Contre l’usage de la « bienvenue » dans les prisons civiles et militaires de l’Empire

Jean-Baptiste de Nompère de Champagny, ministre de l'Intérieur sous le Premier Empire

Le 25 avril 1807, Jean-Baptiste Nompère de Champagny, ministre de l’Intérieur sous le Premier Empire, adresse une lettre circulaire à Messieurs les Préfets des départements, appelant leur attention sur des abus qui existent dans les prisons civiles et militaires et les invitant à y remédier…

« Je reçois à chaque instant, Monsieur, de nouvelles plaintes sur le mauvais état dans lequel se trouvent, en général, les prisons civiles et militaires, sur le défaut de sûreté qu’elles présentent, et sur leur insalubrité. On m’assure que, dans un grand nombre de ces prisons, les conscrits ne sont point couchés convenablement, et que, sous prétexte de bienvenue, ils sont volés impitoyablement par les autres détenus avec lesquels ils sont confondus ; qu’enfin, cet abus a été porté à un point tel, que dernièrement un malheureux conscrit est mort, dans une prison, des coups qu’il avait reçus pour s’être refusé à payer ce que les prisonniers appellent la bienvenue. J’apprends, par les mêmes lettres, qu’au lieu de trouver dans les prisons où l’on est forcé de les déposer, un lieu de gîte et un asile où ils puissent passer la nuit, sinon commodément, au moins sans danger pour leur santé; il est arrivé souvent qu’on les a fait coucher sur le pavé même, en se contentant de leur donner un peu de paille. Il est très-vraisemblable que ces négligences contribuent beaucoup à propager les maladies qui souvent les retiennent dans leur route, et dont les suites sont quelquefois mortelles.

Lettre circulaire du ministre de l'Intérieur Champagny sur l'usage de la bienvenue dans les prisons.

Je crois devoir, Monsieur, appeler toute votre attention sur d’aussi funestes abus, afin que, dans le cas où ils existeraient dans les prisons de votre département, vous preniez les mesures les plus efficaces pour les faire cesser, en tenant scrupuleusement à ce que les lieux de gîte soient entretenus avec propreté, aérés convenablement, et sur-tout à ce que les conscrits ne soient pas placés dans des lieux où l’humidité puisse altérer leur santé.

Il convient aussi qu’il leur soit donné des lits de camp toutes les fois que cela est possible, et que les fournitures en paille et autres soient faites conformément aux réglemens [sic]. Quand le local le comporte, il faut éviter soigneusement de mêler les conscrits, nés pour la plupart de familles honnêtes, et conduits par des motifs de l’espèce la plus noble, il faut, dis-je, éviter de les confondre avec les prisonniers détenus pour crimes ou délits honteux ; et lorsqu’on ne saurait empêcher ce mélange, on doit s’attacher à les garantir de toute insulte ou vexation de la part de ces derniers. Cet usage d’exiger une bienvenue de la part des individus qui entrent en prison, ne devrait jamais être toléré ; mais quand un conscrit en est l’objet, et qu’il peut en devenir victime, c’est un délit qui doit être sévèrement puni.

Vous voudrez bien, en m’accusant la réception de la présente, m’informer des mesures que vous aurez prises pour faire cesser les abus dont je viens de vous entretenir.

Recevez, Monsieur, l’assurance de ma parfaite considération, CHAMPAGNY. »

Source : Archives Nationales, F-16-536.

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