« Saint-Lago » aura vécu ! Dans ces cellules, les femmes ne pleureront plus leur passé…
Par Jacky Tronel | jeudi 8 septembre 2011 | Catégorie : Dernières parutions, DES PRISONS… | 1 CommentaireSAINT-LAZARE !
Saint-Lago, comme disaient en leur argot les prisonnières, les viles roulures du bitume, les grandes dames du monde qui avaient supprimé des amants volages, les femmes d’affaires en faillite crapuleuse, jusqu’aux Allemandes qui, peu galamment, y furent internées pendant la guerre de 1914-1918. Saint-Lago ne sera plus et tant mieux, car il y a quelque chose de pire que les criminels, ce sont les prisons odieuses, et Saint-Lago en était une avec ses corridors obscurs, ses cellules qui interdisaient le sourire, sa saleté repoussante et son régime aussi doux que la guillotine ! (« La Semaine » n° 7 du 29 août 1940)
Reportage paru dans l’hebdo « La Semaine » du 29 août 1940…
Ce ne fut pas sans mal qu’on décida de démolir ce cimetière vivant des femmes coupables, dont toutes ne méritaient pourtant pas cette mort lente.
Cellule n° 13, celle des condamnées à mort, prison Saint-Lazare, Paris
Depuis 1892, un vague projet circulait dans le lent cerveau des bonzes. 41 ans ! Il fallut quarante et un ans, pour que le projet aboutisse. Et que de cris ! Que d’arguments historiques ! Que d’encre ! Qu’importe que des prisonnières végètent dans des cachots sinistres, sous la surveillance de femmes dont le cœur sans vie et sans amour, condamne tout ce qui veut vivre et aimer ! Comment ! disaient les bonzes en tremblant de colère, aux gravois ces pierres magnifiques, le splendide cadran solaire où l’or ancien brille sous la crasse. Que l’histoire soit respectée, et que les prisonnières souffrent !
Enfin, en 1933 l’on donna le coup de pioche libérateur et les travaux suivaient leur cours quand survint la guerre. Ces travaux ont repris. En 1941, Saint-Lago aura vécu. Et en ce lieu qui vit tant de péchés et de larmes, un square radieux s’élèvera.
Texte et photos : hebdomadaire « La Semaine » n° 7 du 29 août 1940.
La prison Saint-Lazare (1791-1932) était une maison de justice, d’arrêt et de correction pour femmes, située dans le 10e arrondissement de Paris. Nord : rue de Chabrol et passage de la Ferme Saint-Lazare – Est : entrée 107 faubourg Saint-Denis et boulevard Magenta – Sud : rue de Paradis – Ouest : rue d’Hauteville.
La prison ferme en juillet 1932 et les travaux de démolition se sont échelonnés entre 1933 et 1940. Subsistent quelques bâtiments, dont la chapelle, visible au fond du square Alban-Satragne. Ils sont aujourd’hui la propriété de l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris.
Pour en savoir plus sur la prison Saint-Lazare…
Lire le témoignage de Jeanne Humbert à « Saint-Lago » par Héloïse VIMONT ; article élaboré à partir de l’une des parties de son master II de recherche : Saint-Lazare, prison de femmes à Paris. Imaginaire carcéral et imaginaire social (1794-1932), sous la direction de Dominique Kalifa, Université de Paris I Panthéon-Sorbonne, soutenu en 2010.
Nombreuses illustrations issues de Police Magazine
n° 51-54, nov./déc. 1931. Article en ligne ici.
Humbert (Jeanne). Le pourrissoir Saint-Lazare. Choses vues, entendues et vécues, Paris, Éditions Prima, 1932, 190 p.
Bizard (Léon), Chapon (Jane). Histoire de la prison de Saint-Lazare du Moyen Âge à nos jours, Paris, de Boccard, 1925, XV-279 p.
Erreur sur la propriété des bâtiments de Saint Lazare : ils appartiennent à la ville de Paris. Ils ont été occupés jusqu’en 1999 par AP-HP, mais au moment de la fermeture de l’établissement hospitalier, ils sont revenus à leur propriétaire (cf débat Conseil de Paris : 49 – 1999, DLH 8 – Compte-rendu de la concertation relative à l’Opération programmée d’amélioration de l’habitat « Porte Saint-Denis – Porte Saint-Martin » (10e). – Autorisation à M. le Maire de Paris de signer avec l’Etat et l’A.N.A.H. la convention relative à cette opération)