« Juin 1940, le grand chaos », film réalisé par Christophe Weber
Par Jacky Tronel | mercredi 9 juin 2010 | Catégorie : ACTUALITÉS, Dernières parutions | 5 commentairesLundi 14 juin 2010, à 20 h. 35, un documentaire historique de Christophe Weber sera diffusé sur France 3. Sollicité pour apporter un éclairage sur la question de l’exode de la prison militaire de Paris jusqu’au camp de Gurs, j’ai longuement évoqué avec le réalisateur l’épisode qui a suivi l’internement au camp de Cepoy (Loiret) : le repli d’une colonne de prisonniers, cheminant à pied, le long du canal du Loing puis de Briare, en direction de Montargis ; repli au cours duquel plusieurs détenus ne pouvant suivre ont été exécutés sur place par les gardes mobiles et les coloniaux qui encadraient les prisonniers. Parmi eux, le comte Thierry de Ludre…
Synopsis
À partir du 10 mai 1940, la France vit l’une des plus grandes catastrophes de son histoire. En quelques semaines, le pays plie, puis s’écroule devant l’attaque de l’Allemagne nazie. En juin 1940, chaque jour est une tragédie. Pour la première fois, grâce à des révélations historiques, à de nombreuses images et documents inconnus et à des scènes reconstituées, ce film raconte les incroyables histoires des hommes et des femmes pris dans la tourmente de ce grand chaos : les centaines de milliers de soldats fait prisonniers et ceux qui continuent à se battre avec acharnement jusqu’au bout ; le massacre de milliers de soldats indigènes et les exactions contre les prisonniers de guerre et les populations civiles par l’armée allemande ; les vagues de suicides dans une population désespérée qui envahit les routes ; les premiers actes de résistance comme celui de Jean Moulin ; les rivalités politiques au sein du gouvernement français ; l’espoir d’un certain général de Gaulle parti à Londres pour négocier l’aide militaire de Churchill…
Entretien avec Christophe Weber
En juin 40, la France subit en quelques semaines le délitement de ses institutions, de ses élites et de ses populations. Sur chaque évènement clef de cette période tragique, Le grand chaos apporte des éclairages nouveaux, grâce à des documents peu connus ou inédits. Christophe Weber, auteur et réalisateur du film, nous présente cet incroyable travail de recherches et de reconstitutions. »
Inédits – « Jusqu’à présent, juin 40 est évoqué à travers l’exode, l’effondrement politique et militaire, et l’appel du 18 juin. Tous ces évènements seront, bien entendu, évoqués dans ce documentaire. Nous avons exploré de nouveaux champs historiques avec l’appui de notre conseiller historique, Fabrice Virgili. »
L’effondrement « En juin 40, le naufrage est aussi rapide qu’inattendu. Rendez-vous compte : la France, considérée comme l’une des premières puissances militaires mondiales, s’écroule en quelques semaines. Jamais, dans son histoire contemporaine, notre pays ne s’était fait laminer de cette manière. »
L’exode – « Nous racontons qu’il y avait sur les routes, des milliers de taulards et de malades mentaux, puisque les prisons comme les hôpitaux avaient été évacués. Certains décèdent, faute de soins. Des malfrats se font la belle. D’autres auront un destin tragique. Les gendarmes mobiles qui escortent les convois de taulards ont en effet la consigne d’éliminer sur place ceux qui tirent au flanc, ou sont déjà au bord de l’épuisement… Nous avons ainsi localisé une affaire, près de Montargis, où, en l’espace de deux jours, 13 personnes ont été exécutées sur le bord de la route. »
Assassinats de prisonniers – « Nous avons le sentiment que les troupes allemandes veulent concasser l’histoire, comme si elles cherchaient à effacer les symboles de la défaite de 14-18. Les campagnes d’assassinats de prisonniers de guerre français, britanniques et indigènes, par les troupes nazies, font partie de ces règlements de compte . Nous apportons les preuves que, entre mai et juin 40, la Wehrmacht a notamment humilié et assassiné des milliers de tirailleurs sénégalais. »
Suicides – « L’un des faits majeurs de juin 40 reste l’entrée des Allemands dans Paris. Médiatiquement, cette invasion est la preuve, pour le monde entier, que notre pays est fichu. Le public américain peut voir, par exemple, dans la presse comme au cinéma, le désastre que subit la France. Désespérés, des Parisiens décident alors de mettre fin à leurs jours. Nous évoquons trois exemples précis. Des suicides ont aussi lieu sur les routes de l’exode. Des rumeurs circulent. Outre les massacres de prisonniers, les soldats allemands sont soupçonnés de violer les femmes et de tuer des enfants. A la vue des troupes allemandes, des hommes et des femmes se donnent la mort. »
