Prison du Cherche-Midi recherche annexe désespérément…
Par Jacky Tronel | dimanche 12 août 2012 | Catégorie : Dernières parutions, DES PRISONS… | Pas de commentaireEn juin 1940, les autorités d’occupation réquisitionnent la prison militaire du Cherche-Midi, désertée en raison de son repli vers le camp de Gurs. Pendant toute la durée de l’occupation, le Cherche-Midi est sous administration allemande.
Le 1er novembre 1944, la prison passe à nouveau sous commandement français. En raison d’une surpopulation carcérale endémique, la création d’une annexe devient nécessaire. Deux sites semblent devoir s’imposer : le fort de Villeneuve Saint-Georges et la caserne des Tourelles. Au final, le choix se porte sur la maison d’arrêt de la Santé dont une division devient, comme avant guerre, l’annexe de la prison militaire de Paris.
Surpopulation à la prison militaire de Paris
En novembre 1944, un rapport sur la situation de la prison militaire du Cherche-Midi rend compte des difficultés auxquelles l’autorité militaire de la Place de Paris se trouve alors confrontée. Nous y lisons :
« Le Cherche-Midi détient en ce moment une population de prévenus nettement supérieure à sa capacité normale. Cet établissement ne dispose que de 150 cellules individuelles dont 25 sont indisponibles pour les motifs suivants : 10 – cellules de punitions ; 10 – réserve pour cas imprévus (révoltes, mutineries) ; 5 – isolement ou mise en sécurité.
Compte-tenu de cette situation, il reste 125 cellules disponibles qui peuvent recevoir 250 détenus à condition de les mettre deux par cellules.
L’effectif actuel du Cherche-Midi est de 317 prévenus, chiffre supérieur de 67 au maximum prévu. Si on ajoute à ces 67 les 80 prévenus dont le transfèrement est demandé par le Dépôt, on se trouve devant un effectif de 147 qui n’a pas sa place à la prison.
Si, jusqu’à ce jour, le Cherche-Midi a pu recevoir un nombre d’individus souvent supérieur à 350, cela est dû à l’occupation de locaux autres que des cellules et qu’il convient de rendre à leur première destination dans l’intérêt de la discipline et de la bonne tenue de la maison.
Il convient donc, à mon avis, pour obtenir ce résultat de créer une prison annexe. Le fort de Villeneuve, grâce aux aménagements qui y ont été apportés par l’Administration pénitentiaire, semble répondre à toutes les conditions de sécurité que réclame une prison. La seule objection à retenir pourrait être son éloignement de Paris, mais avec un camion il serait facile d’assurer les transferts entre Villeneuve et Paris ».
Le Fort de Villeneuve Saint-Georges (Val de Marne), pressenti pour servir d’annexe à la prison du Cherche-Midi. Source
« La surveillance de cette prison serait confiée aux gendarmes qui seraient chargés également de faire fonctionner les différents services intéressés : colis, lettres, parloir, cuisine, etc.
Les vivres seraient perçus à l’intendance par les soins du Cherche-Midi et livrés à Villeneuve une ou deux fois par semaine. Un comptable du cadre de la Justice militaire détaché à Villeneuve serait l’agent de liaison entre les deux prisons. Il reste entendu que toutes les écritures se feront au Cherche-Midi.
Pour arriver à l’organisation de cette prison annexe :
1° – Ordre de commandement affectant le fort de Villeneuve Saint-Georges comme prison militaire annexe.
2° – Personnel de garde à fournir par la Gendarmerie : 1 adjudant chef, 1 adjudant, 2 maréchaux des logis chefs, 40 gendarmes.
3° – Personnel d’administration : 1 sergent comptable détaché de la prison du Cherche-Midi.
4° – Matériel, pour un effectif de 200 détenus :
Couchage : 200 enveloppes paillasse, 2.000 kilos de paille, 200 grandes couvertures au minimum et, si possible, 200 petites couvertures.
5° – Matériel de cuisine : gamelles, cuillers, fourchettes, etc, à percevoir à l’Intendance.
