Alcatraz : une île de la baie de San Francisco connue pour son pénitencier fédéral
Par Jacky Tronel | dimanche 14 juillet 2013 | Catégorie : Dernières parutions, DES PRISONS… | 3 commentairesPrison militaire de 1915 à 1934, pénitencier fédéral de 1934 jusqu’à sa fermeture en 1963, Alcatraz est connu pour avoir détenu quelques-unes des figures les plus marquantes de l’époque de la prohibition aux États-Unis ; la plus célèbre d’entre elles étant, incontestablement, Alphonse Gabriel Capone, surnommé « Scarface » (le balafré), alias Al Capone, écroué ici de 1934 à 1939.
C’est l’acquisition récente d’un lot de photos de presse de la prison d’Alcatraz qui a décidé de la publication de cet article. Quant au texte, il provient du site très bien documenté : visite-usa.fr [lien].
« Vous avez le droit d’être logés, nourris, blanchis, et soignés si nécessaire. Rien d’autre ne vous est dû. » (Article 5 du règlement intérieur de la prison d’Alcatraz, 1934).
Cette règle a constitué l’une des réalités de la vie des prisonniers du plus célèbre pénitencier des Etats-Unis : Alcatraz. Cette prison, redoutée des criminels, avait la réputation d’être celle dont on ne s’échappait pas. En effet, les courants violents et froids qui traversent la baie rendent la traversée à la nage quasiment impossible.
L’île d’Alcatraz : un rocher au milieu de la baie de San Francisco
Un jour de 1775, Le navigateur espagnol Ayala baptisa ce caillou rocheux de 5 hectares « isla de los alcatraces » (« l’île des pélicans »). Bien que située au centre de la baie de San Francisco, l’île d’Alcatraz, surnommée The Rock (« le rocher »), est longtemps restée isolée, à environ 2 kilomètres de la côte, abritant tour à tour une citadelle, un phare et une prison militaire puis fédérale. La forte augmentation du trafic maritime, due à la ruée vers l’or au début des années 1850 nécessita la construction d’un phare. Faisant face aux bateaux entrant dans le port, l’île d’Alcatraz constituait l’emplacement idéal. Le tout premier phare de la côte pacifique fut donc construit et entra en service en juin 1854. Le phare actuel en béton le remplaça en 1909. D’une hauteur de 30 mètres, il est suffisamment haut pour être vu au-dessus du bâtiment servant de prison (au sommet du rocher).
La citadelle d’Alcatraz
Pendant des millénaires, Alcatraz est restée inhabitée. Seules quelques tribus indiennes devaient s’y rendre. L’île fut indiquée sur les cartes à partir de 1776, année où les Espagnols colonisèrent la baie de San Francisco. L’île était encore inexploitée lorsque les Américains prirent la baie aux Mexicains en 1846. La ruée vers l’or décida le gouvernement à construire un phare et une citadelle car l’énorme richesse dégagée par l’exploitation des mines d’or dans la région avait entraîné une forte augmentation du trafic maritime, ainsi que de la population de San Francisco, qui passa alors de 300 à 20.000 personnes.
En 1850, un plan de défense de la baie prévoyait la construction d’une citadelle en brique de chaque côté du Golden Gate. Alcatraz, qui fait face aux bateaux entrant dans le port, fut choisie pour accueillir une troisième citadelle de taille plus petite, dont la construction commença en 1853.
Les 400 soldats d’Alcatraz disposent alors de 111 canons défendant l’île dans toutes les directions, ainsi que des rangées de créneaux à fusils creusées à flanc de rocher. D’autres canons de 25 tonnes furent installés en 1864. Ils pouvaient tirer à environ 5 kilomètres des boulets de 40 cm de diamètre et pesant 200 kg. Mais les progrès en matière d’armement furent très rapides pendant la Guerre de Sécession et ces installations devinrent vite obsolètes. Des canons plus puissants furent placés près de l’emplacement actuel du Golden Gate, et le fort d’Alcatraz ne joua plus un rôle important dans la défense de la baie. En 1861, la forteresse fut convertie en prison et en 1901, le dernier canon était démonté.
