Felix Nussbaum : un peintre juif allemand à découvrir absolument

Affiche de l'exposition consacrée à Felix Nussbaum au Musée d'art et d'histoire du Judaïsme

Qui est Felix Nussbaum ?

Son oeuvre a été redécouverte tardivement. Sa peinture n’a jamais été montrée en France sinon dans l’exposition « Face à l’histoire », au Centre Pompidou (1996).

Du 22 septembre 2010 au 23 janvier 2011, le Musée d’art et d’histoire du Judaïsme présente la première rétrospective de son œuvre hors de l’Allemagne et des États-Unis.

À travers 40 peintures et 19 dessins, cette exposition rassemble les œuvres majeures d’un peintre allemand qui incarne de façon saisissante le parcours d’un artiste juif persécuté.

La plupart des œuvres sont conservées dans un musée que lui a consacré sa ville natale, Osnabrück (Basse-Saxe), accomplissant ainsi sa volonté : « Si je meurs, ne laissez pas mes peintures me suivre, mais montrez-les aux hommes ».

Ses origines et son parcours

Felix Nussbaum peignant la toile "Tempête" en 1941.

Felix Nussbaum est un peintre moderne allemand, formé au temps de la Nouvelle Objectivité et au contact des avant-gardes européennes des premières décennies du XXe siècle, notamment la pittura metafisica italienne, le surréalisme international, références qui l’unissent à quelques uns de ses contemporains : Max Beckmann, Otto Dix, ou John Heartfield.

Né en 1904, Felix Nussbaum étudie aux Beaux-arts à Hambourg et à Berlin ; lauréat de l’Académie allemande à Rome, il est pensionnaire à la Villa Massimo en 1932. L’arrivée d’Hitler au pouvoir le précipitera sur le chemin d’un exil qui, après l’Italie, la Suisse et la France, le conduit à Ostende en Belgique. Arrêté après la défaite de la Belgique, le 10 mai 1940, en tant que ressortissant du Reich, il se retrouve interné au camp de Saint-Cyprien dans le sud de la France. Evadé, fugitif il retourne à Bruxelles où il demeure caché, avec son épouse Felka Platek, une artiste juive polonaise. Le 31 juillet 1944, il est finalement déporté avec elle à Auschwitz et assassiné.

Son œuvre

Ses œuvres de jeunesse sont influencées par Vincent Van Gogh, Henri Rousseau et Giorgio De Chirico. La renommée grandissante de l’artiste culmine avec la peinture La Place folle (Der Tolle Platz, 1931). Dans ce tableau qui fait sensation lors de la 64e exposition de la Sécession berlinoise, Nussbaum tourne en dérision les membres honoraires de l’Académie des Beaux-Arts. Ce succès lui ouvre les portes de la Villa Massimo de Rome, où il est envoyé comme lauréat de l’Académie allemande en 1932.

L’autoportrait

Felix Nussbaum, "Autoportrait au passeport juif", 1943

L’autoportrait comme questionnement est au cœur de l’oeuvre de Felix Nussbaum. À partir de 1936, il en exécute une série à travers laquelle il met en scène son identité d’artiste apatride, de réfugié politique et de juif persécuté.

Cette démarche se traduit par la représentation de regards et d’expressions révélant une large gamme d’émotions, confiance en soi, orgueil, peur, distance, perplexité, désespoir, silence, effroi, paralysie créative. Il se montre en peintre, en artiste envahi par le doute, en juif partagé entre dérision et tradition.

En 1943, au plus fort du désespoir, il réalise l’autoportrait de l’homme traqué, montrant son étoile jaune et son passeport juif.

L’internement à Saint-Cyprien

Felix Nussbaum, 1940, camp de Saint-Cyprien.

Le 10 mai 1940, suite à l’invasion de la Belgique par l’armée allemande, Felix Nussbaum est arrêté par les autorités belges en tant qu’« étranger ennemi » et se retrouve finalement au camp de Saint-Cyprien, dans les Pyrénées-Orientales.
Trois mois plus tard, il adresse à la direction du camp une demande de rapatriement en Allemagne. Sur le chemin du retour, il parvient à s’échapper d’une caserne de Bordeaux et s’enfuit à Bruxelles où il vivra désormais caché.

