Promenade insolite sur les toits de la prison du Cherche-Midi, en août 1925
Par Jacky Tronel | mercredi 21 juillet 2010 | Catégorie : Dernières parutions, DES PRISONS… | Pas de commentaireLe Petit Parisien du samedi 29 août 1925 rapportait qu’un prisonnier du Cherche-Midi, acrobate, avait passé la matinée à arpenter les toits de la prison militaire. Il ne s’agissait ni d’un mutin, ni d’un forcené… seulement d’un original ! Clin d’œil à la petite histoire pénitentiaire…
Texte intégral de la page 2 :
« Un homme sur un toit, c’est une chose qui ne se remarque guère. Mais quand cet homme est aussi court vêtu qu’une figurante de music-hall, que le toit est celui d’une prison cernée par des agents et des pompiers, voilà plus qu’il n’en faut pour qu’aussitôt la circulation soit, sinon interrompue, du moins singulièrement ralentie de tous les endroits où l’on peut s’imaginer apercevoir le mur au faîte duquel il se passe quelque chose. C’est le ‘sketch’ qui se donnait hier matin, de sept heures à midi, à l’angle du boulevard Raspail et de la rue du Cherche-Midi. Sur le toit de la prison militaire du Cherche-Midi, un individu, qu’on pensa tout de suite être un détenu, ou, plus exactement, un ex-détenu, déambulait, non sans une certaine dignité qui contrastait avec sa tenue de petit réveil. Toutefois, comme il s’était armé d’une barre de fer et qu’avec beaucoup de franchise il en menaçait d’un grand coup en pleine figure le premier venu, on eut la sagesse de ne déléguer ni agent ni pompier auprès de lui, même muni d’un drapeau blanc de parlementaire.
Un camarade détenu se proposa pour ‘raisonner’ l’homme-volant. On l’approuva sans restriction. Il gagna le toit par une lucarne.
– Tu as une bonne place, lui dit-il, à une certaine distance. Mais tu ne peux pas la garder. Alors redescends.
– Il n’y a rien de tel que le grand air, lui fut-il répondu.
– C’est une vérité qu’il n’est point nécessaire de crier sur le toit.
– Alors donne-moi une ‘cylindrée’.
Le camarade n’en avait pas. Mais un sergent se montra qui lui tendit une cigarette. Il la prit, regagna son péridrome de gouttière, et s’efforça, en vain d’ailleurs, d’adresser au timide soleil de cette matinée convalescente des ronds de fumée. Et le spectacle aurait pu se prolonger indéfiniment si l’heure avançant, l’évadé-à-demi n’avait eu faim. Sur quoi, vers midi, il consentit à descendre pour prendre sa gamelle.
Comment avait-il pu monter sur le toit ? Mais très simplement. Une seconde d’inattention de la part du sergent surveillant, au moment où les détenus étaient conduits au lavabo, et il grimpait le long d’un tuyau. D’origine alsacienne, cet écureuil de gouttière s’appelle Léon Mileten, âgé de vingt et un ans. Depuis trois semaines il est à la prison du Cherche-Midi pour une peine de deux ans de prison précédant celle de cinq ans de travaux publics auxquels il est condamné. »
Au sujet de l’horloge de la prison du Cherche-Midi
Sur la photo du haut, on aperçoit assez distinctement, à l’aplomb de l’église Saint-Ignace, une grosse horloge, visible des cours.
Cette horloge n’existait pas à l’origine. Elle a été construite et mise en place quelques années après l’ouverture de la prison (1851). Il en est question dans un dossier du génie de la Place de Paris intitulé « Projets pour 1854 et 1855 » [SHD-DAT, 1 VH 1369].
La photo du Petit Parisien fournit la preuve que ce projet a bien été réalisé.
Quelles furent les sanctions prises par la justice militaire à l’encontre de Léon Mileten ? La consultation du registre des condamnés de la prison militaire du Cherche-Midi nous le dira certainement…
Affaire à suivre !