Le Sablou, camp d’internement pour “indésirables français” en Dordogne
Par Jacky Tronel | lundi 6 décembre 2010 | Catégorie : Dernières parutions, DES CAMPS… | 4 commentairesLa politique de répression mise en place par la IIIe République à l’encontre des individus jugés “dangereux pour la défense nationale ou la sécurité publique” se traduit par la création de “centres de séjour surveillé pour indésirables”. En Dordogne, le Camp du château du Sablou est créé.
Du 17 janvier au 30 décembre 1940, trois à quatre cents « politiques »
y sont internés, “par mesure administrative”.
Une législation d’exception à caractère liberticide…
Le décret-loi du 12 novembre 1938 relatif à “la situation et à la police des étrangers” statue sur le cas de ces “indésirables étrangers” dont il est “indispensable d’assurer l’élimination […] en raison de leur activité dangereuse pour la sécurité nationale”. En vue de leur internement, des “centres spéciaux de rassemblement” sont créés. Le premier d’entre eux, celui de Rieucros, situé près de Mende (Lozère), ouvre le 21 janvier 1939. Des dizaines de milliers d’étrangers y sont détenues, Espagnols d’abord puis, sous Vichy, Juifs allemands, Autrichiens, Polonais et Français.
L’entrée en guerre conduit le gouvernement Daladier à renforcer la surveillance des milieux politiques considérés comme subversifs et à étendre la procédure d’internement à tout individu, étranger ou non, suspecté de porter atteinte à la défense nationale ou à la sécurité publique.
Avec le décret-loi du 18 novembre 1939, une nouvelle étape est franchie dans la répression : « Les individus dangereux pour la défense nationale ou pour la sécurité publique peuvent, sur décision du préfet, être éloignés par l’autorité militaire des lieux où ils résident et, en cas de nécessité, être astreints à résider dans un centre désigné par décision du ministre de la Défense nationale et de la Guerre et du ministre de l’Intérieur ». Cette mesure vise principalement les militants et sympathisants communistes ainsi que les “ressortissants de puissances ennemies”.
Le château du Sablou a été bâti au XVIIIe siècle, sur une terrasse rocheuse émergeant de la forêt, face au village de Fanlac, village connu pour Jacquou le Croquant, héros du célèbre roman d’Eugène Le Roy. La réquisition du lieu par le préfet s’explique par l’isolement de cette propriété de 130 hectares : c’est un endroit sûr pour « parquer » des détenus sans éveiller curiosité ni soupçons.
Parmi les internés figure le groupe de Périgourdins ci-dessus, photographié en juillet 1940.
Le commandement
Le camp du Château du Sablou a été créé le 17 janvier 1940, par note n° 205/2 du Général commandant la 19e Région. Du 17 janvier au 20 juin 1940, le commandement est placé sous l’autorité du capitaine Saule. De fin juin à début novembre, le capitaine Daguet assure la direction du camp. Il est remplacé le 5 novembre par le commissaire spécial Antz qui commande le camp jusqu’à sa fermeture, le 30 décembre 1940.
Sous le commandement du capitaine Saule, le service de garde est assuré par quatre sous-officiers, quatre brigadiers, quarante hommes – des gardes mobiles ainsi que des tirailleurs sénégalais. Interné au Sablou au mois de mai, Alphonse Martin raconte comment le capitaine Saule, voulant donner des leçons de patriotisme, brime et insulte les détenus. André Moine, “ouvrier métallo” et dirigeant communiste, brosse ce portrait du capitaine Saule : « C’était un ancien officier de carrière, il n’avait rien d’un tortionnaire, mais tout d’une vieille culotte de peau ».
Le capitaine Daguet qui lui succède laisse un meilleur souvenir. Le personnel d’administration, d’encadrement et de surveillance dont dispose l’autorité militaire sous le commandement du capitaine Daguet, est ainsi réparti…. L’administration : 1 lieutenant-médecin, 1 sous-lieutenant adjoint au commandant, 1 adjudant-chef faisant fonction d’officier de détail, 3 sergents-chefs (comptabilité, ravitaillement, vaguemestre) ; l’encadrement et divers : 2 adjudants-chefs, 3 sous-officiers, 1 caporal d’ordinaire, 6 démobilisés (chauffeur, palefreniers, téléphoniste…) ; la surveillance : un détachement du 41e régiment d’infanterie, composé de 40 hommes (officiers et gradés compris).
