Grégoire Korganow, « Prisons – 67065 » : exposition photo

Grégoire KORGANOW, « Prisons 67065 » : une exposition photographique à la MEP

67 065 est le nombre de détenus en France au 1er janvier 2014.
 Comment photographier la prison ? Comment restituer en image l’enfermement, la contrainte, la séparation, l’arbitraire ?
 Au-delà des barreaux, des cellules exiguës et sombres, des couloirs interminables, des cours de promenade austères, la réalité de la prison relève de la sensation : odeurs, bruit permanent, monotonie, ennui, violence…

« La prison nourrit le fantasme. Parfois la réalité est plus banale qu’on ne l’imagine. L’horreur de l’incarcération se joue sur d’infimes choses, transformant le quotidien en cauchemar : les portes fermées des cellules en permanence, la solitude, la peur de la promenade où tout peut arriver, le temps passé à ne rien faire, des journées, des semaines, des mois vides. »

Du 4 février au 5 avril 2015, la Maison Européenne de la Photographie (5/7 rue de Fourcy – 75004 Paris) présente ce travail photographique réalisé dans une vingtaine de prisons françaises. Sans pathos et loin de l’aspect anecdotique de l’histoire personnelle, c’est un travail à la fois sensoriel et très précis sur l’enfermement que nous livre Grégoire Korganow.

Témoignage…

« En 2010, je réalise mes premières photographies dans les prisons françaises pour le film de Stéphane Mercurio, À l’ombre de la République (production Iskra). Je rencontre alors le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, Jean Marie Delarue. De janvier 2011 à janvier 2014, je pénètre au cœur de l’enfermement en France. Je visite près d’une vingtaine d’établissements pénitenciers. Je reste entre cinq et dix jours dans chaque prison. Je peux tout photographier, l’intérieur des cellules, la cour de promenade, les parloirs, les douches, le mitard (quartier disciplinaire)… Le jour, la nuit. Aucun lieu ne m’est interdit.

La prison, espace inaccessible au regard, suscite le fantasme. La réalité que j’y ai éprouvée est peu spectaculaire. L’enfer de l’incarcération tient beaucoup à l’accumulation et la répétition de traitements indignes qui transforment l’ordinaire en cauchemar : les règles avilissantes, la solitude, la promiscuité, l’insalubrité, le désoeuvrement, l’inconfort… À cela s’ajoute la violence qui s’exerce dans les zones d’ombre et les cours de promenade. C’est cette intimité de l’enfermement que je cherche à photographier en couleur, de façon frontale, directe, sans effet. Je ne m’attache pas à une action ou à une anecdote. Je procède par petites touches, je m’imprègne de la géographie des lieux, de la lumière, des sons, des récits des détenus…

Je saisis l’indicible, le temps qui s’arrête, la vie qui rétrécit, qui s’efface. Je ne montre aucun visage. Je ne raconte pas d’histoire. Je m’en tiens au traitement des individus et de leur intégrité. Je m’en tiens à ce que la spatialité, les mouvements, les postures, les marques corporelles révèlent de la condition carcérale aujourd’hui. C’est cette réalité de l’enfermement que je veux photographier, loin des clichés, des images chocs. Je veux saisir l’indicible, le temps qui s’arrête, la vie qui rétrécit, qui s’efface. »

Exposition photographique :

Grégoire KORGANOW, « Prisons 67065 » : une exposition photographique à la MEP, 2015

Grégoire KORGANOW, « Prisons 67065 » : une exposition photographique à la MEP, 2015

Grégoire KORGANOW, « Prisons 67065 » : une exposition photographique à la MEP, 2015.

Grégoire KORGANOW, « Prisons 67065 » : une exposition photographique à la MEP, 2015.

Grégoire KORGANOW, « Prisons 67065 » : une exposition photographique à la MEP, 2015.

Grégoire KORGANOW, « Prisons 67065 » : une exposition photographique à la MEP, 2015.

Grégoire KORGANOW, « Prisons 67065 » : une exposition photographique à la MEP, 2015.

Grégoire KORGANOW, « Prisons 67065 » : une exposition photographique à la MEP, 2015.

Grégoire KORGANOW, « Prisons 67065 » : une exposition photographique à la MEP, 2015.

Grégoire KORGANOW, « Prisons 67065 » : une exposition photographique à la MEP, 2015.

Grégoire KORGANOW, « Prisons 67065 » : une exposition photographique à la MEP, 2015.

Grégoire KORGANOW, « Prisons 67065 » : une exposition photographique à la MEP, 2015.