La prison militaire puis le pénitencier fédéral
La citadelle fut donc officiellement abandonnée en 1907 puis rasée l’année suivante pour construire une immense prison en béton. L’île d’Alcatraz a quasiment toujours servi de prison. Déjà en 1859, 11 soldats débarquèrent avec la première garnison militaire de l’île pour y être mis aux arrêts. Pendant la guerre de Sécession, des personnes condamnées pour trahison, désertion, vol, agression ou meurtre y furent incarcérées. L’armée emprisonna également sur Alcatraz des Indiens et des Espagnols capturés lors de diverses guerres de la deuxième moitié du 19e siècle.
C’est en 1915 qu’Alcatraz devient officiellement une prison militaire. Elle porte le nom de « Camp disciplinaire des Etats-Unis, section Pacifique ».
En 1934, le ministère de la justice décide de la rénover et de créer sur l’île une prison de haute sécurité. Les barreaux en acier furent remplacés par d’autres inattaquables et des postes de tirs furent construits à chaque extrémité des 2 principaux blocs de cellules. Six miradors furent élevés à l’extérieur de la prison, des fils de fer barbelés et d’épais grillages furent tendus et on installa des détecteurs de métal. Des gardes armés surveillaient les détenus à chaque extrémité. Alcatraz devient alors un pénitencier fédéral.
Le couloir central de la prison (« Broadway »)
À son achèvement en 1912, la prison était un des plus grands bâtiments en béton armé jamais construit. Il acquit très vite une réputation de prison modèle, en raison notamment du chauffage central, de l’éclairage électrique et des lucarnes laissant entrer la lumière du jour. La main d’œuvre, recrutée parmi les détenus, ne manquait pas. La plupart de ceux qui aidèrent à l’édification de la prison en furent les premiers détenus. Elle fut rénovée pour en faire un établissement pénitentiaire de haute sécurité pendant la période de la montée du gangstérisme. La prison était constituée de 4 blocs distincts, de A à D. Le bloc A est le seul qui n’ait quasiment pas évolué depuis qu’Alcatraz était une prison militaire. Il était utilisé occasionnellement pour isoler les faiseurs de troubles. Le couloir le plus utilisé, entre les blocs C et D a été surnommé « Broadway ».
Les cellules
Le pénitencier, qui disposait de 336 cellules, n’a jamais fonctionné à pleine capacité. On y comptait en moyenne 260 détenus et il n’en a jamais accueilli plus de 302. À la suite du grand tremblement de terre de 1906, 176 détenus des prisons de San Francisco ont été logés temporairement à Alcatraz. La discipline était très dure : interdiction de parler, un prisonnier par cellule et un gardien pour 3 détenus. Les cellules mesurent 1,5 m sur 3. Les détenus y passaient de 16 heures à 23 heures par jour pour ceux qui n’étaient autorisés à quitter leur cellule que pour les repas. Le réfectoire était un des endroits les plus dangereux de la prison. Les gardes n’étaient pas armés et les couverts pouvaient servir d’arme. Des bonbonnes de gaz lacrymogènes suspendues au plafond pouvaient étouffer une émeute en quelques minutes. Les repas duraient 20 minutes et à la fin, les fourchettes, couteaux et cuillères étaient comptées.
Pour chaque infraction, un détenu pouvait perdre ses privilèges et pour une faute grave, il se retrouvait dans une des 14 cellules du bloc D, aussi appelé « Unité d’Isolement et de Traitement Spécial ». Leur seul contact avec l’extérieur était alors les 2 repas quotidiens servis à travers une fente dans la porte et la douche hebdomadaire. La plupart des détenus ne passaient que 5 jours maximum au « trou » mais certains y sont restés enfermés pendant des mois. Ces cellules n’avaient pas de fenêtre et bien qu’il y ait une lumière dans chaque, elle pouvait être éteinte et le détenu se retrouvait dans le noir.