Jusqu’au 31 octobre 1940, la garde du camp est sous contrôle du ministère de la Guerre. Conformément à la loi du 17 novembre 1940 relative à la surveillance des camps, la surveillance du centre de séjour surveillé du Sablou passe au Ministère de l’Intérieur (Direction générale de la Sûreté nationale).
Le 31 octobre 1940, le commissaire spécial Antz prend la direction du camp. Sur un effectif de 273 internés, douze sont hospitalisés à Périgueux ou dans d’autres établissements, un en permission régulière, tandis que manquent 18 surveillés dont l’évasion se serait produite à la fin du mois d’octobre.
Le 8 novembre 1940, deux pelotons de gendarmerie sont envoyés au Sablou pour en assurer la surveillance. Ils sont commandés par le lieutenant Theret et viennent en remplacement du détachement du 41e RI qui assurait la garde jusqu’alors. Les conditions d’installation sont précaires. Le commissaire Antz s’en ouvre au commandant militaire de Périgueux : « L’installation des gendarmes serait grandement améliorée par la mise à disposition du camp de cinquante lits en fer avec literie militaire normale (matelas) et de quinze nécessaires de toilette pour sous-officiers (table, cuvette, broc et seau). Par ailleurs, je me permets de rappeler qu’il n’y a aucun WC pour les sous-officiers de la Gendarmerie et seulement un wc, très rudimentaire, pour le personnel d’administration et de direction (la demande d’installation en a été faite il y a quelques jours) et que l’appareil de douches promis au camp n’a toujours pas été installé ».
Physionomie de la population internée
Le camp du Sablou est principalement “réservé aux communistes français et aux Alsaciens autonomistes”, indique le chef d’état-major de la 12e région militaire, à Limoges. Le préfet de la Dordogne précise que sont internés au Sablou “les Indésirables Français des 9e et 12e régions militaires [Poitiers et Limoges]”.
Le 4 février 1941, le colonel Blasselle, commandant militaire à Périgueux, établit la liste nominative des internés par arrêté du préfet de la Dordogne. 33 “indésirables” sont cités. Sur le nombre, il y a 25 communistes (76 %). Une note des Renseignements généraux de Périgueux, du 29 avril 1943, donne une idée de l’ampleur des mesures de répression qui, en Dordogne, ont touché les communistes : « Après la dissolution du parti communiste en septembre 1939, son activité se trouve paralysée à la suite des mesures suivantes : les dirigeants et militants les plus en vue sont internés au centre de séjour surveillé au Château du Sablou (environ 24) ; d’autres sont affectés à des compagnies spéciales, certains militants actifs, employés de la SNCF, sont déplacés ».
Pour ce qui est des “Alsaciens autonomistes”, un rapport du 16 juillet 1940 rédigé par les commissaires spéciaux Montabre et Mann, de Périgueux, signale la présence de 21 “réfugiés d’Alsace-Lorraine internés au château du Sablou”, qui tous expriment le désir de retourner chez eux et se disent prêts à subir le sort de leur pays. Se trouve parmi eux l’inspecteur des douanes allemandes en retraite Émile Fanger, qui “possède la nationalité allemande”. Lothar Kubel, quant à lui, “désire redevenir Allemand”. René Schwob, Charles Walter et Albert Baumgartner souhaitent devenir Allemand. Aloïs Barth “autonomiste (…) demande à retourner en Alsace et devenir Allemand plutôt que de rester citoyen français”. Émile Laplume et Pierre Oberweis (71 ans), de nationalité luxembourgeoise, demandent à retourner dans leur pays. Rodolphe Badermann, dentiste du Bas-Rhin, “demande à rester Français et si l’Alsace redevient allemande, à retourner en Amérique”. Alfred Daul, “ex-député du Parti communiste du Bas-Rhin, démissionnaire du Groupe ouvrier et paysan français (…) demande à rester Français, et dans le cas où l’Alsace redeviendra allemande, il décidera”.
