« Qui sauve une vie sauve le monde entier » – MARGA : un film de Ludi Boeken

Affiche du film Marga du réalisateur Ludi Boeken, sortie le 16 juin 2010.

J’ai souhaité que Marga ne soit pas seulement une pierre ajoutée au monument de la mémoire et un exemple universel pour notre génération et celles à venir, mais aussi une illustration de ces mots, “Qui sauve une vie, sauve le monde entier”, inscrits sur la médaille des Justes de Yad Vashem à Jérusalem que les paysans Aschoff, Pentrop, Silkenbömer, Sickmann et Südfeld ont reçu à la demande de la famille Spiegel.
(…) Beaucoup préfèrent croire encore que rien de tel n’était possible dans l’Allemagne nazie. Que l’acte de résistance était impossible et donc inutile. Et justifier ainsi que ceux qui n’ont rien fait ne sont coupables de rien.

LUDI BOEKEN, réalisateur du film Marga, sorti au cinéma le 16 juin 2010.

Photo extraite du film Marga de Ludi Boeken, juin 2010.

Anni Aschoff (Lia Hoensbroech), Karin Spiegel ( Luisa Mix) et sa mère Marga Spiegel (Veronica Ferres).

La famille Spiegel à la recherche d'un refuge, scène du film Marga.

La famille Spiegel en quête d’un refuge…

Avant-propos

MARGA repose sur les mémoires de Marga Spiegel publiées en 1965 et intitulées Retter in der Nacht (littéralement : Sauveurs dans la nuit). Elle y raconte comment des fermiers du sud du Münsterland les ont cachés elle, son mari Siegmund (nommé Menne) et leur fille Karin de 1943 à 1945, les sauvant ainsi d’une déportation inéluctable vers les camps d’extermination.

À Yad Vashem (Musée et Mémorial de la Shoah à Jérusalem), les noms des fermiers Heinrich Aschoff, Hubert Pentrop, Bernhard Südfeld, Heinrich Silkenböhmer et Bernhard Sickmann ont été immortalisés.

Synopsis

Au début de l’année 1943, Menne Spiegel, un marchand de chevaux vétéran de la Première Guerre mondiale, cherche désespérément un endroit pour cacher sa femme Marga et sa fille Karin. Heinrich Aschoff, patriote allemand, membre du Parti Nazi et père d’un soldat de la Wehrmacht n’hésite pas un instant à cacher Menne et sa famille, au péril de sa vie.

Frau Aschoff (Margarita Broich) attend l'arrivée de la famille Spiegel dans la ferme.

Note d’intention du réalisateur

J’ai eu le privilège d’avoir connu personnellement certains des héros qui ont risqué leur vie pour sauver des Juifs pendant la Seconde Guerre Mondiale : sauveurs français, belges, hollandais, serbes ou grecs ; hommes et femmes ordinaires qui ont risqué leur vie et mis en danger leur famille, leur rue, leur village, leur communauté en faisant juste ce qui leur paraissait évident, moral, logique.
La grande différence entre les héros que j’ai pu rencontrer dans ma jeunesse, les sauveurs de ma famille, et les paysans de Westphalie qui sont au cœur de ce film c’est qu’eux étaient Allemands. Des Allemands dans une Allemagne nazie en pleine guerre, et non pas des habitants d’un pays occupé par un ennemi étranger. Ces familles allemandes traditionnelles croyaient ce qu’on leur racontait sur les ondes de la radio nationale, pleuraient leurs soldats tombés, adhéraient à une lutte nationale qu’ils trouvaient juste. Ces paysans-là ont eu le courage, sans discours politique, sans idéologie ni soutien de personne, de dire « Non ». Simplement « Non ». Il ne s’agit évidemment pas – loin de là – de laver la culpabilité d’une grande partie de la nation allemande en suggérant que le bien fait par quelques-uns pourrait à jamais excuser le mal absolu que tant d’autres ont, de manière silencieuse, laissé se produire souvent sous leurs yeux, mais de montrer que nul n’était forcé d’obéir à la lâcheté et à la folie.

Scène du film Marga, dans la cuisine de la ferme des Aschoff.

La critique est partagée…

Thomas Sotinel du journal Le Monde : Le réalisateur néerlandais Ludi Boekens a fait un film qui tombe dans tous les pièges que lui tend cette situation exceptionnelle [… et] l’amène à traiter cette histoire comme n’importe quel acte de défiance face à l’autorité, mélangeant suspense et moments de détente, se contentant de brosser à grands traits la vie quotidienne dans une campagne allemande sous le IIIe Reich. Or l’histoire de la famille Spiegel aurait eu besoin de profondeur de champ, d’être intelligemment inscrite dans cette gigantesque tragédie, au lieu d’être traitée sur le mode de l’anecdote.

À l’inverse, François Forestier, de l’hebdomadaire Le Nouvel Observateur estime que le film […] évite le pathos, la manipulation des sentiments. Il raconte, modestement, ce qui s’est passé. Et c’est cette modestie même qui fait son prix.
« Ce n’est pas une épopée ni une saga », dit Boeken. Et quand on demande aux sauveurs quelle a été leur motivation, ils répondent : « On a fait ce que tout le monde aurait fait. » Oui, sauf que personne (ou presque) ne l’a fait. A la fin de « Marga », voici la vraie Marga Spiegel, frêle et rieuse, bavardant avec son amie de toujours, Anni Aschoff, celle qui l’a hébergée. Deux vieilles dames, amusées de voir un tournage, entourées de techniciens et d’acteurs chaleureux. Elles s’asseyent sur des chaises en toile, demandent si « la scène avec les Américains a été tournée », et la caméra, en douce, zoome sur les accoudoirs. Les deux amies se tiennent par la main. Je vous défie, à ce moment-là, de ne pas avoir la gorge serrée.

Marga Spiegel (Veronica Ferres) héroïne du film de Ludi Boeken, Marga, juin 2010

L’accueil du public

Le public a mieux accueilli le film que la critique ne l’a fait, ce qui montre qu’il s’agit davantage d’un film grand public que d’un film « intello ».
Cela étant dit, certains ont fait grief au réalisateur d’avoir manqué d’audace et de qualités artistiques. Si l’on peut faire le reproche à Ludi Boeken d’avoir trop « retenu » sa caméra, ce qui tend à « lisser le film »… la retenue dans le pathos, la pudeur et la simplicité avec laquelle les scènes ont été tournées, la sobriété dans le jeu des acteurs… tout contribue malgré tout à faire de ce film un bon film. La forme ne trahit pas le fond, et c’est bien là l’essentiel.
« Cette admirable fresque des années brunes nous montre une réalité discrète et magnifique : comment des petites gens, au-delà de toute considération politique, ont choisi d’ouvrir leurs portes aux Juifs pourchassés. Peu importe d’où ils viennent puisqu’on sait où ils vont… »
Dan Frank, écrivain et scénariste.

Ludi Boeken, réalisateur de Marga

Fils de résistants hollandais, Ludi Boeken a été correspondant télé à Tel-Aviv, a signé pour la BBC «Qui a tué Georgi Markov ?» (1981) et a produit plusieurs films, notamment «Train de vie» de Radu Mihaileanu.
Il prépare «Un mec sympa», d’après un roman de Laurent Chalumeau.

Les photos qui illustrent cet article sont tirées du dossier de presse, accessible sur le site de Zootrope Films

Pour en savoir plus, se rendre sur le site officiel…

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