Actes de bravoure – « En juin, des millions de personnes sont confrontées à des choix immédiats. Faut-il fuir ou rester sur place ? Le 17 juin, Pétain annonce que la France doit cesser le combat. Il espère un armistice honorable . Préfet de Chartres, Jean Moulin choisit de rester à son poste. Il est convoqué par les Allemands qui exigent qu’il signe un document, attestant que les troupes sénégalaises ont massacré des civils français. Les responsables sont les soldats allemands et Jean Moulin le sait. Il refuse catégoriquement de signer. Il est alors emprisonné et torturé. Dans la nuit du 17 au 18 juin, il tente de se suicider en se tranchant la gorge avec un morceau de verre. Au petit matin, il est sauvé in extremis par ses gardiens. Nous disposons de deux photos où il est exhibé, un pansement sur le cou. Outre l’appel du 18 juin de Charles de Gaulle, nous saluons aussi l’initiative du consul du Portugal, à Bordeaux. Il a reçu, du gouvernement de Salazar, l’ordre de n’accorder aucun visa à tout individu indésirable . Ce haut fonctionnaire décide de désobéir aux consignes et accorde, en quelques jours, 30 000 visas à des réfugiés politiques (dont 10 000 juifs). »
L’île de Sein : un quart de la France – « Des actes courageux ont aussi été collectifs, à l’image de celui des marins de l’île de Sein. Ils étaient 1400 habitants à l’époque. A la suite du second appel de De Gaulle, le 22 juin, 126 hommes (le plus jeune a 14 ans), embarquent les 24 et 26 juin pour l’Angleterre. Ces Senans représentent près de 25% des Français arrivés à Londres, ce qui fera dire à de Gaulle : L’île de Sein est le quart de la France . »
Prémisses de la collaboration. Certains tournent leur veste. Dès le début du mois de juin, il existe au sein du gouvernement français, des rivalités politiques. D’un côté, ceux qui veulent l’ armistice et de l’autre, ceux qui veulent à tout prix continuer la lutte. Ainsi le maréchal Pétain et le général Weygand s’opposent à Paul Reynaud et au tout nouveau sous-secrétaire d’Etat à la guerre, Charles de Gaulle.
Émotion – « Plusieurs histoires m’ont particulièrement bouleversé : l’ampleur des humiliations et des massacres subis par les soldats indigènes, notamment les africains ; les suicides de nombreux militaires et civils ; les dizaines de milliers d’enfants disparus pendant l’exode ; enfin, les actes héroïques de certains militaires français, même après l’armistice. »
Générique : Un documentaire de Christophe Weber Produit par CC&C Louis Vaudeville et Boréales, avec la participation de France Télévisions Unité documentaires de France Télévisions : Patricia Boutinard-Rouelle, Dana Hastier, Clémence Coppey Durée : 90’
Un documentaire très décevant, décousu, s’intéressant surtout à la petite histoire et pas à la grande, donnant ainsi une importance disproportionnée à certains évènements pour en passer d’autres sous silence.
Au final qu’en retiens t’on ?
Difficile à dire, certes on s’intéresse au sort de ces familles jetées sur les routes, de ces soldats sacrifiés dans un combat inégale, mais on ne comprend pas bien en quoi il est réjouissant de regarder un équipage écraser des civils berlinois sous les bombes incendiaires.
Ce documentaire, loin des enquêtes précises, équilibrées et justes proposées par la BBC sonne d’avantage comme un appel à la vengeance que comme un document d’information, oubliant pour beaucoup au passage les responsabilités françaises de cette catastrophe historique.
C’était un projet ambitieux, trop sans doute pour un seul 90 minutes ! On peut en effet faire le reproche au documentariste, Christophe Weber, ainsi qu’à son conseiller historique, Fabrice Virgili, d’avoir voulu aborder trop de petites histoires pour éclairer la grande. Cet « effet patchwork », un peu déroutant, l’était tout autant que les reconstitutions intercalées entre les documents d’archives… sans compter quelques approximations et oublis. Ceci dit, le grand mérite de ce documentaire a été, me semble-t-il, de révéler au grand public, mais aussi à de nombreux historiens, j’en suis sûr, des aspects de l’exode pratiquement méconnus… pour n’en citer qu’un, objet de mes recherches : l’exode pénitentiaire et l’exécution sommaire de prisonniers au cours du repli, dans la région de Montargis, (même si la reconstitution est fautive…). Les auteurs ont fait œuvre utile en sortant de l’ombre des sujets qui, tous autant qu’ils sont, mériteraient développement. Je n’y ai pas vu l’appel à la vengeance dont vous parlez. Et quant au bombardement par un équipage français auquel vous faites référence, c’était le bombardement d’objectifs ciblés, s’agissant des usines Henkel situées dans la banlieue de Berlin, et non du bombardement aveugle de populations civiles. L’Histoire reste encore a dépoussiérer. En dépit de ces imperfections, le documentaire de Christophe Weber allait dans ce sens… à mon avis !
