Ordre et désordres en Sud-Ouest : thème du prochain numéro de la revue Arkheia
Par Jacky Tronel | vendredi 13 mai 2011 | Catégorie : ACTUALITÉS, Dernières parutions | 2 commentairesLe dernier numéro d’Arkheia, Histoire et mémoire du vingtième siècle
en Sud-Ouest est sous presse ! Il s’agit d’un numéro double de 120 pages.
Si la première de couverture titre sur les fusillés de la Libération à Cahors,
au-delà de cet épisode sauvage marquant l’épuration extra-judiciaire, ce sont plusieurs moments et formes de rupture qui sont ici évoqués, sur une période longue allant du coup d’État de 1851 à Mai-68, de quoi nourrir notre réflexion sur ce que furent ordre et désordres en Sud-Ouest…
L’éditorial de la rédaction…
Les sociétés humaines ont-elles été conçues pour les temps de crise ? Arkheia traite cette question à travers une réflexion sur l’ordre. D’abord un épisode-clé du XIXe siècle, le coup d’État de 1851, décrit en Tarn-et-Garonne par Jean-Paul Dammagio. La tranquille aspiration à la République, inaugurée par une révolution qui ne put surmonter ses contradictions, déboucha finalement sur une brutale réaffirmation de l’autorité politique. Bonaparte imposa une certaine idée de l’État fort. Mai-1968 : Max Lagarrigue revient sur cet épisode voisin, toujours dans le contexte montalbanais, moment de fête et de subversion du réel. Carnaval ! La révolution, le temps d’une saison… Là aussi, un Bonaparte revint en force mettre fin à ce qu’il appelait « la chienlit ». Pénible retour aux exigences de l’ordre, dans le regard de ceux qui furent des lycéens ou de jeunes travailleurs.
L’épuration sauvage, ce fut précisément le contraire de l’ordre – l’appropriation par la foule de sa part de violence. Cécile Vaissié se penche sur une étrange affaire : des autorités autoproclamées improvisèrent des procès expéditifs et des exécutions à Cahors. Afin d’orienter la passion incontrôlée de ceux qui exigeaient des morts ? Par esprit de vengeance, venant notamment des femmes (un commentateur insiste sur le soulagement que leur procure ces meurtres sacrificiels) ? Afin de marquer la fin d’un stress par un défoulement libératoire ? Ou bien dans un cadre plus banalement criminel, profitant de la confusion ?
Suivant José Cubero, le long de la vallée pyrénéenne de la Batsurguère, nous entrons dans un espace immobile, guère troublé par Vichy et par l’occupation, sinon par l’absence des hommes jeunes – comme partout ailleurs, prisonniers dans les stalags. Arrive l’an 1944, et voici que le microcosme se met à bouillir compte ses meurtres. On retrouve là curieusement le monde de l’échoppe dont J-P Dammagio a souligné l’importance ; les commerçants sont au cœur du drame (une boulangère victime dans la Batsurguère, un boulanger bourreau à Cahors…).
Le moment de crise se prolonge. Parallèlement à la restauration des pouvoirs dans le Sud-Ouest, une petite république soviétique prend pied en Dordogne autour des contingents russes et géorgiens intégrés à la Résistance. Situation classique de ces années de l’entre-deux-ordres : à l’état de droit se superpose l’état de fait – ailleurs, les Anglais ou les Américains – ici l’armée Rouge, indistinctement mélangée aux FTP, très sûre d’elle et dominatrice. Parmi ces hommes, une princesse Volkonskaïa, croquée par Hervé Dupuy, personnage d’un autre acabit – qui ne vient pas du monde des idées affichées mais semble appartenir à celui de la dissimulation et du renseignement.
Nous parvenons enfin à l’échelon des personnalités. Manuel Azaña, président de la République espagnole, mourut dans cette oppressante solitude montalbanaise décrite par Gérard Malgat. D’abord bafouée, son autorité s’était évaporée ; ne lui collait plus à la peau que la poisse des perdants. Un tout autre malheur frappa Jean Rounault, insolite Roumain de Transylvanie dont Jean-Louis Panné connaît bien la destinée. Passé par Toulouse où il fréquenta les milieux de la Résistance, il rentra à Bucarest où, raflé par les Soviétiques, il rejoignit une mine d’Ukraine où l’ordre reposait sur l’esclavage des goulaguiens. Si le travail forcé exista sous une forme plus douce, sa traduction française n’en reste pas moins regrettable au regard de l’histoire – en furent victimes ces travailleurs espagnols et « palestiniens » dont Jacky Tronel ressuscite la vie au camp de Mauzac.
Armand Fallières représente une variante plus optimiste, en tant que contradicteur de l’ordre : il fut ce président abolitionniste cerné par Marie Bardiaux-Vaïente. Quant à Trotsky, qui ne vint jamais troubler l’ordre en Corrèze, la rumeur de son passage relève, selon Gilbert et Yannick Beaubatie, de ces succédanés de la crise que sont la crainte, le rejet xénophobe et certaines formes un peu crasses de bêtise.
D’où l’on conclut que les sociétés humaines furent plutôt pensées pour le temps de paix. Que l’ordre se trouble et elles se reprogramment pour le combat. L’animalité de l’homme ressurgit alors avec fracas comme l’avait montré le mémorable épisode périgourdin d’Hautefaye où, en août 1870, une foule hagarde brûla vif puis dévora un villageois voisin considéré comme traître. Puisse cette dernière livraison nourrir votre réflexion sur ces moments de rupture qui illustrent bien ce que furent ordre et désordres en Sud-Ouest.
Le sommaire :
Page 3 : Éditorial
Page 6 : Mai-68 dans la cité de Cohn-Bendit, par Max Lagarrigue
Page 16 : Armand Fallières, un président abolitionniste, par Marie Bardiaux-Vaïente
Page 22 : Trotsky en Corrèze, histoire d’une rumeur, par Gilbert et Yannick Beaubatie
Page 28 : Un Toulousain d’adoption déporté en URSS, par Jean-Louis Panné
Page 36 : Les insurgés de 1851 dans le Sud-Ouest, par Jean-Paul Damaggio
Page 46 : Cahors : les 15 fusillés du 20 août 1944, par Cécile Vaissié
Page 72 : Montauban, ultime terre d’exil de Manuel Azaña, par Gérard Malgat
Page 82 : La vallée de Batsurguère (1940-1944), par José Cubero
Page 94 : Une « Princesse rouge » en Périgord, par Hervé Dupuy
Page 112 : Espagnols et « Palestiniens » du 652e GTE à Mauzac, par Jacky Tronel
Comment recevoir (commander) le numéro avec l’article « les fusillés de la libération à Cahors » ?? (Cécile Vaissié)
Il s’agit d’un numéro double vendu en kiosque au prix de 14 € et envoyé contre un chèque de 19 € (14 € + 5 € de port) à adresser sous enveloppe affranchie à Arkheia :
5, bd Marceau-Faure – 82100 Castelsarrasin. Actuellement sous presse, sortie en kiosque et diffusion prévue pour la fin du mois de mai.