel.

L’École Nationale de la Magistrature à gauche, la Tour Ronde du Fort du Hâ au centre, le Palais de Justice à droite.
Photo Jacky Tronel, Bordeaux, 27 août 2010.

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