Des Juifs allemands et des Espagnols internés au camp de Masseube

Baraquements du Camp de Masseube dans le Gers. Mémorial de la Shoah.

Masseube (Gers)… Vendredi 22 octobre 2010, à l’occasion du 70e anniversaire de l’expulsion des Juifs de Bade, Sarre et Palatinat, un Mémorial sera inauguré sur les lieux de l’ancien camp d’internement de Masseube, rue Jules Sabin-Corties, dans ce qui est aujourd’hui un lotissement. Ce mémorial a été créé à l’initiative d’un professeur d’histoire passionné, Emmanuel de Luget.

Photo Mémorial de la Shoah, CDJC, coll. Cimade. (Source)

Bref historique du Camp de Masseube, de 1940 à 1943

Le camp de Masseube a été créé au printemps de l’année 1940, en vue d’accueillir des réfugiés français, originaires principalement d’Alsace et de Lorraine. Inutilisée, la « Cité » de Masseube a été convertie en « centre d’hébergement » à la mi-mars 1943 et a fonctionné sans interruption jusqu’au début de l’année 1948. En 1943, le lieu est qualifié de « camp pour vieillards ». Au cours de ces cinq années, plus de 600 internés et travailleurs étrangers y ont séjourné. La capacité du camp n’a jamais dépassé les 350 personnes. Plus de 80 % étaient des réfugiés d’Europe centrale et orientale, presque exclusivement des Juifs et, en très grande majorité, des Allemands et Allemandes de Sarre, Bade et Palatinat déportés vers la France à partir du 22 octobre 1940. Ils provenaient de camps du sud de la France, de Nexon (Haute-Vienne) principalement, où ils avaient échappé aux rafles de l’été 1942, et étaient pour la plupart âgés de plus de soixante ans.

Le centre d'hébergement de Masseube, (Gers).Près de 200 de ces déportés juifs d’Allemagne et d’Europe centrale ont séjourné à Masseube, en compagnie de plusieurs dizaines d’Espagnols. Les autres étaient des Espagnols entrés en France avant ou juste après la prise de Barcelone par les troupes franquistes, le 26 janvier 1939. Le camp de Masseube fait partie des camps français qui ont connu relativement peu de déportations directes vers les camps de la mort. Néanmoins, au cours de l’été 1943, une soixantaine d’internés environ ont été transférés vers d’autres lieux de détention. Ceux-là ont été victimes des rafles de 1944, avec la destination funeste que l’on connaît : Auschwitz via Drancy.

Le Camp de Masseube, de 1943 à la Libération

Pendant toute cette période, les internés ont vécu ici dans des conditions particulièrement indignes, d’autant plus éprouvantes, concernant les Juifs allemands, qu’il s’agissait de personnes âgées, voire très âgées. Trente mois d’internement avaient épuisé leurs réserves. La faim, le froid l’hiver, la chaleur l’été, la boue lors des intempéries, l’isolement, la promiscuité, les poux ont continué d’être leur lot. A la Libération les conditions alimentaires se sont améliorées et le régime du camp s’est assoupli, bien que le cadre de vie soit resté toujours aussi misérable : dortoirs d’hommes et dortoirs de femmes séparés, absence de réfectoire, installation sanitaire minimale et en partie en ruines.

Après la Libération, le camp a commencé à se vider de ses derniers occupants en même temps qu’il s’emplissait d’étrangers en provenance de divers groupes de travailleurs ou camps du sud-ouest et du centre de la France. La quasi totalité des Juifs encore au camp de Masseube, soit une centaine, a été libérée et accueillie à Lacaune (Tarn), en novembre 1945.

Espagnols au Camp de Masseube dans le Gers.

Plus de 85 % des nouveaux arrivants furent cette fois des Espagnols. Comme pour leurs compatriotes de 1943, avec certains desquels ils ont alors cohabité, il s’agissait principalement de réfugiés de la « Retirada » : malades, anciens blessés de guerre, voire mutilés, dont plusieurs ont été recueillis dans les hôpitaux de la région avant la fermeture définitive de la « Cité ».

Cérémonie au camp de Masseube en présence des Espagnols en 1946 ou 1947.

Inauguration d’un Mémorial à Masseube, le 22 octobre 2010

L’inauguration aura lieu en présence de Jean-Pierre Bru, maire de Masseube, du Conseil municipal, de représentants du Consistoire israélite de Baden (Allemagne), de représentants de la communauté juive de la région, d’Olivier Lalieu, responsable des lieux de mémoire au Mémorial de la Shoah à Paris, de Roger Misrahi, ancien déporté au camp de Masseube et de Tamara Vall-Guerrero.

La veille, le jeudi 21 octobre, à 14 h.30, au cinéma de Masseube, une conférence sur le thème de l’internement en France et de la Shoah sera présentée avec Alban Perrin, coordinateur des voyages d’étude au Mémorial de la Shoah, Ginette Kolinka, déportée à Auschwitz Birkenau, et Emmanuel de Luget.

Le texte de cet article ainsi que les photos proviennent du site internet extrêmement bien documenté qu’administre Emmanuel de Luget : « Le centre d’hébergement oublié »… Qu’il en soit remercié.

2 Commentaires de l'article “Des Juifs allemands et des Espagnols internés au camp de Masseube”

  1. MALACHOWSKI dit :

    Bonjour,
    Vous ne savez probablement pas qu’il y a une tombe au cimetière de Masseube d’un interné allemand au nom de Gustav Herz.
    Mes parents avaient acheté une concession avant que les autres déportés décédés au camp de Masseube ne soient rapatriés par la communauté juive à Toulouse.
    Je me tiens à votre disposition pour tout renseignement que vous jugeriez utile.
    Cordialement,
    Sylvia Malachowski

  2. Jacky Tronel dit :

    Bonjour,
    Non, je ne savais pas !… HERZ Gustav, né le 23/04/1880 à Nassau-Lahn, figure sur la liste des « hébergés » de Sarre, Bade et Palatinat établie d’après le registre des archives municipales de Masseube, par Emmanuel de Luget.
    Si vous en savez davantage sur le « rapatriement » par la communauté juive de Toulouse de ces internés du camp de Masseube, cela pourrait faire l’objet d’un article sur ce blog ou bien, dans la revue Arkheia, dont je suis coordinateur de rédaction…
    Cordialement, JT

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