À propos de l’uniforme du personnel des prisons et des parquets militaires

Surveillants de prison militaire, le 28 février 1928.

Dans un rapport du mois de septembre 1849 consécutif aux visites des prisons militaires de Paris (prison de l’Abbaye et Maison de justice de la rue du Cherche-Midi), on peut lire ceci : « Il me semble que dans l’intérêt du service, il serait nécessaire de donner un uniforme au concierge ainsi qu’à ses agents afin d’en imposer un peu plus aux détenus militaires ».

Un siècle plus tard, dans son Memento du surveillant d’établissement pénitentiaire pour adultes, Dominique Bibal écrivait : « Le port de l’uniforme réglementaire est de rigueur pendant le service. Une tenue propre et correcte contribue à donner du prestige aux agents, elle augmente leur autorité. Une tenue négligée produit un résultat contraire. C’est un point sur lequel on ne saurait trop insister ; les détenus, qui observent et voient tout, ont moins de respect pour l’agent qui néglige sa tenue. C’est une question de dignité personnelle que chacun doit comprendre. »

Deux gendarmes en uniforme (celui de gauche, dans une « tenue 14/18 »), faisant fonction de surveillants pénitentiaires.
Information transmise par Christophe Bousquet, que je remercie. La photo est ainsi légendée : « Prison militaire, le 28.2.28 » (DR).

Décret ministériel du 24 novembre 1849

« Description de l’uniforme des Concierges, des Greffiers et des Surveillants des Prisons militaires. »
Source : Journal militaire officiel, année 1849, n° 43, p. 325-331.

Broderie du collet et des retroussis d'habit, du collet de capote et du bandeau de bonnet de police.1° HABIT : en drap bleu foncé, semblable pour la coupe, la forme et les dimensions, à l’habit des magistrats militaires, sauf les modifications suivantes : le collet est en drap bleu doublé de même étoffe ; les parements sont en drap bleu, passe-poils de drap écarlate, au collet, aux devants, aux parements, aux retroussis et aux pattes de poche qui sont placées en travers et garnies de trois boutons, comme celles de l’habit des magistrats militaires ; chaque retroussis et chaque côté du collet est garni d’une broderie conforme au dessin ci-joint (Figure n° 1). Cette broderie est en laine écarlate pour les surveillants ; pour les greffiers, elle est moitié en filé d’argent et moitié en soie ponceau ; pour les concierges de 2e classe, elle est entièrement en filé d’argent ; enfin, pour les concierges de 1re classe, elle est en cannetille et en paillettes d’argent.

Bouton d'un uniforme de la Justice militaire, novembre 1849.Les boutons sont en étain et leur empreinte est conforme au dessin ci-annexé (Figure n° 2) ; sur chaque épaule est fixée une bride dont la boucle s’engage autour d’un petit bouton d’uniforme cousu près de l’encolure, et dont les bouts sont pris dans la couture d’emmanchure. Cette bride est en tresse carrée de 6 mm de large ; en laine écarlate pour les surveillants ; en tresse moitié argent et moitié soie ponceau, pour les greffiers, et en filet d’argent pour les concierges de 2e classe : pour les concierges de 1re classe, les brides d’épaules sont formées au moyen d’une torsade de 6 mm de diamètre en argent mat et brillant.

2° PANTALON : de drap garance, sans bande ni passe-poil, tombant par-dessus la botte et retenu par des sous-pieds de cuir noir.

3° CHAPEAU : du modèle général, sans floche ni macaron ; il est bordé d’un galon de poil de chèvre noir façon dite à cordé plein, dont la largeur apparente sur chaque face est de 35 mm ; la cocarde aux trois couleurs est en poil de chèvre ; son diamètre est de 80 mm ; la ganse de cocarde est en galon en cul-de-dé d’une largeur totale de 40 mm ; ce galon est traversé dans toute sa longueur, d’une raie noire de 3 mm ; il est en laine écarlate pour les surveillants, et en tissu d’argent pour les concierges de 1re ou de 2e classe, ainsi que pour les greffiers.

4° CAPOTE DE PETITE TENUE : en drap bleu foncé, sans aucun passe-poil de couleur tranchante ; les devants se croisent sur la poitrine au moyen de deux rangées de sept gros boutons d’uniforme chacune, et espacées entre elles de 340 mm, au premier bouton en haut ; de 310 mm, au troisième ; de 200 mm, au cinquième, et de 100 mm à celui du bas ; sur les hanches sont fixées deux pattes de poche transversales, ayant 65 mm de hauteur ; celle de gauche recouvre une fente qui donne passage au porte-épée ; derrière, dans les plis, sont fixées deux pattes de poche verticales, en accolade de 300 mm de longueur, garnies chacune de trois boutons d’uniforme ; ceux du haut fixés au bas de la taille, sur le point de jonction des pans au corsage, sont écartés entre eux de 75 mm ; les poches sont ouvertes en dessous ; les pans de la capote tombent à 330 mm de terre. Les parements et le collet sont en drap bleu, semblables pour la forme et les dimensions à ceux de l’habit ; la broderie du collet et les brides d’épaules sont semblables à celle de l’habit.