Grégoire KORGANOW, « Prisons 67065 » : une exposition photographique à la MEP, 2015.

Grégoire KORGANOW, « Prisons 67065 » : une exposition photographique à la MEP, 2015.

Grégoire KORGANOW, « Prisons 67065 » : une exposition photographique à la MEP, 2015.

Grégoire KORGANOW, « Prisons 67065 » : une exposition photographique à la MEP, 2015.

Grégoire KORGANOW, « Prisons 67065 » : une exposition photographique à la MEP, 2015.

Grégoire KORGANOW, « Prisons 67065 » : une exposition photographique à la MEP, 2015.

Grégoire KORGANOW, photographe

Biographie de Grégoire Korganow

Diplômé des Arts Appliqués à l’école Estienne à Paris, Grégoire Korganow débute la photographie à 23 ans. En 1991, il part suivre les mutations de l’ancien bloc soviétique. Ce voyage initiatique scelle sa vocation et donne lieu à sa première exposition. En 1993, Libération publie ses images des émeutes de la Goutte d’or à Paris. C’est le début d’une collaboration qui dure plus de 10 ans. Cette visibilité lui donne accès à des publications dans de nombreux titres français et étrangers : L’Express, Télérama, Marie Claire, Géo, National Geographic, The New York Times… Il devient membre de l’Agence Métis dès 1998, puis de Rapho en 2002. Il alterne séries personnelles et travaux de commande. Photographe engagé dans le réel, il prend le parti des opprimés, des invisibles — les mal-logés (1994), les sans-papiers (1995), les indiens Mapuche du Chili (« Révoltes » 2003), les victimes irakiennes (« Gueules cassées » 2010), les alcooliques (2011)… — et tente de donner à ressentir leur condition.

Attiré par le hors champ, il photographie les coulisses de l’élection présidentielle de 2002, des tournages de films X (« Hardcorps » 2003) ou de défilés de mode (« Coulisses » de 2002 à 2008). Voyageur, il sillonne la Patagonie sur les traces des écrivains Luis Sepulveda et Francisco Coloane et « Patagonie, histoires du bout du monde » est publié aux éditions Solar (2003). Il déambule dans les rues de Tokyo en quête de rencontres improbables et crée « Lost in Tokyo » en 2005. Christian Lacroix l’invite aux Rencontres photographiques d’Arles en 2008 avec « Coulisses » et « A côté », un travail sur la vie chaotique des familles de détenus. Parallèlement, il réalise des portraits de pères avec leur fils, un travail intime sur le temps, l’hérédité, la fragilité des corps. « Père et fils » est exposé depuis 2010 en France et à l’international. Entre 2011 et 2014, il réalise, en qualité de photographe du Contrôleur des Lieux de Privation de Liberté « Prisons », une série sur l’enfermement en France. En 2014, Jean-Paul Montanari l’invite à photographier et exposer la danse en creux sur le corps arrêté des interprètes en « Sortie de scène » pour le Festival Montpellier Danse.

Livre "Prisons 67065" aux éditions Neus, Grégoire Korganow

Grégoire Korganow s’intéresse aussi aux supports de diffusion des images. Les différentes expositions, évidemment. La presse, naturellement, et en 2001, il participe à la création du magazine photo de l’air. L’édition, aussi : de 1998 à 2003, il crée et dirige notamment la collection de livres photographiques Avoir 20 ans, aux éditions Alternative. Les films, enfin : passionné de cinéma, il s’associe, aux réalisateurs Stéphane Mercurio et Christophe Otzenberger et crée les images de séquences photographiques de leurs films documentaires. Il réalise actuellement une collection de films courts, à l’écriture volontairement laissée libre, « Les Chroniques dansées », sur la danse du chorégraphe Sylvain Groud auprès des corps fragiles.

Il enseigne enfin en 2012 la photographie à la Faculté Paris 1 et donne régulièrement des ateliers pratiques aux Rencontres photographiques d’Arles.

Grégoire Korganow conçoit ses images comme une invitation à regarder les failles, les apories, les désordres contemporains. Il s’intéresse au hors champ, à l’infime. Le corps, ses stigmates et ses métamorphoses sociales occupent une place centrale dans son œuvre. Sa forme est instable et volontairement permissive, inclusive. L’immersion et l’expérimentation déterminent le dispositif. C’est pour lui la condition d’une image précise et suggestive. Il préfère à une forme manifeste, une photographie plus ambiguë et fragile qui laisse le spectateur libre de ses opinions, de son parcours.

Sources :

Site officiel de l’auteur : lien
Site de la Maison Européenne de la Photographie : lien
Le livre : lien

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