« La liberté de conscience doit être respectée dans les prisons militaires… »

Le 20 juillet 1872, le Synode général de l’Église réformée de France adresse au ministère de la Guerre une requête demandant « que des mesures soient prises, pour concentrer dans un ou plusieurs pénitenciers les prisonniers militaires protestants. » Le 29 août 1873, le général François Charles du Barail, ministre de la Guerre, rappelle que « la liberté de conscience doit être respectée »

En-tête de lettre du Synode général de l'Église réformée de France du 20 juillet 1872. Concentration des prisonniers protestants dans un même pénitencier.

Source : Service Historique de la Défense – Armée de Terre, Vincennes, 3 J 13.

« …Les militaires prisonniers peuvent trouver dans la religion des consolations et des encouragements au bien que les ministres des divers cultes seraient heureux de leur apporter, arguent dans leur courrier du 20 juillet 1872 les modérateurs du Synode. La dissémination de nos coreligionnaires rend ce devoir très difficile à remplir. Leur concentration serait une mesure utile pour eux, et dont leurs pasteurs vous seraient reconnaissants… »

Si la réponse du ministre est négative, elle rappelle néanmoins certains principes élémentaires : « Les règles établies pour la répartition des détenus militaires, dans l’intérêt du service et de la bonne administration de la Justice, ne permettent pas de satisfaire au vœu que vous exprimez. Mais il est formellement prescrit de donner aux détenus appartenant aux cultes reconnus par l’État toutes les facilités nécessaires pour exercer librement la pratique de leur religion, et les ministres des différentes communions peuvent pénétrer auprès d’eux lorsqu’ils le demandent, à la seule condition de se conformer aux mesures concernant la police et la discipline de ces établissements. »

Auguste Ernest Combier, objecteur de conscience, condamné à 15 jours de cachot pour refus d’assister à la messe…

Par courrier du 13 août 1873, le sieur Devillers, « ancien employé du gouvernement demeurant à Paris, 16 rue Jean Goujon », attire l’attention du ministre de la Guerre sur un fait qui vient de se passer au pénitencier militaire du Fort de Charenton : « Dans le Pénitencier se trouve un jeune soldat, Ernest Combier, condamné à un an de prison pour refus, pour motifs religieux de conscience, de porter les armes. Ce jeune homme qui est protestant a été dernièrement condamné à 15 jours de cachot pour refus d’assister à la messe. Il est actuellement malade au Val de Grâce [hôpital militaire de la Place de Paris], par suite de son séjour dans ce cachot humide. Il va mieux et probablement sous peu sera réintégré au Pénitencier, où sans doute on voudra de nouveau l’obliger d’aller à la Messe. »
« Je viens vers vous pour vous prier, Monsieur le Ministre, d’avoir la bonté d’empêcher le retour d’un tel fait qui est contraire à la liberté de conscience. C’est bien assez pour ce jeune homme de subir sa condamnation pour refus de porter les armes, parce qu’il croit qu’en le faisant, il désobéirait à Dieu, dont la volonté pour lui passe avant toute autre. Je connais le jeune homme sur lequel je me suis entretenu cherchant à l’éclairer sur son devoir de soumission au Gouvernement. Il est digne de tout intérêt… »

Mesures générales, service religieux, bureau de la Justice militaire, 1873.

Combier est un jeune soldat de la classe 1871, condamné le 9 avril 1873 par le 18e conseil de guerre de la première division militaire à « un an d’emprisonnement pour avoir refusé d’obéir à un ordre, relatif au service, donné par son supérieur ». Le rapporteur précise : « L’esprit dans lequel est rédigé la pétition dont cet homme est l’objet, donne à penser qu’il s’agit d’un soldat indiscipliné, cherchant à se poser en victime de prétendus principes religieux ».

Dans une lettre adressée au Gouverneur militaire de Paris, le 29 août 1873, le chef du Bureau de la Justice militaire rappelle que « les détenus protestants et ceux qui professent d’autres cultes ne sont pas soumis à l’obligation d’entendre la messe et l’instruction religieuse ».

Le Ministre rajoute de sa main : « La liberté de conscience doit être respectée ».

À propos du sceau de l’Église réformée de France…

Sceau de l'Église réformée de France représentant le buisson ardent avec la mention du nom de Dieu : YHWH, Jéhovah. Ci-contre, détail de l’en-tête de lettre de l’Église réformée de France, (20 juillet 1872), dont le sceau représente le buisson ardent au milieu duquel apparaît le nom de Dieu en lettres hébraïques – le tétragramme ou tétragrammaton – généralement traduit par Yahvé, Yahweh ou Jéhovah (en français). Cet emblème, faisant référence à la révélation du nom de Dieu faite à Moïse au Sinaï (cf le récit biblique de l’Exode, chapitre 3 verset 2), symboliserait la résistance du peuple de YHWH au feu de la persécution.

Ce sceau aurait été adopté en 1559, lors du premier Synode de l’Église de la Réforme française qui s’est tenu à Paris, entouré de la devise : Flagror non consumor (Je brûle mais je ne me consume pas).

L’Église presbytérienne irlandaise utilise aussi le buisson ardent comme emblème.

La bannière de l’Ulster intègre également le buisson ardent à sa symbolique, avec la maxime latine suivante : Ardens sed virens (En train de brûler et toujours verdoyant)…

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