Constitué d’un mélange d’images d’archives et de reconstituions, ce documentaire nous permet de bien comprendre l’ambiance qui régnait en France, avant et pendant l’invasion : malgré la victoire de 1918, la France est à genoux, exsangue, plus personne ne désire se battre encore, tout le monde crie « plus jamais ça ! » et le pacifisme devient la valeur politique cardinale, car la moitié du corps électoral français est composé de vétérans de la Grande Guerre, traumatisés par la violence des combats.
L’armée française était considérée comme la première du monde, mais le cœur n’y était plus, plus personne ne voulait se battre encore. La doctrine pacifique orienta l’évolution de l’armée vers un ralentissement de sa modernisation et une stratégie exclusivement défensive, incarnée par la ligne Maginot. Maginot lui-même dira « Il vaut mieux opposer à l’ennemi un mur de béton plutôt qu’un mur de poitrines », résumant ainsi l’ambiance qui régnait à l’époque, consécutive du traumatisme de la Grande Guerre. Cet état d’esprit sera fatal pour la France et son armée…
Mais qu’auriez-vous fait à l’époque, à la place de tous ces Français, meurtris par la guerre et affaiblis par la dépression économique ? Auriez-vous eu le goût des combats et des actions héroïques ? La majorité des gens étaient pacifistes !
Comment auriez-vous réagi quand Pétain appelait à l’arrêt des combats et proposait une paix que tout les Français réclamaient en cœur ? Auriez-vous décidé de jouer les héros, faire la Résistance et de prendre le maquis ? Comment auriez-vous réagi face à une telle situation de crise ? Et si ça recommençait demain, que feriez-vous ?
Aussi, les militaires français étaient très divisés sur la question : fallait il obéir et suivre les ordres du Maréchal Pétain, héros de la Grande Guerre et proposant un slogan très séduisant pour les militaires : travail, famille, patrie ? Ou fallait-il désobéir et suivre le général félon, de Gaulle, en continuant un combat dont l’issue était incertaine ?
La force de ce documentaire (téléchargeable ici : http://www.imineo.com/documentaires/histoire/seconde-guerre-mondiale/juin-1940-grand-chaos-video-12299.htm) est de nous faire comprendre l’ambiance générale, l’opinion dominante régnant en France, menant le pays à la débâcle. De nombreuses personnes se suicident à l’arrivée des Allemands.
On nous montre aussi le courage et l’honneur des Africains, combattant pour la France, mais surtout et avant tout pour l’Humanité. J’ai encore en mémoire l’exemple de ce jeune officier Français anonyme risquant sa vie pour s’opposer à l’exécution de ses camarades Sénégalais par les Allemands, et obtenant finalement gain de cause !
Alors que feriez-vous dans une telle situation de crise ? Sauveriez-vous votre peau ou votre honneur ?
C’est un très bon film… Il évoque bien la France pendant et après l’invasion des troupes allemandes. C’est super d’avoir des films de ce genre. Cela change des autres films qui traitent de la guerre dans son ensemble. Au moins celui-là traite d’un thème spécifique, ce qui nous permet de mieux et bien comprendre quelques évènements de la dernière guerre et d’avoir ainsi un meilleur aperçu de ce conflit.
4 janvier 2015
Venant de revoir « Juin 1940, le grand chaos », film réalisé par Christophe Weber, une chose me gêne à chaque fois. Le film fait allusion avec justesse à la débâcle de la classe politique et militaire, des oppositions des deux. Mais concernant la question des pleins pouvoirs à Pétain, il n’est pas signalé et ce n’est pas le seul documentaire à le faire, il n’est pas signalé qui a voté les pleins pouvoirs, quelle formation politique, et dans chaque, combien se sont abstenus ou voter contre. Or, l’on sait que beaucoup feront partie de la 4e République et ne seront jamais inquiétés sur leur participation à l’élection de Pétain. Pourquoi toujours ce silence. De même, il n’est pas indiqué que juste avant l’arrivée des Allemands à Paris, la justice et la police prirent des positions différentes quant aux dossiers, fichiers, fiches de renseignements, casiers judiciaires dont se servirent les autorités allemandes pour poursuivre nombre de personnes ou en recruter. Pourquoi aussi cette absence,
Enfin concernant la débâcle, il serait important au moins de faire référence au livre d’un des plus grands historiens français, Marc Bloch, « L’étrange défaite », rapportant l’esprit capitulard ou pro-allemand d’une partie de l’état-major.
Certes, il faut faire des choix, mais ces éléments éclairent les mobiles de ce qu’un historien, Claude Quétel a appelé « L’impardonnable défaite ».
Ce documentaire est un précieux document sur la débâcle, et le rappel de figures résistantes dès les premiers jours au prix de leur vie.
Merci