Les détenus et les conditions de détention
La journée type d’un détenu commençait à 6 h.30. Après la toilette et le nettoyage de la cellule, les détenus étaient comptés et conduits au réfectoire pour le petit-déjeuner (20 minutes). Ils étaient ensuite rassemblés dans la cour pour l’affectation des tâches. Certains travaillaient jusqu’au déjeuner, servi à 11 h.40. À midi, ils étaient reconduits dans leur cellule, comptés puis retournaient au travail. À 16 h.15, la journée de travail s’achevait et ils étaient à nouveau comptés avant un dîner de 20 minutes. À 16 h.45, ils étaient enfermés dans leur cellule pour le reste de la soirée. Les lumières étaient éteintes à 21 h.30.
Seuls quelques-uns des 1545 criminels incarcérés à Alcatraz sont demeurés célèbres : Al Capone (photo anthropométrique ci-dessous), Georges « Machine Gun » Kelly, Robert Stroud (surnommé « l’homme aux oiseaux d’Alcatraz », bien que ses observations sur les oiseaux datent en réalité de son séjour à la prison de Leavenworth). Transféré en 1934 et emprisonné pendant 4 ans et demi sur l’île sous le matricule AZ 85 (pour fraude fiscale), Al Capone a longtemps occupé une cellule d’isolation à l’infirmerie de la prison.
La plupart des détenus, considérés comme éléments perturbateurs et prisonniers susceptibles de s’évader étaient conduits à Alcatraz. Il n’y a cependant jamais eu d’exécution de détenu à Alcatraz mais on y a enregistré 5 suicides et 8 meurtres.
Afin de garantir la sécurité de l’île, les visites aux détenus furent réglementées de façon très stricte. De nombreuses rumeurs, concernant les mauvaises conditions d’incarcération dans le pénitencier sont probablement nées de cet isolement. Si la plupart n’étaient pas fondées (la prison était propre et la nourriture bonne), Alcatraz n’en était pas moins un véritable quartier de haute sécurité.
Recevoir des visiteurs était un privilège accordé seulement en cas de bonne conduite. Une vitre séparait les détenus des visiteurs qui se parlaient à l’aide d’un téléphone. 45 minutes étaient accordées et les conversations pouvaient être écoutées pour éviter que les règlements de la prison ne soient dévoilées ou que des activités criminelles n’aient lieu.
Les détenus pouvaient également commander des livres à la librairie. Les livres étaient déposés dans les cellules et certains en lisaient jusqu’à une centaine par an. Les livres étaient sélectionnés pour ne contenir ni violence, ni sexe. Mais parfois certains articles échappaient à leur surveillance, et en 1962, 3 détenus s’évadèrent en fabricant des vestes de sauvetage selon des plans trouvés dans un magazine…
Travailler était également un privilège et les détenus pouvaient ainsi se retrouver à la cuisine, à la laverie, à l’hôpital, à la bibliothèque ou dans les jardins. La plupart travaillaient cependant à l’atelier de la prison pour fabriquer des matériaux de construction, des objets en bois ou en métal. Pendant la deuxième guerre mondiale, les prisonniers fabriquèrent des vêtements pour l’armée, réparaient les bouées qui retenaient les filets chargées d’empêcher les sous-marins d’entrer dans la baie…
Un autre privilège était de pouvoir passer quelques heures dans la cour. On pouvait y faire de l’exercice, jouer aux cartes, aux échecs ou simplement discuter dans un coin. Du haut des marches, les détenus pouvaient voir la baie, le Golden Gate et une partie de la ville. L’île offre une très belle vue sur la baie et la ville de San Francisco.