5° VESTE DE TRAVAIL (pour les surveillants seulement) ; elle est en drap bleu, croisant sur la poitrine au moyen de deux rangées de neuf petits boutons d’uniforme, et descendant de manière à couvrir entièrement les reins et à bien emboîter les hanches ; collet et parements semblables à ceux de la capote, mais sans broderie au collet ; à l’épaule, il n’y a ni bride, ni bouton.

Bonnet de police et chapeau complétant l'uniforme de la Justice militaire en 1854

6° BONNET DE POLICE: en drap bleu ; un passe-poil est fixé à toutes les coutures de ce bonnet, à l’exception de celle qui réunit la visière au bandeau. Le passe-poil est en drap écarlate pour les surveillants, et en fil d’argent pour les concierges et greffiers ; l’ornement du bandeau est semblable à celui des retroussis de l’habit.

7° BOTTES ET COL : du modèle général.

8° GANTS : en tissus blanc de lin ou de coton.

9° ARMEMENT : l’armement consiste, pour les concierges et les greffiers, en une épée semblable à celle des sous-officiers de l’arme du génie (modèle 1823) ; les surveillants sont armés d’un sabre-poignard, semblable à celui des troupes à pied.

10° PORTE-ÉPÉE : en cuir noir verni, ayant la forme d’un fer à cheval renversé, présentant deux branches et un pendant sur lequel est cousu un gousset pour recevoir l’arme ; ce gousset est percé d’une boutonnière où s’engage le crochet de chape du fourreau de l’épée ; une banderolle en tissu, cousue aux deux branches, sert à suspendre le porte-épée et s’allonge à volonté au moyen d’une boucle ou d’un coulant métallique ; la banderolle en tissu se porte sous le vêtement et ne doit jamais être apparente.

11° PORTE-SABRE : Il est en tout point semblable au porte-épée; mais la boutonnière, dont le gousset est entaillé, est horizontale, et sa dimension est en rapport avec celle du contre-sanglon fixé à la chape du sabre ; une petite boucle de cuivre avec enchappure et passant de cuir noir est cousue sur le gousset au-dessous de la boutonnière pour recevoir et fixer le contre-sanglon.

Attributs distinctifs pour les parquets militaires

Source : Journal militaire officiel, année 1854, n° 74, p. 645-655.

Collet d'habit et de capote du personnel de la Justice militaire selon les instructions de 1854

Sur le croquis ci-dessus (instructions du 24 octobre 1854), on remarque les attributs qui distinguent les parquets militaires (francisque avec pointe de lance enveloppée dans un faisceau de verges liées par des lanières de cuir sur fond de drapeaux), des établissements pénitentiaires (épée pointe en haut derrière laquelle se croisent deux clefs réunies par une bandelette).

Instructions du 31 mai 1869 relatives à l’uniforme des sous-officiers

Source : Journal militaire officiel, année 1869, n° 16, p. 529-535.

Détails de l'uniforme des sous-officiers de la Justice militaire selon les instructions du 31 mai 1869.

La tunique est confectionnée en drap bleu foncé. Sa forme, sa coupe, ses dimensions sont semblables au modèle à deux rangées de boutons sur la poitrine, affecté à l’infanterie par la décision du 2 décembre 1867.

Les boutons, en cuivre-tomback, demi-bombés, diamètre des gros, 23 mm sur 6 de bombé ; idem des petits, 17 mm sur 4. Ils sont estampés en relief d’une épée de forme antique placée la pointe en haut, derrière laquelle se croisent deux clefs réunies avec l’épée par une bandelette. Autour du bouton est cette légende : Justice militaire.

Le képi se compose : 1° d’un bandeau en drap bleu foncé ; 2° d’un calot elliptique en drap garance ; 3° d’un turban formé de quatre pièces verticales également en drap garance mi-fin, ornées sur les coutures d’assemblage d’un cordonnet passe-poil de laine bleu foncé ; 4° d’une visière en cuir verni noir, posée horizontalement, coupée carrément, à angles arrondis. Sur le devant du bandeau est appliqué un attribut figurant une épée de forme antique placée la pointe en haut, derrière laquelle se croisent deux clefs réunies avec l’épée par une bandelette ; autour, deux branches de chêne. Hauteur de cet ornement, 40 mm, largeur 40 mm. Il est brodé sur drap bleu en filé d’or au passé sans cannetille ni paillettes. Il se place de chaque côté sur le devant du collet.

