« La France terre de refuge et de désobéissance civile, exemple du sauvetage des juifs »

"La France terre de refuge et de désobéissance civile (1936-1944), exemple du sauvetage des juifs" : trilogie de Limore Yagil

En prolongement de mon CR sur « Vichy et la Shoah » d’Alain Michel, je ne pouvais omettre plus longtemps de rappeler la trilogie récemment publiée aux Éditions du Cerf : « La France terre de refuge et de désobéissance civile (1936-1944), Exemple du sauvetage des juifs », de Limore Yagil, historienne franco-israélienne.

Trois tomes consacrés à la désobéissance civile et au sauvetage des Juifs durant les années noires de la France forment une unité. L’étude de Limore Yagil (août 2010 à novembre 2011) ne revient pas sur les lois antisémites ou sur la politique d’exclusion du régime de Vichy, mais révèle que durant cette période, pour bon nombre de réfugiés et de Juifs, la France a été une véritable terre d’asile. Après avoir retracé l’histoire de la désobéissance civile depuis l’Antiquité et analysé ses racines philosophiques et politiques, l’auteur rappelle que, si 80 000 Juifs français et étrangers ont péri, plus de 250 000 survécurent à la Shoah, ce qui représente un nombre assez élevé, dans l’absolu et en proportion.

Tome I : « Implication des corps de métiers »

"La France terre de refuge et de désobéissance civile (1936-1944), Exemple du sauvetage des juifs", tome 1

Exceptionnelle, loin d’être banale, la désobéissance civile débuta comme une attitude individuelle dès 1940, puis se généralisa au fil des mois, prenant la forme de réseaux d’entraide, composés souvent de personnes ayant un lien antérieur entre elles. Trois tomes dont les couvertures sont bleu, blanc, rouge…

Dans ce premier volume, Limore Yagil nous montre que ce sont les mêmes personnes et les mêmes localités qui s’étaient engagées en faveur des réfugiés en France dans les années 1930 qui se chargeront de secourir les Juifs dix ans plus tard. La contribution des médecins, des assistantes sociales, des infirmières, des enseignants, des scientifiques et des artistes est ensuite étudiée. Celle, plus complexe et ambiguë, des préfets et des serviteurs de l’État, maires, gendarmes et policiers, celle des prêtres, des pasteurs, des religieuses et celles des résistants seront analysées dans les volumes suivants. Tout au long de cette étude, l’auteur décrit le profil sociologique, la mentalité et les modalités des sauvetages. Fondée sur des archives de différentes sources, son enquête brosse les tableaux d’histoires locales, de pratiques culturelles, soulignant l’alliance de la géographie humaine et de l’histoire. Foisonnant d’informations, ce livre est à la mesure de ce sujet si singulier, qui mérite une nouvelle réflexion plus de soixante-dix ans après les événements.

Tome II : « Implication des fonctionnaires – Le sauvetage aux frontières et dans les villages-refuges »

"La France terre de refuge et de désobéissance civile (1936-1944), Exemple du sauvetage des juifs" - Tome 2

Dans ce deuxième volume, Limore Yagil montre comment, en zones libre et occupée, certains préfets, gendarmes et policiers ont choisi de désobéir et de ne pas arrêter, ni signaler la présence de Juifs, mais de les cacher ou de leur fournir de faux papiers. Si quelques rares fonctionnaires sauvèrent l’honneur en s’engageant dans la Résistance, nombreux étaient cependant ceux qui décidèrent d’agir discrètement pour sauver des Juifs. Le long des frontières et de la ligne de démarcation, ainsi que dans de nombreuses localités-refuges, on constate l’activité courageuse des uns et des autres pour secourir des juifs, enfants ou adultes.

On connaît le rôle du Chambon-sur-Lignon en faveur des juifs pendant la période de l’Occupation, ou celui des habitants des Cévennes et de la Drôme. On connaît moins l’histoire des villages-refuges dans la Sarthe, le Gers, l’Isère, le Vaucluse, le Lot-et-Garonne, la Creuse, la Vendée, le Loir-et-Cher, etc.

Fondée sur des archives de différentes sources, son enquête brosse des tableaux d’histoires locales, de pratiques culturelles, soulignant l’alliance de la géographie humaine et de l’histoire. Foisonnant d’informations, ce livre est à la mesure de ce sujet si singulier, qui mérite une nouvelle réflexion plus de soixante-dix ans après les événements.

