« Shamaï Haber Sculpteur – Une œuvre à Gruissan-Port » de Daniel Leclercq
Par Jacky Tronel | samedi 10 janvier 2015 | Catégorie : ACTUALITÉS, Dernières parutions | Pas de commentaireUn hasard, une déambulation, une dérive urbaine dans les rues parisiennes, un soir de septembre 2010, met Daniel Leclercq, urbaniste, face à un ensemble sculptural, boulevard Raspail et faisant angle avec la rue du Cherche-Midi, sur l’ancien site d’une prison militaire détruite en 1961, qui abrite la Maison des Sciences de l’Homme et l’École des Hautes Etudes en Sciences Sociales. Les architectes ont intégré à la composition urbaine un ensemble de sculptures en pierre de granit, du sculpteur Shamaï Haber, de même facture que les Menhirs de Port-Gruissan, station balnéaire du littoral languedocien (Aude).
Le 4 décembre 2014, Daniel Leclercq publiait : « Shamaï Haber Sculpteur – Une œuvre à Gruissan-Port », édition Valda, Saint-Roch.
La genèse d’une recherche
À la vue de ces sculptures, l’auteur s’interroge et questionne Brigitte Mazon, archiviste à l’EHESS: « Urbaniste OPQU, j’écris un livre sur la station balnéaire de GRUISSAN, dans l’Aude. Sur une des places bordant le port, un groupe de pierres en granit, intitulé les Menhirs ressemble au groupe de pierres à l’angle de votre bâtiment entre le boulevard Raspail et la rue du Cherche-Midi. Ma recherche est simple : qui est l’auteur, et si en plus vous me dîtes qui est l’architecte qui a conçu l’école (et les dates) peut être comprendrais-je cette similitude. »
Brigitte Mazon nous a mis en relation… Un premier article a été publié sur ce blog le 17 septembre 2010 : Shamaï Haber et les « menhirs » de la Maison des Sciences de l’Homme, rue du Cherche-Midi
La Maison des Sciences de l’Homme, Paris
« Sculpture abstraite mais bien tangible – l’ensemble pèse 300 tonnes et s’élève à huit mètres de hauteur, – formée de blocs de granit [bleu de Lanhélin] transportés non sans quelques difficultés de Bretagne, elle a été conçue comme une réplique au bâtiment d’acier et de verre qui abrite depuis cinq ans à la fois la direction de l’éducation surveillée du ministère de la justice et la Maison des sciences de l’homme dépendant du ministère de l’éducation nationale. Par cet environnement sculptural, Shamaï Haber, qui l’a réalisé à la demande de l’Etat et des architectes du nouvel immeuble, a voulu créer là, grâce à l’opposition des matériaux un nœud entre la rue, le bâtiment et le jardin qui l’entoure.
L’installation de cette sculpture ne fut pas une mince affaire puisque le matin même elle n’existait encore que dans la tête de son auteur. Pendant toute la journée, une équipe de grutiers enthousiasmés par l’originalité du travail, la composèrent à l’aide de leurs engins en superposant les blocs de granit sous les directives de l’artiste.
Shamaï Haber abandonne aux passants le soin de trouver un nom pour sa sculpture si véritablement cela paraît nécessaire. Il préfère quant à lui la laisser anonyme comme la pose d’une première pierre. » Paris-Normandie, 11 août 1973.
Les 5 menhirs de Port-Gruissan
Si, rue du Cherche-Midi, « la grande construction de granit édifiée en 1973, vise à susciter, tout en s’accordant à l’immeuble de Marcel Lods, l’équivalent d’un espace naturel dans le cadre d’un milieu exclusivement urbain […] à Port-Gruissan, le milieu naturel est prégnant par cette vaste nappe aquatique du port d’une part et par la présence très proche et visible du massif du Pech Maynaud par ailleurs » fait remarquer Daniel Leclercq.
« Ces pierres debout et couchées installées à Port-Gruissan, ont été nommées, un jour, MENHIRS ! Par qui ? C’est souvent, ce bon sens dit populaire, qui crée les légendes. La forme fortuite, en fait une stèle de granit qui, dans sa verticalité nous rappelle l’infini, l’espace, l’émotion, c’est-à-dire l’ascension, le détachement. La forme est primitive, élémentaire, monolithique. L’horizontalité du plan d’eau et des quais c’est le rationnel, l’intellectuel. »
Photos de Port-Gruissan : Daniel Leclercq,
urbaniste OPQU (Office professionnel de qualification des urbanistes), conseiller en environnement urbain et ingénieur en tourisme.
« Ainsi, Shamaï Haber plaçant ses stèles au plus près de l’eau les confrontent aux mats des voiliers, s’oppose au plan horizontal, accentue la verticalité. Il reprend les verticales et les lignes horizontales des immeubles voisins, cette trame classique de l’architecture des années 50/80.
Haber rétablit l’équilibre ancestral entre l’habitat de l’homme et sa spiritualité. L’écriture sur la pierre est très plastique, tout autant que la disposition des pierres ancrées au sol et inscrites dans l’espace urbain de ce centre-port. Menhirs, stèles, obélisques, pierres debout… Qu’importe : c’est de l’art urbain. »
Shamaï Haber : le sculpteur
La sculpture de Shamaï Haber est profondément empreinte de l’histoire personnelle de l’homme. Né en Pologne, il immigra en 1935 en Palestine, pays en formation et dont l’histoire et les paysages arides le marquèrent. En 1951, sa première sculpture, une tête de granit Moïse et les tables des lois, porte déjà la marque de l’hébraïsme dans l’inspiration et la gravité religieuse. Haber déclara : « […] je cherchais quelle était ma culture, quelle était ma forme. Je l’ai interprétée comme les anciens Égyptiens. Il faut enlever très peu à la pierre, parler peu et dire beaucoup. » Ainsi, Haber travaille en tenant compte des forces de la nature et en liant une conception ancestrale de l’art à des problématiques spécifiquement contemporaines.
À partir de 1952, il entreprend de se concentrer non plus sur la figuration mais sur le rapport des formes et des masses entre elles. La composition du Frac Ile-de-France rassemble tous les éléments qui caractérisent son travail. Haber déclare en effet vouloir « apprendre la forme de la pierre ». Ainsi, le caractère monolithique et abrupte de ses œuvres relève d’une volonté de prendre en considération les qualités propres du matériau, qu’il s’agisse du métal, de l’ardoise éclatée ou du granit. Ici, le granit n’est pas poli et il surgit avec la force particulière au roc brut. Mais sa réflexion ne se limite pas à la seule sculpture, car Haber pense que tous les gestes artistiques répondent à un même élan : un geste né de la peur, peur qui, à l’heure actuelle, naît des grands ensembles.
En 1963, de retour à Paris après avoir réalisé en Israël une œuvre monumentale faisant face à un réacteur atomique, il conçoit un projet de ville nouvelle avec les architectes Allain et Prieur, qui ne sera pas concrétisé. En 1977, il renouvelle ses projets à vaste échelle avec le jardin de la Grosse Borne pour la ville nouvelle du Vaudreuil. La cohérence de l’œuvre de Haber tient sans doute au fait que ce dernier s’applique à « sculpter pour l’homme », puisqu’il considère que « le geste change la pensée » et vice-versa.
Source : Texte de la notice en ligne du Centre Pompidou.
Artiste généreux, soucieux d’échelle humaine et d’urbanité, Shamaï Haber n’était pas du genre à soigner sa publicité. L’artiste décède en 1995 dans un atelier menacé de saisie.
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