De la prison de la Santé au Fort d’Ivry : dernier voyage d’un condamné à mort

Extrait d'une note de service relative à l'exécution de condamnés à mort détenus à la prison de la Santé, fusillés au Fort d'Ivry

Le 24 février 1940, une note classée « secret » émanant du 2e Bureau de l’État-Major de la Place de Paris définit les dispositions à prendre en vue des exécutions capitales devant avoir lieu au Fort d’Ivry

Le 11 mars, une nouvelle note de service signée du Général Herbillon précise que « seuls sont fusillés les militaires ou assimilés condamnés par les Tribunaux Militaires et les non militaires condamnés par ces Tribunaux pour crime contre la sûreté extérieure de l’Etat… »

Le 10 juin 1940, lorsqu’à l’approche des Allemands sur Paris, Georges Mandel, alors ministre de l’Intérieur, ordonne le repli de la prison militaire de Paris, 1 559 prisonniers dont 1 510 militaires et 8 condamnés à mort quittent la prison de la Santé, tandis que Jean Amourelle, condamné à mort pour espionnage, évacue la prison du Cherche-midi ce même jour. Il sera fusillé aux côtés de trois saboteurs des usines Farman, sur le stand de tir de Verthamon, commune de Pessac, le 22 juin 1940, au cours du repli vers Gurs.

La note du 24 février 1940 énumère les dispositions à prendre en vue des exécutions imminentes de condamnés à mort qui doivent avoir lieu au Fort d’Ivry.

Du réveil du condamné à son transfert de la prison de la Santé jusqu’au Fort d’Ivry, son exécution puis son inhumation… l’autorité militaire a tout prévu, dans les moindres détails !

Réveil du condamné

Le réveil du condamné aura lieu à    H – 35 minutes.

Doivent, aux termes des instructions en vigueur, assister à ce réveil :
a) le Major de Garnison de la Place de Paris,
b) le Commissaire du Gouvernement,
c) le Juge d’Instruction Militaire,
d) le Greffier,
e) l’un des Juges ayant prononcé la condamnation (préalablement désigné par le Commissaire du Gouvernement après entente avec le Colonel JAMMES, Commandant d’Armes de St-DENIS, Président du 2ème Tribunal Militaire,
f) La gardien chef de la Prison,
g) Le représentant du culte,
h) Le défenseur du condamné (s’il le veut).

Le transport des autorités ci-dessus, de leur domicile à la Prison sera assuré :
Autorités visées aux paragraphes c) et d)
– par les soins du Colonel BACQUART, Commissaire du Gouvernement.
Autorités visées aux paragraphes e)
– au moyen de la voiture militaire dont dispose le Colonel JAMMES.
Autorités visées aux paragraphes g) et h)
– par leurs propres moyens.

Convoi

Le transport du condamné de la Prison de la Santé au Fort d’IVRY, sera assuré, sous la responsabilité d’un Capitaine de la Garde Républicaine Mobile, dans les conditions suivantes :

Ce convoi comprendra :
1 car tôlé – fourni par la Garde Républicaine Mobile – transportant le condamné, accompagné d’un gradé et deux gardes mobiles et éventuellement le Ministre du Culte et le défenseur.

Note du Capitaine Nypels du 29 février 1940 à propos du transport d'un condamné à mort qui doit être fusillé au Fort d'Ivry

Dans ce car, prendra place 1/2 peloton de gardes mobiles.
1 car tôlé de secours – fourni par la Garde Républicaine Mobile – dans lequel prendra place 1/2 peloton de G.R.M.

Le convoi sera précédé et suivi d’Agents de la Police Municipale à motocyclette.

Tenue des Gardes : Tenue de Service d’ordre.
Cette escorte et les voitures devront être rendues à la Prison de la Santé pour l’heure fixée ci-dessus pour le réveil du condamné.
La voiture dans laquelle prendra place le condamné pénétrera seule à l’intérieur de la Prison.

Le convoi se rendra au Fort d’Ivry par l’itinéraire :
Rue de la Santé
Boulevard Blanqui
Place d’Italie
Avenue de Choisy
Porte de Choisy
Route Nationale N° 305
Rue Hoche
Route Stratégique
Fort d’Ivry.

Le Directeur de la Police Municipale est prié de vouloir bien assurer un service d’ordre aux abords de la Prison de la Santé et prendre les dispositions nécessaires pour qu’aucun encombrement ne se produise sur l’itinéraire emprunté.