Tome III : « Implication des milieux catholiques et protestants – L’aide des résistants »

"La France terre de refuge et de désobéissance civile (1936-1944) - Exemple du sauvetage des Juifs" Tome 3, Limore Yagil

Limore Yagil présente ici l’histoire singulière de ceux qui ont désobéi pour secourir des Juifs. Pour ce faire, elle a reconstitué les réseaux d’entraide formés dès 1940 et allant en s’élargissant au fil des mois. La géographie du sauvetage des réfugiés espagnols est la même que celle du sauvetage des Juifs ; ce sont les militants des organisations d’entraide aux réfugiés polonais, russes, allemands, tchèques, qui furent parmi les premiers à désobéir sous Vichy pour secourir les Juifs. Cette histoire est ainsi composée de milliers d’actions individuelles sans lesquelles elle n’aurait pas eu lieu, et qui avaient comme trait commun une certaine capacité à la désobéissance.

L’importance de ce travail exceptionnel émane du fait qu’il s’agit d’une étude globale qui ne se limite pas aux activités courageuses des personnes reconnues officiellement comme « Justes parmi les nations », ni à un département ou une localité. Ainsi peut-on constater que les localités-refuges ne se situent pas seulement dans les zones plutôt protestantes, que, si les évêques catholiques sont restés majoritairement silencieux, ils ont pour autant secouru des Juifs dans leurs diocèses, que des préfets, des fonctionnaires ou des gendarmes ont secouru des Juifs, tout en ayant fait le serment de fidélité au maréchal Pétain. Artistes, scientifiques, universitaires, médecins, assistantes sociales, pasteurs et résistants, en bon nombre, ont refusé de rester apathiques face au sort de nombreux Juifs, adultes ou enfants, et ont pris de vrais risques pour les secourir.


Limore Yagil, historienne franco-israélienne

Limore Yagil

Née à Haïfa en Israël en 1961, Limore Yagil est docteur ès lettres de l’Institut d’études politiques de Paris (1992). Historienne, elle est spécialiste de l’histoire culturelle, politique et sociale de la France au XXe siècle. Elle a enseigné à l’université de Haifa et à l’université de Tel-Aviv pendant plusieurs années. Elle poursuit ses recherches, notamment sur les différentes modalités de sauvetage des juifs en France et en Europe au temps de la Shoah, à l’université de Paris-IV-Sorbonne et au collège des Bernardins.

Limore Yagil participe au dossier du prochain numéro de la revue d’Histoire Arkheia avec l’article « Enfants juifs cachés dans le Tarn et le Gers 1940-1944 », à paraître courant 2012.

« Chrétiens et Juifs sous Vichy (1940-1944) : Sauvetage et désobéissance civile »

"Chrétiens et Juifs sous Vichy (1940-1944) - Sauvetage et désobéissance civile" de Limore Yagil

En mars 2005, Limore Yagil avait déjà publié le fruit de ses premières recherches sous le titre « Chrétiens et Juifs sous Vichy (1940-1944) : Sauvetage et désobéissance civile », aux Éditions du Cerf.

Présentation de l’éditeur :
La plus grande partie des communautés juives d’Europe a été totalement anéantie par ce que les Allemands ont appelé « la solution finale ». Le même projet a nourri l’occupation de la France, mais, contrairement à ce qui s’est passé ailleurs, un peu plus de la moitié de la communauté juive qui y était installée a survécu. L’étude historique de Limore Yagil, préfacée par Yehuda Bauer, se proposait d’analyser le sauvetage des juifs de France non seulement comme l’action héroïque de ceux qui sont entrés dans la Résistance, mais aussi comme le résultat d’une capacité diffuse et répandue de désobéissance civile chez les Français qui, en grand nombre, refusaient de rester passifs devant la souffrance des juifs. La diversité des actions de sauvetage, en zone libre comme en zone occupée, la propension des laïcs et des religieux à ne pas exécuter les lois du régime de Vichy et les exigences des autorités allemandes, la relativité de l’application des décisions gouvernementales sont révélatrices de cette attitude qui a débuté dès 1940, avant les rafles de l’été 1942. Désobéir, c’était, à certains moments, prendre des risques pour ne pas collaborer et pour tenter de sauver autrui ; c’était refuser d’aider à tuer. C’était agir seul, les mains nues, dans la clandestinité et la crainte d’être démasqué. Si plus de la moitié des juifs de France ont survécu, on le doit à cet engagement en leur faveur.

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