Un nombre significatif de ces réfugiés est encore présent au Sablou le 9 août 1940. L’un d’eux, Otto Baron, a déjà été jugé et condamné à cinq ans de prison pour “propos anti-français”.
Les autres internés le sont en qualité de “suspects au point de vue national”, pour avoir tenu des “propos communistes, antinationaux, autonomistes, défaitistes et anti-français”, ou encore pour avoir nourri des “sentiments anti-français”.
Parmi les internés du Sablou se trouvent quelques militaires démobilisés issus des “compagnies spéciales de travailleurs militaires”. Dans ces compagnies avaient été versés les radiés d’affectation spéciale, mobilisés à l’arrière pour participer à l’effort de guerre. « Démobilisés en juillet 1940, ces hommes furent transférés dans des centres de séjour surveillé. Beaucoup se retrouvèrent à Fort-Barraux [Isère] ». Concernant la démobilisation de ces compagnies, consécutivement à l’armistice, le général de corps d’armée Frère rappelle, dans une note de service du 5 août 1940, que les militaires français affectés à ces compagnies « doivent faire l’objet d’un examen de leur situation par un commissaire spécial en accord avec les préfets. Ceux qui, à la suite de cet examen, seront classés comme suspects ou dangereux seront démobilisés, mais immédiatement dirigés sous escorte sur le camp du Château du Sablou (Dordogne) où ils seront internés comme civils ».
Au nombre des “indésirables” internés au Sablou sur ordre du préfet se trouvent cinq Tsiganes : Joseph Lagrenée, Wilhem Lagrenée et Johan Lagrenée, tous trois signalés comme “musiciens ambulants sans domicile fixe”.
L’état d’esprit des internés
Les lettres censurées et saisies par la commission de contrôle postal de Périgueux permettent de se faire une idée de l’état d’esprit des internés du Sablou. L’un d’eux reconnaît une appartenance au Parti communiste de 1919 à 1937, mais prétend l’avoir abandonné de son plein gré, en octobre 1937. Il croit en la magnanimité du régime de Vichy et déclare, le 11 novembre 1940 : « Je fais néanmoins confiance au Maréchal Pétain et je pense qu’à l’heure actuelle, les ordres sont donnés pour que notre retour à la liberté soit sous peu un fait accompli. Nous sommes ici dans l’attente de la réalisation sans avoir d’indices nouveaux ».
Un autre interné regrette de ne pas avoir été jugé par un tribunal militaire car alors il aurait été condamné à une peine “nette et précise”. Exprimant son avis sur la mesure d’internement préfectoral dont il fait l’objet, il dit se trouver « en présence d’une formidable iniquité, en présence du rétablissement de l’ancienne lettre de cachet, permettant de jeter en prison ceux qui, à différents titres, gênaient certains de leurs concitoyens, moyen élégant en usage avant 1789 et qui servait à cette époque à peupler la Bastille, et de nos jours à peupler les camps de concentration, moyen servant à satisfaire les basses vengeances, les rancunes d’êtres immondes rampant dans la boue de l’anonymat ».