L’artiste reste hanté par son expérience de la captivité et place ce sujet au centre de son œuvre. Ses toiles sont parmi les très rares à projeter en peinture la terreur nazie et la menace d’extermination qui pèse sur les Juifs d’Europe.

Le Triomphe de la Mort

À partir de 1941, la guerre et la persécution dominent l’œuvre de Nussbaum, ainsi que la peur et le désespoir qu’elles engendrent. Malgré le début des déportations d’août 1942, sa femme, Felka Platek, s’obstine à rester en Belgique. Pour échapper aux rafles de la Gestapo, le couple se cache dans la mansarde d’un immeuble situé dans la rue Archimède. C’est grâce à une inébranlable confiance dans la peinture que Nussbaum trouve le moyen de résister et de conjurer la peur.

Felix Nussbaum, "Triomphe de la mort", 1944.

Ses dernières toiles restituent l’attente impuissante devant la mort des juifs menacés. Squelettes piétinant un champ de ruines, claironnant la fin des temps dans les trompettes du Jugement dernier, Le Triomphe de la mort (signé du 18 avril 1944), ultime toile peinte par Felix Nussbaum, offre une vision prophétique de l’effondrement général du monde aussi bien que de la propre fin de l’artiste. Nussbaum fait ici appel à deux thèmes de la tradition occidentale chrétienne : le Jugement dernier et la danse macabre.

Le 20 juin 1944, Felix Nussbaum et sa femme sont arrêtés sur dénonciation, déportés à Auschwitz par le dernier convoi en partance de la Belgique et assassinés.
Le 3 septembre, les Alliés entrent à Bruxelles.

Felix Nussbaum, "La peur avec sa nièce Maria,nne", 1941.

La peur, autoportrait avec sa nièce Marianne, 1941.

Sources :

Musée d’art et d’histoire du Judaïsme.

Pour aller plus loin, voir le dossier pédagogique en cliquant sur ce lien.

Crédit photos :
Mahj (ADAGP, Paris 2010).

Pour en savoir plus, avec commentaires vidéo de la commissaire de l’exposition, Nathalie Hazan-Brunet :
suivre le lien

Du Lundi au Vendredi, de 11H00 à 18H00, le Dimanche, de 10H00 à 18H00, nocturne tous les Mercredis.

Le Musée d’art et d’histoire du Judaïsme est situé dans l’Hôtel de Saint-Aignan, au 71 rue du Temple, à Paris (3e).

Renseignements :
au 01 53 01 86 60.

9 Commentaires de l'article “Felix Nussbaum : un peintre juif allemand à découvrir absolument”

  1. lumeau dit :

    pages de grande qualité, oeuvres poignantes, je cours à l’exposition, ma visite sera comme un hommage dû.

  2. Chloé dit :

    Très bel article, qui m’a apprit beaucoup ! Merci.

  3. luciole dit :

    Trop émouvant : le texte, la peinture… et la vérité réapparue

  4. Léo dit :

    Je suis au collège en 3e et j’avais un cartel dingos à faire. Je suis tombé sur cet article qui m’a beaucoup appris pas que sur les infos que j’avais à remplir mais sur la souffrance, la pauvreté et le délabrement de ces camps de concentration à Saint-Cyprien.

  5. Océane dit :

    Je suis en 3e et je fais une fiche d’histoire des arts sur la peinture intitulée « Autoportrait au passeport juif ». Cette peinture m’a beaucoup émue. J’ai beaucoup appris grâce a cette peinture. Ce peintre a eu beaucoup de peurs. C’est très émouvant ……

  6. pablodu74 dit :

    Cette oeuvre est très émouvante ma foi.

  7. Potato dit :

    Un artiste qui mérite d’être reconnu pour ses fabuleuses oeuvres, poignantes et très réalistes…

  8. marie dit :

    Super article de qualité pour un exposé réussi…

  9. Sarah dit :

    Je viens de le découvrir et pour moi il a réussi à faire passer tout ses sentiments grâce à ses tableaux, toute la peur et et les blessures… Tout ce qu’il a vécu dans le camp de Saint-Cyprien… Franchement il mérite d’être connu!!!!! ^^

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