Transport de la Santé au Fort d’Ivry des autorités devant assister à l’exécution

Ces autorités dont font partie obligatoirement le Greffier et le Juge désigné, quitteront la Prison avant le convoi – elles utiliseront les moyens de transport qu’elles ont déjà utilisés pour se rendre à la Prison.
Les voitures se rendant ainsi au Fort d’Ivry, quitteront la Prison une dizaine de minutes avant le condamné – et éviteront de former convoi.

Dispositions à prendre au Fort d’Ivry et exécution du condamné

Les dispositions à prendre au Fort d’Ivry le seront d’après les prescription du Volume 79, pages 99 et 100,
– par le Commandant d’Armes du Fort.
– par le Commandant du 2ème Bataillon du 213° Rgt Régional, caserné au Fort.

Ces dispositions visent :

a) pour le Cdt d’Armes du Fort :
– la préparation matérielle du lieu déjà désigné pour l’exécution – nivellement, piquets, cordes – aménagement de la butte de façon à éviter les ricochets.
– mesures d’ordre à prendre pour maintenir les occupants du Fort dans leur Casernement ou à hauteur de celui-ci.
– mesures à prendre pour interdire l’accès du Fort à toute personne n’ayant pas à assister à l’exécution. Les personnes à qui l’accès du Fort est permis sont celles qui ont été visées aux paragraphes précédents, les Officiers des Etats-Majors du G.M.P. et de la Place de Paris, les fonctionnaires de la Police Municipale ou de la Police Judiciaire à l’exclusion de tout civil (journalistes… photographes…) sauf de ceux à qui une autorisation spéciale aura été délivrée par le Général Commandant la Place de Paris.

Instruction pour le médecin désigné pour assister à l'exécution d'un condamné à mort fusillé au Fort d'Ivry

Le Lieutenant Adjoint au Commandant d’Armes du Fort se tiendra à la Porte d’entrée du Fort et sera chargé de l’exécution de ces dispositions.

Le Commissaire de Police d’Ivry doit également se trouver à l’entrée du Fort avec quelques Agents chargés de refouler les personnes à qui l’entrée du Fort aura été interdite.
– détermination du point précis où s’arrêteront les voitures transportant le condamné, le peloton de Gardes Mobiles et dispositions pour amener le condamné de ce point au lieu de l’exécution.
– désignation et emplacement des délégations des Troupes du Fort assistant à l’exécution (le peloton de G.R.M. ayant escorté le condamné en faisant partie).
– désignation du Médecin Militaire devant assister à l’exécution (ci-joint Note spéciale à remettre par le Commandant du Fort au Médecin désigné).

b) pour le Commandant du Bataillon :
– les mesures à prendre pour l’exécution proprement dite.
La désignation des gradés et soldats chargés de l’exécution devra être préparée – mais ceux-ci ne devront recevoir notification de cette désignation que la veille du jour de l’exécution et assez tard pour qu’aucune indiscrétion de puisse être commise.

Dispositions à prendre pour l’inhumation

Le Président de la Commission Spéciale d’Ivry, faisant fonction de Maire est chargé de la fourniture du cercueil, de la mise en bière et du transport au Cimetière.

Le Directeur des Affaires Municipales et du Contentieux à la Préfecture de la Seine (Service des Inhumations) est chargé de l’inhumation au Cimetière parisien d’Ivry.

Le Directeur de la Police Municipale est chargé de fournir une escorte pour accompagner le fourgon mortuaire du Fort au Cimetière.

Vue aérienne du Fort d'Ivry, lieu d'exécution de condamnés à mort

Nota :
Toutes les dispositions ci-dessus ont été arrêtées à la suite de conférences entre les Autorités destinataires de la présente Note ou leurs représentants.

Le Général de Division HERBILLON, Commandant d’Armes délégué de la Place de Paris.

La dernière exécution au Fort d’Ivry a lieu en 1963

Jean Bastien-Thiry, dernier condamné à mort à avoir été fusillé en France

Jean Bastien-Thiry, né le 19 octobre 1927 à Lunéville, est le dernier condamné à mort à avoir été fusillé en France.

C’était un ingénieur militaire français, lieutenant-colonel de l’armée de l’air, reconnu coupable d’avoir organisé l’attentat du Petit-Clamart dirigé contre le président de la République Charles de Gaulle, le 22 août 1962.

Il a été fusillé le 11 mars 1963, au fort d’Ivry.

Sources :

Service historique de la défense – Département de l’armée de terre, cote 9 N 358.

Photo aérienne : ECPAD (Établissement de Communication et de Production Audiovisuelle de la Défense)

Photo Bastien-Thiry

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