Le changement de direction dans le commandement du camp fait l’objet de commentaires dans les correspondances. Le 20 novembre 1940, le rapporteur de la commission de contrôle postal indique : « Moral beaucoup moins bon depuis que la direction du camp n’est plus assurée par l’autorité militaire ; cette mesure paraît avoir été très péniblement ressentie par tous les surveillés. On regrette ce pauvre M. Daguet, capitaine du Camp, ainsi que tous ces gentils officiers et s/officiers ; plus de permissions, c’est des gendarmes qui nous gardent. L’inaction paraît surtout peser aux internés et la suppression des permissions les amène à critiquer d’une façon assez violente le gouvernement (…) L’espoir d’une libération prochaine paraît calmer beaucoup la mauvaise humeur. Néanmoins nous trouvons de nombreux commentaires au sujet des arrestations qui auraient été faites abusivement, étant donné qu’avant 1939, aucune loi n’interdisait l’action syndicale. Souhaits que le Chef de l’État nouveau signera la libération générale en se réservant le droit de remettre en prison tous ceux qui se livreront, par la suite, à une propagande interdite. »
À la fin du mois de novembre, la détention semble de plus en plus mal supportée par les internés. La politique de fermeté mise en place par le commissaire spécial Antz est mal vécue :
« Notre régime se resserre de plus en plus. Le peu de bien-être que nous avions, on nous l’enlève peu à peu, pour nous appliquer un règlement inique, inhumain, je dirai même sauvage. On a plus d’égard pour un voleur ou un assassin que pour d’honnêtes travailleurs qui n’ont fait que de travailler toute leur vie pour assurer leur existence et celle des leurs. Quant à une libération possible, il n’en est plus question. Donc depuis le mois de juillet on a fait que de nous mentir, comme l’on ment au peuple. Car on n’a pas encore dit au pays pourquoi nous sommes ainsi traités depuis huit mois. Que nous reproche-t-on enfin ? Quel délit avons-nous commis ? Les malfaiteurs ont toute la jurisprudence pour se défendre, mais nous rien. Ainsi tout tient dans les mains d’un seul homme. Dans un tel régime de délation, nul n’est en sécurité. Combien de temps cela durera et jusqu’où ira cet abus de pouvoir ? Nous sommes là comme otages et nous avons tout à redouter, même le pire, car ils sont capables de toutes les cruautés. Et il paraîtrait qu’une nouvelle France naît. Est-ce que ce serait sur la torture de milliers d’hommes ? ».
Dans le même registre, l’auteur de la lettre du 16 décembre 1940 saisie par la censure écrit ceci : « Mais on nous a dit (nous sommes 250) que si nous nous sauvions c’était une balle dans la peau ou cinq ans de prison. Belle perspective. Mais pendant ce temps-là les fripouilles, les voleurs sont en liberté et des gens honnêtes sont derrière des barbelés sous la menace des revolvers. La nourriture est insuffisante et la qualité laisse beaucoup à désirer ».
La solidarité s’organise
En janvier 1940, au château du Sablou, rien n’a été prévu pour recevoir tous ces hommes âgés, malades, chargés de famille, plongés brutalement dans des conditions morales très dures, originaires des quatre coins de France, coupés de leurs attaches familiales. C’est la période la plus difficile, et en outre il fait très froid cet hiver-là. Une “roulante” de l’armée doit assurer la cuisson de la nourriture. Les “bouteillons” sont apportés par des soldats; pas de table; pas de chaises; pas de châlits, de la paille et des fagots. Il n’y a pas d’eau courante au Sablou. Il n’existe qu’une source située dans la forêt voisine où les détenus se rendent, sous bonne escorte, pour aller chercher l’eau nécessaire à la cuisine. Le manque d’hygiène favorise l’apparition de la vermine, des poux, des puces, de la dysenterie et fera craindre le développement d’une épidémie de typhus.
André Moine rapporte qu’il a gardé du Sablou:
« deux souvenirs particulièrement pénibles. D’abord, parmi les nouveaux arrivants, la moitié peut-être n’avait aucun ustensile pour manger : ni gamelle, ni fourchette, ni cuiller. La soupe et le rata, servis dans des grands plats, devaient être saisis avec les doigts et chacun s’efforçait de récupérer une vieille boîte de conserve, un bois pointu, un instrument quelconque : donc réduction à l’animalité matérielle. Ensuite, le capitaine exigeait, avec une rigueur toute militaire, que chacun travaille. Mais, pour la masse des nouveaux venus, quoi faire? Il ne voulait pas le savoir : pas d’inoccupé. Il fallait se cacher ou avoir l’air de faire quelque chose : le détenu n’était même pas libre dans sa cage. On lui enlevait l’ultime refuge du prisonnier, sa liberté d’esprit ».
