Renneval est une commune du canton de Rozoy-sur-Serre, située dans le département de l’Aisne, en région Picardie. En juillet 2011, une famille hollandaise achète la maison sise au 10 rue du Château. Les nouveaux propriétaires décident de faire des travaux et, en enlevant les anciens papiers peints des chambres situées à l’étage, ont la surprise de découvrir sur le mur, dessiné au crayon noir, un calendrier de l’année 1941. Le nom d’un certain Raymond Lesieur apparaît en signature.
Les Rutgers apprennent des anciens propriétaires que leur villa avait été réquisitionnée par les Allemands pendant la guerre et servait de prison. Des barres avaient été placées devant les fenêtres des chambres à l’étage, transformées en cellules.

La Villa « Le Château » à Renneval, réquisitionnée par les Allemands, dont les chambres à l’étage servaient de prison.

Si l’on en croit les calendriers dessinés sur les murs, l’auteur des graffitis semble avoir été interné dans l’une des deux chambres du 1er avril au 6 juillet 1941, puis transféré dans l’autre jusqu’au 19 juillet. La calligraphie est rigoureusement semblable et les dates se suivent…

Raymond Lesieur, né le 25 juillet 1914

À l’issue des premières investigations, deux Raymond Lesieur, homonymes, apparaissent. Le premier figure sur une « liste officielle n° 1 de prisonniers français d’après les renseignements fournis par l’Autorité militaire allemande », établie le 12 août 1940 par le Centre National d’information sur les prisonniers de guerre [lien]. Le Raymond Lesieur en question est né le 25/07/1914, à Paris 10e. Il était soldat de 2e classe au 219e Régiment d’Infanterie, avant d’être fait prisonnier de guerre en 1940…

Raymond Lesieur, né le 17 mars 1906

Un autre Raymond Lesieur, né le 17/03/1906 à Orléans, figure sur le Mémorial de la prison militaire du Cherche-Midi. Voici son parcours :

En 1942, Raymond Lesieur est un agent de liaison du Front National [organisation de la Résistance intérieure française créée par le Parti communiste français durant la Seconde Guerre mondiale], région P4 et fait partie du groupe Chaput-Rosenthal. En qualité de commerçant, il loue un local boulevard Lenoir, à Paris, qu’il prête gratuitement en vue d’y installer une imprimerie clandestine. Les 13 et 14 octobre 1942, à la suite d’une filature, huit personnes du groupe sont arrêtés : Louis Chaput, Martial Chauvin, Moïse Domar, Joseph Jubault, Raymond Lesieur, Alfred Rey, Albert Rosenthal et Gabriel Ruault.

Détenus dans les locaux des brigades spéciales durant 8 jours, Raymond Lesieur et ses compagnons subissent un interrogatoire « musclé » avant d’être transférés au Dépôt où ils demeurent prisonniers du 21 octobre au 8 novembre 1942. Ils sont ensuite incarcérés à la prison allemande du Cherche-Midi du 8 novembre au 30 décembre 1942, puis rejoignent le fort de Romainville. Ils y restent jusqu’au 21 janvier 1943, date de leur transfert vers le camp de Compiègne, d’où ils seront déportés vers le camp de concentration de Sachsenhausen par le convoi du 24 janvier 1943.

Après deux semaines au secret, Raymond Lesieur est affecté au kommando Heinkel. Il y reste plus de deux ans. Le 7 avril 1945, il est renvoyé à Sachsenhausen et travaille dans une usine de fabrication d’armement qui doit être évacuée le 21 avril à la suite d’un bombardement allié. Il participe à la sinistre « Marche de la Mort » avant d’être finalement libéré, le 4 mai 1945, par l’armée soviétique. Il rejoint enfin la France via la Hollande et la Belgique et arrive à Valenciennes le 22 mai 1945.

Qui était réellement Raymond Lesieur, emprisonné à Renneval ?

En l’état actuel de nos recherches, rien ne permet d’affirmer que le Raymond Lesieur, auteur des graffitis de la Villa « Le Château », à Renneval, soit l’un ou l’autre des deux hommes précités… Il est tout à fait possible, voire probable, qu’il existe un troisième Raymond Lesieur, un homonyme, n’ayant rien à voir avec les deux précédents.

Un avis de recherche est donc lancé. Toute personne possédant des informations ou des documents susceptibles d’éclairer cet épisode est invitée à se manifester, soit en laissant un commentaire au bas de cet article, soit en me contactant par courriel ou téléphone : tronel.jacky@wanadoo.fr – 06 75 22 98 46.

Je remercie infiniment Michel Lemoine pour son aide précieuse et la recherche qu’il a menée auprès du Mémorial de la Prison militaire du Cherche-Midi et de son président, le Colonel Plaisant.