Surveillant d'établissement pénitentiaire militaire en uniforme

Vers la fin du XIXe siècle puis au début du XXe, l’uniforme subit encore d’importantes modifications. Dans une note ministérielle portant description de la tenue des sous-officiers (sergents, sergents fourriers et sergents-majors) du service de la justice militaire et de la vareuse des sous-officiers des établissements pénitentiaires et des prisons militaires, produite le 31 août 1896 par le Général Billot, ministre de la Guerre, apparaissent par exemple les cinq doubles boutons en métal qui ferment la tunique, ainsi que le col blanc… (photo ci-contre).

Troublantes similitudes entre les attributs de la Justice militaire et ceux de la Préfectorale

Aujourd’hui, les casquettes du Corps préfectoral sont très proches de celles de la Justice militaire. La différence se joue essentiellement sur le macaron circulaire qui porte sept feuilles par branche pour la Préfectorale, tandis qu’il n’en porte que six pour la Justice militaire ; chêne/laurier pour les préfets et feuilles d’acanthe pour la Justice militaire.
Le faisceau d’armes avec la francisque, présent dans les deux cas, tire son origine du faisceau de licteur romain. Pour mémoire, c’est la loi du 16 octobre 1941 qui déclara la Francisque « insigne du Maréchal de France Chef de l’État Français », symbole de l’unité française aux ordres de son chef, le Maréchal Pétain…

Lire en complément l’excellent article de Philippe Poisson : Histoires d’uniformes. Du dolman au pull-over… lien.

Sources : Service historique de la Défense, département de l’Armée de terre, Vincennes, cote 3 J 10. Photo DR.

3 Commentaires de l'article “À propos de l’uniforme du personnel des prisons et des parquets militaires”

  1. Fichet dit :

    Monsieur,
    Merci pour votre dossier, très intéressant.
    Je me permets cependant d’émettre une réserve sur le chapitre « Attributs distinctifs pour les parquets militaires ». Vous assimilez la hache bipenne associée aux faisceaux à une francisque. Je pense que l’ensemble fait référence aux faisceaux des licteurs romains repris par la République française dès 1790. Historiquement, la francisque n’était qu’exceptionnellement bipenne. Et si des représentations bipennes ont bien été utilisées pour des raisons d’esthétiques, elles n’ont jamais été le fait de la République. C’est la Francisque du régime de Vichy qui a imposé l’idée d’une francisque bipenne. Je ne pense pas qu’en 1854 on ai pensé francisque en créant ce motif, mais plutôt faisceau des licteurs.
    Mes meilleures salutations.

  2. Jacky Tronel dit :

    Bonsoir,
    Je vous remercie pour votre commentaire…
    En fin d’article, je mentionne le fait que « le faisceau d’armes avec la francisque […] tire son origine du faisceau de licteur romain ».
    Cependant, pour rappel, dans les « Oeuvres complètes de Chateaubriand », tome III, « Les martyrs », l’auteur écrit ceci à propos des Francs : « Mais tous ont à la ceinture la redoutable francisque, espèce de hache à deux tranchants, dont le manche est recouvert d’un dur acier ; arme funeste que le Franc jette en poussant un cri de mort… »
    Dans ce texte, publié en 1809, bien avant l’instruction du 24 octobre 1854, il apparaît que la francisque était déjà bien connue.
    Cordialement, JT

  3. Fichet dit :

    Monsieur,
    Oui, je connais ce texte. Mais vision littéraire, jamais reprise par les autorités françaises avant Pétain. Et la francisque, sauf exception, était à un seul tranchant. Ce qui fait la référence aux faisceaux des licteurs, c’est l’assemblage d’un fer et de verges. Le fer pour le droit d’exécuter chez les romains, les verges pour le droit de punir. Avec la République française, c’est devenu l’autorité, la force, pour le fer, l’unité de la nation pour les verges. On y a parfois ajouté des branches de chêne ou de laurier qui évoquent respectivement la paix et la prospérité.
    Par ailleurs, si les faisceaux sont constants dans l’iconographie républicaine, le fer prend des formes diverses. Une pique pour accompagner la Déclarations des Droits de l’homme un fer simple le plus souvent comme sur nos passeports, encore qu’on y ait ajouté une petite pointe, un fer abstrait comme sur le monument aux morts de Poleymieux-au-Mont-d’Or.
    Sur internet, On trouve dans faisceaux des licteurs à deux fers sur l’épée de magistrat de Raymond Lévy ou sur une Marianne de la mairie de Prunay-le-Gillon.
    Vraiment, dans l’iconographie républicaine, je ne vois pas qu’on ait revendiqué la francisque comme référence et on ne peut pas isoler le fer central de l’ensemble pour évoquer la francisque définitivement revendiquée par le seul régime du maréchal Pétain.
    Je viens de commander « Les emblèmes de la République » de Bernard Richard pour en savoir plus. Je vous tiendrai au courant.
    Bien cordialement. JF

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