Les conditions d’hygiène relatives au couchage font l’objet d’une demande du commissaire Antz. S’adressant à l’intendant départemental de Périgueux, le 20 novembre, Antz signale que les 550 sacs de couchages dont il dispose n’ont « jamais été désinfectés depuis au moins 6 mois » et qu’ils ne peuvent pas, « faute de savon et d’installation appropriée, être lavés et désinfectés par les moyens du Centre ». De ce fait, Antz demande que l’on procède à un échange de sacs, les sales contre des propres.
Dans un rapport du 10 novembre 1940 adressé au ministre de l’Intérieur, le commissaire spécial Antz révèle que le ravitaillement est assuré une ou deux fois par semaine par la Gestion des subsistances militaires de Sarlat, en ce qui concerne notamment le vin et les légumes secs, ainsi que l’essence à raison de 150 litres par mois. L’intendance de Périgueux fournit le tabac. La viande est achetée à des fournisseurs de Sarlat, tandis que le pain provient de Montignac.
Antz poursuit : « Je rappelle, notamment, que le camp du Sablou se trouve isolé, que tout le ravitaillement doit être cherché journellement à Montignac (15 kilomètres aller et retour), une ou deux fois par semaine à Sarlat, à 37 kilomètres d’ici, chez des fermiers de la région dans un rayon quelquefois très étendu, que l’eau doit être prise également à une certaine distance d’ici, que les surveillés ne peuvent laver leur linge sur place mais dans une rivière des environs ». Le camp dispose de trois chevaux, d’une voiture hippomobile destinée au transport du ravitaillement et d’une voiture de tourisme utilisée aux besoins de liaison.
Une partie de la population du camp fournit la main-d’œuvre nécessaire aux travaux agricoles et forestiers des communes environnantes : moissons, vendanges, ramassage des noix et châtaignes, coupe de bois. La population environnante, majoritairement sensible à la propagande du Maréchal, supporte difficilement la présence de tous ces communistes internés au château du Sablou ainsi que la relative liberté dont ils jouissent. Jusqu’au début du mois de novembre, les conditions de vie au Sablou ne sont en effet pas si draconiennes que les détenus veulent bien le dire ou l’écrivent. Les visites des familles sont permises, comme en attestent les nombreuses photos reproduites ici. De même, les contacts avec l’extérieur semblent ne poser aucun problème. Pendant toute la période de commandement du camp par l’autorité militaire, les permissions sont accordées sans trop de difficultés et les évasions sont très faciles à réaliser pour qui veut bien les tenter. Par contre, le durcissement du régime de détention imposé par le commissaire Antz compliquera singulièrement les choses.
Fermeture du camp et transfert des internés
Un télégramme du ministère de l’Intérieur, daté du 28 décembre, parvient au préfet :
« Opérer dans la journée du 30 décembre transfert sur Camp de Saint-Paul (Haute-Vienne) des internés du Camp du Sablou… »
Le colonel Blasselle dirige les opérations. Par un courrier du 31 décembre, posté de Saint-Paul-d’Eyjeaux, le commissaire spécial Antz adresse son rapport de mission au préfet : « J’ai l’honneur de vous rendre compte que le transfert de mon centre sur le camp de St-Paul-d’Eyjeaux dans la journée d’hier, s’est effectué sans incident. 228 surveillés ont été remis entre les mains du chef du camp de St-Paul-d’Eyjeaux, M. Humbert, qui vous en transmettra prochainement la liste nominative ».
Le 30 décembre 1940, jour du transfert des 228 “Sablousards”, 18 internés se trouvant hospitalisés à Périgueux ne peuvent rejoindre Saint-Paul. Neuf d’entre eux sont toujours à l’hôpital Lanmary au 31 janvier 1941 ; un se trouve à l’hôpital mixte de Périgueux ; Auguste Lecaque est déclaré décédé à cet hôpital, le 20 janvier 1941 ; Gaston Henry rejoint Saint-Paul après guérison, le 9 janvier; les six derniers sont considérés comme évadés.
