Visite du module expérimental « Respecto » à la prison de Mont-de-Marsan
Par Jacky Tronel | jeudi 7 avril 2016 | Catégorie : Dernières parutions, DES PRISONS… | 1 CommentaireMardi 4 avril 2016, au centre pénitentiaire Pémégnan à Mont-de-Marsan (Landes), la Direction interrégionale des Services Pénitentiaires de Bordeaux organisait une réunion de formation à laquelle participait une vingtaine d’intervenants cultuels, hommes et femmes, aumôniers et auxiliaires d’aumônerie (catholiques, protestants, musulmans et témoins de Jéhovah).
Au programme : la prévention de la crise suicidaire en milieu carcéral et le rappel des principales mesures sécuritaires s’appliquant à un établissement pénitentiaire. Maryvonne Meslet, référente culte et laïcité, et Josiane Lignon, de la DISP, encadraient la formation.
La journée s’est conclue avec la présentation du dispositif « Respecto » par André Varignon, directeur du centre pénitentiaire, suivie de la visite d’un quartier de la prison où sont expérimentées ces « unités de respect ».
Les origines du projet expérimental
Inspirée d’un modèle testé dès 2001 à León, en Espagne, cette nouvelle forme de détention, désormais étendue à tous les centres pénitentiaires espagnols, repose sur deux « modules respect » ouverts depuis le 26 janvier 2015 à quelque 170 détenus du centre pénitentiaire Pémégnan de Mont-de-Marsan.
Ils étaient au nombre de 158 le jour de notre visite.
Au retour d’un voyage collectif d’étude de 4 jours dans une prison à Madrid, du 2 au 4 mai 2014, M. André Varignon, nouveau directeur du centre pénitentiaire de Mont-de-Marsan (ouvert en décembre 2008, capacité 650 personnes), présentait à son équipe ainsi qu’aux syndicats du personnel pénitentiaire le dispositif espagnol « Respecto ». L’adhésion au projet expérimental étant totale, il a été décidé, avec l’accord et le soutien de la directrice interrégionale des services pénitentiaires de Bordeaux, Mme Sophie Bleuet, de l’expérimenter dans deux des quatre bâtiments du centre de Mont-de-Marsan, l’un rattaché à la maison d’arrêt et l’autre au centre de détention.
Objectifs du projet
Le dispositif, encore unique en France, s’inscrit dans un plan de lutte contre les violences en milieu carcéral mis en place en 2014 par le ministère de la Justice. Il poursuit quatre objectifs : 1. Redonner du sens au travail des surveillants en ne les réduisant pas au simple rôle de porte-clefs ; 2. Responsabiliser le détenu pour mieux préparer sa réinsertion ; 3. Apaiser les tensions à l’intérieur de la détention ; 4. Occuper les personnes détenues.
Afin de responsabiliser les personnes détenues, quatre commissions ont été créées : 1. la commission « hygiène » ; 2. la commission « accueil » ; 3. la commission « régulation des conflits » ; 4. la commission « activités ».
Le système repose sur le respect de règles de vie. Les détenus dont le comportement est exemplaire se voient offrir un régime d’incarcération plus souple. Ils peuvent ainsi librement circuler hors de leurs cellules sur des tranches horaires élargies (7 h.30 – 12 h.15 / 13 h.15 – 19 h.). Les portes et les grilles restent ouvertes en journée, permettant l’accès aux espaces de promenade et aux salles communes (informatique, bibliothèque, musculation, etc) y compris le week-end.
Des droits et des devoirs…
Au préalable, pour pouvoir intégrer ces modules de respect, les détenus volontaires signent un contrat. Ils s’engagent à respecter le règlement intérieur qui prévoit une exclusion immédiate en cas d’insultes, de violences, de possession d’un téléphone portable ou de stupéfiant. Suivant le principe du « gagnant-gagnant », ces avantages sont ainsi conditionnés à des règles strictes d’hygiène, de participation aux tâches collectives, de ponctualité et, bien sûr, de comportement. Sous peine d’exclusion, le prisonnier doit aussi justifier de vingt-cinq heures d’activités, gage d’un rythme et d’un cadre de vie retrouvés et surtout respectés. La personne détenue est invitée à être acteur du module. C’est elle qui compose son programme d’activités qu’elle doit signer, ainsi que le règlement intérieur…
Chaque bâtiment « Respecto » est géré par 3 surveillants îlotiers. Les détenus sont évalués tous les jeudis matin par une commission technique. Cette équipe pluridisciplinaire composée de surveillants, de psychologues et de conseillers pénitentiaires de probation et d’insertion, évaluent et sélectionnent les dossiers des détenus afin d’assurer le suivi du dispositif. À la clé : des recadrages ou des encouragements. Et même des félicitations !… C’est le système des « plus » et des « moins » qui s’applique avec, semble-t-il, d’excellents résultats. La bonne conduite des participants donne accès à toute une série d’avantages : activités sportives le week-end, gratuité de la télévision, parloirs prolongés, permissions facilitées, voire même réductions de peine.
Impressions à l’issue de notre visite inopinée
Lors de la visite, c’est le contraste saisissant entre le module « Respecto » appliqué à l’un des deux bâtiments, et l’autre, géré de façon traditionnelle, qui nous a le plus frappé. Autant le premier était propre, l’ambiance calme et sereine, autant les abords du second étaient plutôt sales et bruyants. Des cris et des insultes fusaient des cellules du bâtiment « non Respecto », tandis que l’espace situé au pied de ce même bâtiment était jonché de papiers et autres détritus… Tous les détenus croisés dans la partie « Respecto » nous ont salués avec le sourire. Nous avons rencontré l’un d’eux, carrossier de métier, qui nous a montré, sans se faire prier, sa collection de modèles réduits réalisés à partir de canettes de sodas en métal : un véritable travail d’artiste…
Un jardin potager vient d’être créé avec plantation de fraisiers, de framboisiers et de tomates… La production finira aux cuisines de l’établissement. Dans la cour de promenade, on remarque une table de ping-pong, un panier de basket, un terrain de boules de pétanque et une jardinière fleurie, le tout très bien entretenu, ce qui témoigne du respect des détenus pour ces équipements sportifs et autres éléments de décoration.
Si les résultats obtenus sont globalement positifs, il faut toutefois mentionner les 140 exclusions qui ont eu lieu depuis le mois de janvier 2015, soit une moyenne de 10 par mois. Cependant, ces exclusions ne sont pas définitives. La personne détenue exclue peut se ressaisir et, après une mise à l’épreuve, se voit offrir le privilège de réintégrer le module « Respecto ».En conclusion…
S’il est encore un peu tôt pour mesurer l’efficacité d’une telle expérimentation, les retours sont prometteurs, tant auprès du personnel pénitentiaire que des personnes détenues. Le module RESPECTO étant en place depuis maintenant plus de 15 mois, l’administration va bientôt disposer d’un recul suffisant pour en tirer des conclusions.
Cette expérimentation est en passe de s’étendre au centre de détention de Neuvic (Dordogne).
C’est une initiative intéressante.
Combien de mois d’expérimentation sont-ils prévus par l’administration?