Un surveillant de la prison militaire de Nantes révolvérise un détenu
Par Jacky Tronel | dimanche 25 novembre 2012 | Catégorie : Dernières parutions, DES PRISONS… | Pas de commentaireLe chapitre 7 de Pratique de la prison – Du bon usage des règles pénitentiaires internationales (PRI – 1997) énonce la règle 54/3 en ces termes : « Sauf circonstances spéciales, les agents qui assurent un service les mettant en contact direct avec les détenus ne doivent pas être armés. Par ailleurs on ne doit jamais confier une arme à un membre du personnel sans que celui-ci ait été entraîné à son maniement. »
Qu’en était-il au tout début du XXe siècle, dans les prisons militaires ?
Ci-dessous Nantes : la prison, le tribunal et la gendarmerie.
« Drame dans une prison militaire »
Un fait divers fait la Une du journal Le Petit Parisien, édition du jeudi 6 mai 1900 : « Un drame dans une prison militaire ».
Voici le texte qui venait en accompagnement de l’illustration de la scène de l’homicide :
« Un jeune soldat du 19e de ligne nommé Le Bellec, détenu pour une peine assez légère par le conseil de guerre du 11e corps, a été tué par le surveillant militaire.
À la suite d’une lettre fort grossière qu’il avait adressée à ses chefs, sa punition avait été augmentée de quinze jours et c’est au moment où le sergent-major Benedetti se présentait à sa cellule pour le mettre aux fers que Le Bellec se précipita sur lui et lui lança avec force la cruche qu’il tenait à la main et qui se brisa en le blessant profondément au front par ses éclats.
Benedetti, à moitié aveuglé par le sang qui coulait de sa blessure, saisit son revolver et tira sur lui à bout portant. Le Bellec tomba raide mort. »
Le Petit Parisien, édition du jeudi 6 mai 1900, fac-similé de couverture, coll. J. Tronel. Cliquez sur l’image pour voir la Une du journal.
Les suites de l’affaire de Nantes
Sous le titre : « Un acquittement », le journal Le Stéphanois du 17 mai 1900, se faisait l’écho des suites du jugement devant le Conseil de guerre du sergent-major Benedetti, surveillant-chef à la prison militaire de Nantes, « qui tua d’un coup de revolver un détenu nommé Le Bellec, après avoir été blessé par ce dernier d’une cruche lancée à la tête. »
Le 16 mai 1900, Benedetti était acquitté par le Conseil de guerre, à l’unanimité.
Le recours à la force aujourd’hui : « les armes, une réponse inadaptée »…
Le manuel Pratique de la prison – Du bon usage des règles pénitentiaires internationales, cité en introduction, précise :
« Pour éviter l’escalade de la violence, la première règle est de ne jamais armer les membres du personnel en contact direct avec les détenus. Un surveillant doté d’une arme à feu pourrait être tenté d’en faire un usage inapproprié. Les détenus pourraient pour leur part subtiliser cette arme. Or, le personnel pénitentiaire a pour mission de prévenir ou de réduire les explosions de violence qui peuvent survenir parmi des détenus prêts, pour certains d’entre eux, à faire n’importe quoi pour survivre dans un monde pénitentiaire où la loi de la jungle peut quelquefois prévaloir. Plus les conditions de détention sont mauvaises, plus grand sera l’effort nécessaire à la survie et plus fréquentes et plus graves seront les agressions. Le personnel doit préférer la voie du dialogue et de la conciliation à celle consistant à répondre à la violence par la violence. La discussion et la proposition de solutions équitables constituent des réponses efficaces aux différends qui opposent les protagonistes en présence : elles permettent de restaurer ou de créer une atmosphère de compréhension mutuelle, de respect et de tolérance. C’est seulement si la négociation échoue que des moyens de contrainte peuvent être utilisés : changements de cellule ou de quartier, sanctions disciplinaires ou isolement des détenus les plus violents. »
Source : Pratique de la prison – Du bon usage des règles pénitentiaires internationales, Penal Reform International (PRI), Paris, 1997 [lien].