L’aventure des “indésirables” du Sablou ne se termine pas en Haute-Vienne. Saint-Paul d’Eyjeaux n’est qu’une étape, la dernière sur le sol français. Le 1er mars 1941, à 5 heures du matin, 155 d’entre eux quittent le camp de Saint-Paul, montent dans des cars qui les conduisent à Pierre-Buffière, situé à 20 kilomètres de Limoges. Là, un train spécial les attend. Aux 155 de Saint-Paul, se joignent 90 internés du camp de Nexon, puis 21 détenus du camp de Saint-Germain-les-Belles, « soit au total un départ, de la Haute-Vienne, de 266 internés politiques ».
Arrivés à Port-Vendres, ces hommes sont embarqués dans les cales d’un cargo ayant le nom de Djebel-Nador. Ce dernier lève l’ancre de nuit et met le cap sur l’Afrique du Nord. Son étrange cargaison est débarquée sur les quais du port d’Alger. De là, en train, à raison de vingt-deux hommes et deux gardes par wagon, les “indésirables” voyagent jusqu’à Djelfa. Le Fort Cafarelli constitue le terme de leur exode pénitentiaire… bien loin du château du Sablou en Périgord.
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Sources : Jacky Tronel, Séjour surveillé pour « indésirables français » : Le château du Sablou en 1940
« Histoire pénitentiaire », volume 4, Paris, Direction de l’administration pénitentiaire,
Collection Travaux & Documents, 2005, p. 68-93. Texte en ligne sur http://www.criminocorpus.cnrs.fr/article716.html
« Le Sablou : histoire d’une infamie », ouvrage collectif réalisé par l’ARAC, l’ANACR et l’ARDIEP,
sous la direction de Jean-Paul Bedoin, Périgueux, SPP, 2009.
Archives départementales de la Dordogne, 1 W 1837.
Iconographie : Collections Jacky Tronel et Musée de la Résistance Nationale, Champigny-sur-Marne,
Fonds de l’association du Souvenir du camp du Sablou, Madeleine Quéré et Janine Pompier.
Le camp de Rieucros, près de Mende (Lozère) est ouvert le 18 février 1939, pour héberger « criminels, droits communs et révolutionnaires ». Par la suite, il devient un camp spécialisé dans l’internement des femmes, principalement étrangères, espagnoles d’abord, allemandes ensuite, puis provenant de la prison parisienne de la Petite Roquette…
Mon grand-père Jean Kervévan arrêté le 23 Mai 1940 pour ses idées politiques et activités syndicales a été interné du 5 Juin au 8 Juin 1940 au camp du Sablou. Pouvez-vous me dire comment je peux consulter sa fiche individuelle. Est-ce aux archives départementales ? Je retrace son long parcours (7 lieux d’internement avant sa déportation d’où il est revenu) et je suis novice pour la recherche de documents de l’époque. Je vous remercie par avance.
PS – après le Sablou il a été interné pour quelques jours au camp de St-Germain-les-Belles, puis la Prison St-Pierre à Marseille, puis Chibron et le dernier lieu St-Sulpice-la-Pointe du 16 fév 41 au 30 juillet 44 date de sa déportation vers Buchenwald, revenu en France le 25 Mai 1945 après qelques semaines d’hospitalisation en Allemagne.
Si vous avez des archives ou des demandes de recherches… nous avons travaillé sur la guerre et notre peuple nomade, merci.
Bonjour,
Merci pour votre article sur le camp de Sablou.
Plasticienne engagée, j’ai réalisé une série de photographies brodées intitulée « Lettres mortes » sur la rafle du Vel d’hiv et l’histoire de Marie Jelen, enfant déportée. N’oublions pas aussi les camps français, premier jalon vers les camps nazis ! C’est un sujet totalement méconnu, voire occulté par les Français en général. L’art peut-il donner ou redonner la mémoire ?
Cette série fut exposée à deux reprises à Chambéry, Villard-Bonnot et à Uriage et j’espérerais cette oeuvre dans un lieu de mémoire.
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Bien à vous,
Laurence /1011