Les tentatives d’évasion
La plus célèbre des 14 tentatives d’évasion d’Alcatraz eut lieu en juin 1962. Frank Morris et les frères Anglin font partie des 5 détenus qui réussirent à s’enfuir de l’île à la nage. Le 11 juin 1962, Frank Lee Morris, Clarence Anglin et John William Anglin, deux frères, s’évadent en creusant le ciment autour de la bouche d’aération se trouvant au fond de leur cellule. Ils ont mis des fausses têtes, qu’ils ont fabriquées eux-mêmes, dans leur lit afin de simuler leur présence. Ils ont ainsi accédé à un corridor, grimpé en haut du bloc, traversé le plafond par les conduits de ventilation et ont ainsi pu gagner les eaux froides du Pacifique. Leurs corps n’ont jamais été retrouvés et personne ne sait ce qu’ils sont devenus. Le film « L’évadé d’Alcatraz » raconte l’histoire de cette évasion.
La fermeture de la prison et l’occupation par les Indiens
Robert F. Kennedy, à l’époque ministre de la justice, fit fermer Alcatraz en 1963 en raison des coûts de gestion et de maintenance élevés (bâtiments en mauvais état, approvisionnement difficile). Une fois la prison fermée, Alcatraz devint un domaine public inexploité. Différentes propositions furent émises quant à l’usage qui pourrait en être fait. Un riche texan suggéra d’y construire un parc d’attractions sur le thème de la conquête de l’espace, ce qui provoqua une manifestation de militants indiens sur l’île. Ceux-ci occupèrent l’île à plusieurs reprises. En 1964, ils n’y restèrent que 4 heures, mais le 9 novembre 1969, un groupe de 89 Indiens débarqua sur l’île et revendiqua Alcatraz au nom des « Indiens de toutes les tribus ». Une telle coopération intertribale était sans précédent. À partir du 20 novembre, des Indiens de toutes les tribus vinrent grossir le nombre des occupants de l’île et y restèrent 18 mois. En référence à l’acquisition de l’île de Manhattan par les Américains en 1626, ils offrirent au gouvernement américain d’acheter Alcatraz pour un montant de 24 dollars en colliers de perles, tissus et autres marchandises. La plupart des médias et le grand public soutenaient les occupants. Toutefois, avec le temps, le soutien commença à perdre de son intensité. La difficulté de trouver des financements ou de s’approvisionner en nourriture et en eau contraignit de nombreux manifestants à renoncer. En juin 1971, des agents fédéraux finirent par aller déloger la poignée d’Indiens qui y vivaient encore.
Alcatraz aujourd’hui
Quelques bâtiments furent rasés avant la création en 1972 du Domaine national du Golden Gate et l’ouverture de l’île au public en 1973. Depuis cette date, Alcatraz fait partie du service des parcs nationaux chargé de conserver les bâtiments et de protéger les oiseaux qui y vivent (mouettes, faucons, oies, hérons, colibris, cormorans, …). Une partie de l’île est d’ailleurs interdite au public pendant la saison des amours.
Pour visiter l’île, des bateaux partent de Fisherman’s Wharf toutes les 45 minutes. Il faut compter environ 2 heures pour la visite de l’île mais vous êtes libres de rester le temps que vous voulez. Dès que vous avec terminé la visite, vous reprenez un des ferries qui effectuent les rotations régulières avec le continent. N’oubliez pas de prendre un pull, car il peut faire très froid dans la baie, même en plein été, et l’île est souvent recouverte par le brouillard. À l’intérieur de la prison, on vous remet un audio-guide (dans la langue de votre choix) qui vous commente la visite des lieux.
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Le texte de cet article provient de l’excellent site visite-usa.fr, administré par Fabrice : lien.
Photos : collection J. Tronel (à l’exception de la photo anthropométrique d’Al Capone : lien).
132 photos de la prison d’Alcatraz : lien.
Passionnant ! Merci pour cet article.
Article complet et extrêmement intéressant sur ce lieu mythique. Un grand merci.
[…] Par Jacky Tronel | dimanche 14 juillet 2013. Pour en savoir plus sur le site du Prisons-cherche-midi-mauzac. […]