6° – Transports : Un camion fermé ou bâché, pouvant transporter de 10 à 15 détenus avec leur escorte.
7° – Visite médicale – Aumônier : à prévoir par la Place. »
Caserne des Tourelles ou fort de Villeneuve Saint-Georges ?
Par décision du 20 décembre 1944, le général Kœnig, gouverneur militaire de Paris, affecte le Fort de Villeneuve Saint-Georges « à usage de prison militaire annexe de la prison militaire du Cherche-Midi. »
Entrée de la caserne des Tourelles, 141 boulevard Mortier, Paris 20e arrondissement. Source
Dans un courrier du 17 janvier 1945 adressé au ministre de la Guerre, direction de la Justice militaire, le Gouverneur militaire de Paris confirme cette décision, tout en ajoutant : « J’ai demandé, en outre, au Directeur du Génie de Paris de donner congé aux éléments des divers Départements ministériels civils qui occupent la caserne des Tourelles et l’ont transformée en prison. Cette mesure permettra d’installer l’annexe de la prison militaire du Cherche-Midi dans la caserne des Tourelles, d’accès plus aisée que le Fort de Villeneuve Saint-Georges que je pourrai ainsi récupérer comme casernement. »
Un compte-rendu de la direction de la Justice militaire du 2 mars 1945 rappelle les difficultés rencontrées par l’autorité militaire pour garder les détenus qui sont de son ressort. À propos du Cherche-Midi, le Colonel Turpault signale que « cette prison militaire contient actuellement un nombre de détenus trois fois plus élevé que sa contenance normale. Des incidents se sont déjà produits et sont encore à redouter. D’autre part de nombreux détenus doivent être maintenus au dépôt faute de places. Enfin des individus qui devraient être arrêtés doivent être laissés en liberté, le service de la Justice militaire n’ayant pas les moyens de les faire incarcérer. Dans ces conditions, il y a urgence à ce que le Fort de Villeneuve Saint-Georges soit utilisé comme annexe de la prison militaire. »
Le 3 mars 1945, une note du commandant et directeur général du Génie (ministère de la Guerre) est adressée à la direction de la Justice militaire. Elle a pour objet la question de l’utilisation du Fort de Villeneuve-Saint-Georges en vue du logement de la troupe et la récupération de « la partie de la caserne des Tourelles actuellement utilisée comme prison civile », qui servirait « d’annexe à la prison militaire du Cherche-Midi. »
Le général Jaubert, auteur de la note, précise que « la reprise de la caserne des Tourelles par l’Autorité militaire entre dans le cadre des mesures en cours pour la récupération des immeubles militaires mis à la disposition d’administrations civiles, sous l’occupation allemande, état de choses qu’il est indispensable de faire cesser en raison des besoins importants et prioritaires du Département de la Guerre. »
Alors que les deux options initiales (Fort de Villeneuve Saint-Georges et Caserne des Tourelles) semblent devoir, tour à tour, l’emporter, c’est une autre alternative qui sera finalement retenue…
Un quartier militaire est ouvert à la prison de la Santé
Le 14 mars 1945, après quatre mois de tergiversations, le directeur de la Justice militaire fait savoir « qu’à la suite d’un accord intervenu avec l’Administration pénitentiaire civile, une division de la Santé a été mise à la disposition du Service de la Justice militaire. Dans ces conditions, le Fort de Villeneuve Saint-Georges ne sera pas utilisé pour l’incarcération des prévenus justiciables du Tribunal militaire… »
Le 16 mars 1945, Jean-Baptiste Marquette, directeur de la prison de la Santé, confirme la chose : « En suite de la note du 12 mars courant et de la visite que m’ont faite le Commandant Bertrand, accompagné du Commandant Belin, de la Direction de la Justice Militaire, j’ai l’honneur de vous rendre compte que 200 détenus militaires ont été écroués, hier, dans l’après-midi à la Maison d’Arrêt de la Santé, venant de la prison du Cherche-Midi. L’installation du quartier militaire à la 1ère Division n’a donné lieu à aucun incident. »
Source : Service historique de la Défense, département de l’armée de terre, 13 J 1566.